mit sous les yeux du major.
Cet acte contenait l'énumération de la fortune de lord Vilmot.
Cette fortune se composait d'un titre de rente de trente mille livres sterling et des titres de propriétés foncières situées en Irlande.
Le major vit son fils riche; il se vit lui-même gérant au premier jour de cette immense fortune, et il prit la plume que lui tendait lord Vilmot et signa.
Le docteur Gordon, ce médecin qui n'avait pas dit un mot durant cette scène, ne fut peut-être pas étranger à la résolution subite du major.
Cet homme avait laissé peser sur lui un de ces regards chargés de mystérieuses effluves magnétiques qui violentaient la volonté d'autrui.
C'était lui qui avait présenté la plume au major.
Et le major avait pris cette plume.
Lui encore qui, du doigt, avait indiqué, au bas de l'acte d'adoption, la place où le major devait écrire son nom.
Et le major avait senti que sa main était poussée par une force inconnue.
Il avait signé.
Dès lors, il était engagé d'honneur à remplir la condition imposée par le donataire, c'est-à-dire de faire admettre celui qu'il croyait son fils au fameux collège de Christ's hospital.
Et, quand ce fut fait, il regarda lord Vilmot et lui dit:
--Milord, à cette heure, une pauvre femme, une pauvre mère, qui ne sait encore si son fils est mort ou vivant, attend mon retour avec anxiété.
Voulez-vous me permettre de courir à Londres et de ramener mistress Waterley?
--Oui, certes, dit lord Vilmot.
* * * * *
Et quand le major fut parti, le docteur Gordon qui n'était autre que l'homme gris, et feu Shoking, devenu lord Vilmot, se regardèrent en souriant.
--Je suis content de toi, dit le premier.
--Ma?tre, répondit Shoking, tout ce que nous avons fait là est fort bien, mais une chose m'embarrasse.
--Laquelle?
--Voilà l'enfant devenu le fils de sir John Waterley.
--Jusqu'au jour où je démontrerai clair comme le jour au major que Ralph est le fils de sir Edmund Palmure. Mais ce jour est loin encore, et l'enfant une fois entré à Christ'hospital, nous serons tranquilles, et nous attendrons qu'il soit devenu homme pour lui révéler la mission qui lui est réservée.
--Soit; mais la fortune... qui la gardera?
--Lui, parbleu!
--Cette fortune existe donc?
--Sans doute.
--Les titres de rente ne sont pas imaginaires?
--Non.
--Et les terres d'Irlande?...
--Tout cela fait partie du patrimoine consacré à la cause que nous servons.
--Mais enfin, dit Shoking qui avait une dernière objection à faire, Jenny va se trouver ainsi séparée de son fils?
--Non.
--Comment cela?
--Je me suis occupé de la faire entrer comme lingère dans le collége où sera l'enfant.
--Est-ce possible?
--Elle et Suzannah.
--La soeur de John Colden?
--Oui.
--Pauvre John! dit Shoking, il payera pour tous, celui-là.
--Que veux-tu dire?
--Il sera condamné à mort pour avoir tué M. Whip.
--Oui.
--Et il sera pendu.
--Non, dit l'homme gris.
--Oh!
--Ne t'ai-je pas dit que je le sauverai?
--Oh! fit Shoking, est-ce possible?
--Tout est possible à celui qui veut, répondit l'homme gris.
Et son accent était si convaincu que Shoking espéra revoir John Colden.
Il avait foi dans le ma?tre mystérieux qui arrachait les enfants au moulin sans eau.
V
Il est temps de revenir à un personnage de ce récit que nous avons momentanément perdu de vue.
Nous voulons parler de John Colden.
John Colden, l'Irlandais, le vagabond que l'homme gris s'était attaché d'un signe, un matin, dans Dudley-street.
John Colden, qui avait aidé à sauver l'enfant du moulin et qui avait été victime de son dévouement.
John était toujours à Bath square.
Sa blessure était moins grave qu'on ne l'avait pensé tout d'abord.
Il avait perdu beaucoup de sang et, le premier jour, le docteur brusque et philanthrope qui faisait partie d'une société éminemment humanitaire, mais qui e?t envoyé de bon coeur un voleur à l'échafaud, le docteur, disons-nous, avait froncé le sourcil et murmuré:
--J'ai bien peur que le brigand ne meure dans son lit, et ce serait dommage, en vérité, car la cravate de chanvre lui irait à merveille.
Le lendemain, le joyeux visage du bon docteur s'était rasséréné.
John Colden allait beaucoup mieux.
Le troisième jour, il lui avait dit avec une bonhomie charmante:
--Hé! hé! mon gar?on, tu as plus de chance que tu ne mérites!
Et comme l'Irlandais levait sur lui son oeil noir et mélancolique:
--Tu guériras, mon gar?on, tu guériras, lui dit-il.
John Colden eut un haussement d'épaules.
--Que m'importe! dit-il.
--D'ici à huit jours, poursuivit le joyeux docteur, tu te porteras comme un charme.
Et comme cette nouvelle n'amenait pas le moindre sourire sur les lèvres de John Colden, l'excellent homme crut devoir ajouter:
--C'est après-demain la Christmas. Tu pourrais bien l'aller passer à Newgate.
John Colden ne sourcilla pas.
--As-tu des parents? poursuivit le docteur.
--J'ai une soeur.
--Est-elle riche?
--Non.
--Veux-tu lui laisser un petit héritage?
John Colden le regarda.
--Cela dépend de toi, poursuivit le docteur, tout à fait de toi. Mais je ne veux pas t'en dire plus long pour aujourd'hui; demain, nous en recauserons...
Et le docteur était parti.
Le lendemain, un homme que John Colden ne s'attendait plus à revoir, entra vers sept heures du matin dans sa cellule.
Pendant les trois

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