concrètes, puis abstraites.
L'enseignement inférieur et même moyen, dans les classes inférieures, celui-ci cependant dans une proportion déjà moindre, sera donc avant tout un enseignement intuitif, inductif, concret. Tout en embrassant partout et toujours l'arbre encyclopédique complet des sciences, y compris les sciences sociales, il ne se départira qu'avec une circonspection extrême de ces procédés dogmatiques imposés par la nature elle-même. C'est dans tous les cas par des observations tirées des sciences les plus générales et les plus simples, des phénomènes les plus fréquents et les plus ordinaires qu'il faudra commencer, à pas comptés, par enseigner aux jeunes gens à formuler eux-mêmes leurs premières généralisations, leurs abstractions spontanées, notamment dans la géométrie, le calcul, la mécanique et la physique, tous ordres de phénomènes du plus haut intérêt pour les enfants et les jeunes gens et constituant même une véritable récréation quand, au lieu de se servir de formules sèches et abrutissantes, le professeur objective expérimentalement son enseignement. C'est assez dire que l'irrationnel enseignement des règles de la grammaire, par exemple, est aussi peu en rapport avec l'état des jeunes intelligences que celui d'une métaphysique ou d'une philosophie générale et abstraite des sciences. La grammaire, en tant que formulaire des lois du langage oral ou écrit doit être rigoureusement expulsée de renseignement au moins primaire tout aussi bien que le cathéchisme. Il n'y a pas plus de place dans les cerveaux infantiles pour une conception des lois du langage, que pour une conception cosmogonique et sociale, générale ou abstraite et même concrète.
C'est ainsi qu'au point de vue dogmatique, il convient de combiner toujours rigoureusement les nécessités de l'ordre logique avec celles de l'ordre historique, en procédant en définitive pour chaque éducation particulière, mais avec une rapidité incomparable, par les mêmes stades traversés par les civilisations particulières et l'humanité en général dans son évolution scientifique, avec cette restriction capitale qu'il est inutile de repasser par les mêmes erreurs ou déviations, et qu'il est possible actuellement de suivre une ligne raisonnée et droite.
En résumé, les procédés dogmatiques, tout en se conformant aux classifications logiques, suivent un ordre moins simple et moins rigoureux; ils doivent également tenir compte des grandes conditions de simultanéité et d'interdépendance historiques des sciences, surtout concrètes. Ce n'est pas tout: comme nous venons de le voir, les classifications logiques sont elles-mêmes en rapport avec la structure et le fonctionnement de notre intelligence; celle-ci, au cours de l'évolution de toute vie individuelle, se manifeste suivant des modalités différentes selon les ages; son activité est autrement conditionnée pendant l'enfance et l'adolescence qu'en pleine maturité; les méthodes dogmatiques, tout en se différenciant partiellement de l'ordre purement logique, doivent donc toujours se conformer à la constitution physiologique et psychique des élèves; elles doivent par conséquent transiter du concret à l'abstrait, du particulier au général, du simple au composé.
D'un autre c?té, renseignement scientifique n'a pas son objectif en lui-même; il a une destination sociale; il s'applique à tous les besoins de plus en plus complexes, non seulement matériels, mais idéaux, des individus et des sociétés; chaque science correspond, dans ses applications, à un ou à plusieurs arts et professions différents. Aux premiers stades de l'enseignement, les notions les plus simples se confondent généralement avec leur utilité pratique, mais à mesure qu'il devient à la fois plus généralisateur, plus abstrait et en même temps plus intensif, la nécessité appara?t, dans l'intérêt de l'équilibre intellectuel et même physiologique et surtout dans l'intérêt supérieur de l'adaptation incessante aux conditions sociales de l'existence, d'une intervention de plus en plus considérable de l'enseignement professionnel. Ainsi, dans les instituts supérieurs du Commerce, de l'Industrie, de l'Agriculture, dans les écoles polytechniques et dans les diverses facultés universitaires, le maximum d'abstraction et de généralisation scientifiques et philosophiques doit être naturellement contre-balancé par le maximum de spécialisation professionnelle. Là où l'enseignement universitaire se réduit à être une fabrique de dipl?mes professionnels, il est aussi vicieux que là où il ne produirait que des théoriciens et des abstracteurs de quintessence. En outre, qu'on y prenne garde, ce n'est pas la métaphysique qui peut servir de contrepoids, avec ses rêves, à la différenciation sociale progressive des études et des fonctions; la philosophie de chaque science particulière et la philosophie générale des sciences peuvent seules remplir cette indispensable mission; la spécialisation scientifique et professionnelle a son antidote dans la généralisation également scientifique qui permet à chaque conscience individuelle de rattacher l'existence de toute profession particulière à l'ensemble de l'organisation collective et par là de reconna?tre et de proclamer la dignité et l'équivalence de tous les métiers, libéraux ou manuels, dans la trame indivisible de la vie des sociétés.
Cette considération est de la plus haute importance, surtout si l'on complète le tableau hiérarchique des sciences par la philosophie des sciences sociales particulières, c'est-à-dire par la sociologie qui en est le couronnement. L'enseignement de la sociologie est l'indispensable conclusion de
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