aucune valeur.
?Une enquête a été commencée à l'effet de rechercher les causes et l'étendue du désastre; on se préoccupe au parquet de conna?tre quels étaient les antécédents du sieur Mancal, qui, grace à des connivences dont la nature reste encore un mystère, avait su pénétrer dans la société et y acquérir une sorte de confiance imméritée.
?Nous nous permettrons de trouver qu'il est un peu tard, mais nous nous en tiendrons au proverbe: Mieux vaut tard que jamais.?
--Eh bien? demanda Armand.
--Mon cher ami, reprit Archibald, vous n'ignorez pas que la maladie, en affaiblissant le corps, donne souvent à l'esprit une lucidité nouvelle; c'est comme une sorte de divination, qui par malheur ne dure pas alors que la santé est rétablie....
--Je ne vous comprends pas....
--Eh bien, traitez-moi de visionnaire si vous voulez, mais je ne sais quel instinct me dit qu'il y a corrélation entre ces deux faits....
--Entre la disparition de Biscarre....
--Et celle de Mancal. Mais je vais plus loin: je ne joue pas au devin. Maintenant que mes souvenirs me reviennent, je comprends pourquoi cette singulière pensée m'est venue, et vous allez le comprendre comme moi... Veuillez, je vous prie, appeler mes deux singuliers gardes-malades....
--Je vous obéis. Mais, à ce propos, n'est-il pas étrange que de semblables bandits aient montré pour vous soigner un dévouement qui faisait envie même à vos amis?
--Que voulez-vous? fit Archibald en riant, je les ai ensorcelés.
--En ce cas, dit Armand, s'il vous convient de les garder à votre service, je vous donnerai un conseil....
--Lequel?
--C'est de les engager à changer de nom.
--Et pourquoi?
--Ce nom de Muflier, surtout.
--Ah! mon cher ami! fit Archibald, permettez-moi de vous dire que je ne reconnais point votre coup d'oeil ordinaire. Effacer le nom de Muflier, mais ce serait plus qu'une faute, ce serait un crime... Muflier s'appelant Jean ou Martin ne serait plus lui-même. Muflier il est, Muflier il restera, c'est-à-dire le gredin poseur, qui joue à l'homme sensible, capable de tout, même d'une bonne action. Ce nom de Muflier est sa force et la mienne. J'y tiens, et je le garderai tel.
--A votre aise. Certes, vous les connaissez mieux que moi....
--Appelez-les donc... et par leur nom, bien entendu.
--Muflier!... Goniglu!... demanda Armand.
Nos deux amis étaient aux aguets, non par indiscrétion--car d'honneur c'était à ne plus les reconna?tre--mais pour être prêts au premier appel.
--Me voici! dirent-ils, chacun avec son accent spécial.
--Mon cher monsieur Muflier, dit Archibald, et vous aussi, monsieur Goniglu, permettez-moi tout d'abord de vous témoigner ma reconnaissance....
--Oh! marquis!
--Je vous demande en même temps pardon, car il me semble me souvenir que parfois je vous ai tutoyés....
--C'était un honneur pour nous....
--Point! j'avais tort et je m'en accuse. Je veux vous rendre désormais les égards qui vous sont dus, et tout d'abord veuillez vous débarrasser de ces tabliers indignes de vous.
Muflier regarda Goniglu, qui regarda Muflier.
Leur visage s'allongeait de piteuse fa?on.
--écoutez, monsieur le marquis, dit Goniglu, si vous avez à vous plaindre de nous, il vaut mieux le dire tout de suite....
--Me plaindre de vous! non pas. Mais en quoi ce tablier....
--Ce tablier prouve que vous voulez bien continuer à accepter nos soins... Tenez, je vais vous dire la vérité. Nous sommes des gredins... mais vous nous allez, et vous nous désolerez en nous renvoyant....
--Mais on ne vous renvoie pas, interrompit Armand, que cette na?veté touchait malgré lui.
Comme l'avait dit Archibald, c'était une véritable joie pour lui que les airs ahuris des deux coquins.
--Eh bien, n'en parlons plus!... reprit-il avec une gravité comique; cependant, comme ce n'est pas aux infirmiers, mais aux gentlemen que je viens m'adresser... j'aurais préféré....
--Laissez-nous le tablier! répéta Goniglu.
--Gardez-le donc, fit Archibald en soupirant. Maintenant, mes braves, causons de nos petites affaires... et de votre ami Biscarre....
--Biscarre! s'écrièrent les deux hommes avec une terreur réelle. Où est-il?...
--Nous n'en savons rien... Cependant nous avons certaines raisons de croire qu'il est mort....
Muflier et Goniglu se levèrent brusquement:
--Si vous avez vu son cadavre, si vous l'avez touché, si vous l'avez enterré de vos propres mains... oui, le Bisco a dévissé son billard... mais sans ?a, pas vrai!... faut pas vous monter le coup... il n'y a que les bons chiens qui crèvent.... Avez-vous une preuve?...
--Non, tenez, lisez ceci.
Armand remit à Muflier le journal.
Celui-ci lut lentement, avec soin. Goniglu suivait les lignes par-dessus son épaule.
--Eh bien? demanda Armand.
--Le Bisco est vivant, articula nettement Muflier.
--Cependant, il est tombé à l'eau et n'a pas reparu.
--On ne l'a pas vu repara?tre, ?a n'est pas la même chose.
--Mais ses vêtements?
--C'est une frime.
Il y eut un silence. Au fond, Archibald et Armand partageaient l'opinion de Muflier.
--Dites-moi maintenant, reprit Archibald, si mes souvenirs ne me trompent pas. Ne m'avez-vous pas parlé de certaine maison de banque dans laquelle vous aviez vu plus d'une fois pénétrer le Bisco?
--?a, c'est vrai.
--Dans quelle rue?
--Rue Louis-le-Grand.
--Et vous ne l'avez jamais vu ressortir?
--Jamais.
--Alors, qu'est-ce que vous supposez?
--Dame! c'est difficile!... Voyez-vous, si vous connaissiez le
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