mon fils?
--Oui.
Et mistress Fanoche jeta un chale sur ses épaules, ouvrit la porte du parloir et sir John Waterley la suivit.
Deux minutes après, elle entrait dans le jardin de cette villa où, la nuit précédente, Shoking avait cru faire un rêve des Mille et une Nuits.
Ralph était dans le jardin.
--Le voilà, dit mistress Fanoche.
L'enfant leva un oeil étonné sur le major.
Le major, pale d'émotion, s'élan?a vers l'enfant et le prit dans ses bras.
En ce moment, un domestique en livrée sortit de la maison, s'approcha du major et lui dit:
--Lord Vilmot, mon ma?tre, serait heureux de recevoir Votre Honneur.
Il souffre d'un accès de goutte et ne peut quitter sa chambre.
Le major serrait toujours dans ses bras celui qu'il croyait être son fils!
IV
Les r?les avaient été merveilleusement distribués sans doute et répétés avec soin en présence de ce metteur en scène prodigieux qui s'appelait l'homme gris, car il n'y eut personne dans la maison où pénétrait le major Waterley qui ne s'acquittat correctement du sien.
Ralph, que le major embrassait toujours, lui disait na?vement:
--C'est donc vous qui êtes mon père?
Au seuil du vestibule, le major vit une femme qui fondait en larmes.
C'était l'Irlandaise.
L'Irlandaise joignit les mains en regardant le major et lui dit:
--Ah! monsieur, ne me séparez pas de ce cher enfant... je lui ai donné mon lait... et je l'aime comme s'il était sorti de mes entrailles. Ne m'en séparez pas... je vous servirai pour rien...
--Je vous le promets, dit le major ému.
Et il continua son chemin sur les pas du vieux domestique qui lui avait dit que son ma?tre, lord Vilmot, l'attendait avec impatience.
Lord Vilmot était dans ce même parloir où, la veille au soir, Shoking et l'homme gris avaient soupé tête à tête.
Le major aper?ut un vieillard emmitouflé dans une vaste robe de chambre, couché sur une chaise longue et la tête enveloppée de foulards.
Auprès de lui se tenait un homme vêtu de noir qui pouvait avoir trente-sept ou trente-huit ans.
--Le docteur Gordon, mon médecin, dit lord Vilmot, en présentant cet homme à sir John Waterley.
Le docteur et le major se saluèrent.
Le domestique sortit et ferma la porte.
Ralph vint s'asseoir sur le bord de la chaise longue et prit l'une des mains de lord Vilmot en lui disant d'une voix caressante:
--Comment vas-tu aujourd'hui, mon grand ami?
--Monsieur, dit lord Vilmot au major, je n'ai aucun secret pour le docteur Gordon que voilà, et vous permettrez, n'est-ce pas, que nous causions devant lui.
Sir John ne devinait guère ce que lord Vilmot, qu'il voyait pour la première fois, pouvait avoir à lui dire, mais il était si heureux d'avoir auprès de lui cet enfant qu'il croyait son fils, qu'il était prêt à tout écouter.
Il prit le siége que lui avan?a le docteur.
--Monsieur, dit alors lord Vilmot, ce jeune enfant que vous voyez là fait ma joie, et je lui dois les meilleurs jours de ma vieillesse prématurée et souffrante.
Il me vient voir chaque jour, et sa vue me rappelle un fils que j'ai perdu et qui était tout ce que j'aimais en ce monde. Est-ce une illusion? peut-être? Mais cet enfant me para?t la vivante image de mon fils mort.
--Avait-il cet age-là quand vous l'avez perdu?
--Oui, monsieur, dit lord Vilmot, de plus en plus ému.
Sir John ne savait encore où le malade en voulait venir.
--Monsieur, poursuivit lord Vilmot, je suis attaqué d'une maladie qui, au dire du docteur, ne pardonne pas. Je puis mourir demain, et je veux assurer l'avenir de votre fils.
--Milord... balbutia le major.
Lord Vilmot fit un signe au docteur, qui prit un portefeuille sur un meuble et le lui tendit.
Lord Vilmot continua:
--Je n'ai pas de proches parents, et je veux faire de votre fils mon héritier. J'ai rédigé mon testament en ce sens, et vous n'aurez que votre signature à apposer au bas de cet acte qui porte déjà la mienne, pour que l'adoption soit en règle. Cependant je mets à cette adoption une condition...
--Parlez, monsieur, dit le major.
--Votre fils, grace à la fortune et au titre que je lui laisserai, pourra un jour faire une grande figure dans le monde.
Le major tressaillit d'orgueil.
--Il faut donc qu'il soit élevé convenablement, et je désire qu'il soit admis à Christ's hospital.
Il vous est facile d'obtenir son admission, à vous, officier de l'armée de terre, car c'est de préférence aux enfants de militaire qu'on accorde cette faveur.
--En effet, dit le major.
--J'ajouterai même, poursuivit lord Vilmot, que je désire que vous fassiez sur-le-champ les démarches nécessaires.
--Je les ferai, dit sir John Waterley.
--Je puis mourir, répéta lord Vilmot, et je ne vous cacherai pas mon impatience de voir l'enfant revêtu de la soutane bleue et des bas jaunes.
--A première vue, j'ai l'air d'un excentrique, n'est-ce pas? Mais si je vous dis que le fils que je pleure était élève de Christ' hospital, vous me comprendrez.
--Oui, milord.
Lord Vilmot prit alors l'acte d'adoption, le déplia et le

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