Les lois sociologiques | Page 7

Guillaume de Greef
successif, logique, et historique des sciences y sera seulement de plus en plus combiné avec les nécessités dogmatiques de simultanéité et d'interdépendance de toutes les sciences, en ce sens, qu'à chaque degré plus élevé dans la hiérarchie de l'enseignement et dans chaque classe plus élevée de chaque degré, cet enseignement sera de plus en plus approfondi dans toutes et chacune des branches spéciales. L'enseignement, en un mot, à tous les degrés devra toujours être à la fois général et spécial, c'est-à-dire encyclopédique; en outre, il devra devenir de plus en plus approfondi et spécial, à mesure que l'on gravit les échelons scolaires, mais en contre-balan?ant de plus en plus rigoureusement cette spécialisation croissante par le contrepoids nécessaire de considérations générales et abstraites tirées des sciences particulières et des rapports qui les unissent entre elles. Cette prédominance constante et progressive de l'ensemble sur le particulier imprime seule à l'enseignement son véritable caractère social.
Ces observations sont surtout importantes, si, avec Comte et toute l'école positiviste y compris Spencer, nous complétons maintenant le tableau hiérarchique des sciences, tel que nous venons de l'exposer, par l'adjonction de la science la plus spéciale et la plus complexe de toutes et qui en est comme le couronnement, la sociologie.
La sociologie abstraite complète la série logique et historique des autres sciences abstraites. Elle a pour objet la recherche et la connaissance des lois générales qui résultent des rapports des hommes les uns avec les autres, abstraction faite des formes originales, variables et transitoires dans lesquelles ces rapports se manifestent dans les sociétés particulières; celles-ci sont le domaine réservé de la sociologie concrète.
Au point de vue logique, c'est un fait d'observation constante et indéniable que les phénomènes sociologiques sont de leur nature plus complexes et moins généraux que les phénomènes purement physiologiques et psychiques individuels. Ceux-ci, il est vrai, manifestent déjà un degré très intéressant des propriétés d'association tant organiques proprement dites qu'émotionnelles et intellectuelles. Les phénomènes relatifs à l'imitation, à la sympathie, à l'association des sentiments et des idées, le langage lui-même sont à la fois d'ordre psychique individuel et collectif; par eux la sociologie se relie fonctionnellement et organiquement aux phénomènes du ressort de toutes les sciences antécédentes. Par cela même ils constituent la transition naturelle vers des modes d'organisation et d'association plus composites encore. Les sociétés, en effet, nous présentent des propriétés, des formes de combinaisons et de fonctionnement que nous ne rencontrons nulle part ailleurs, pas même dans les corps organisés et vivants en général. Il suffit, par exemple de signaler, comme caractères distinctifs, que dans les agrégats sociaux toutes les unités composantes sont plus ou moins douées de sensibilité et de conscience, qu'en outre, tout au moins dans les structures sociales supérieures, des combinaisons originales résultent, notamment en ce qui concerne leurs liens connectifs, de la propriété que possèdent ces mêmes unités composantes de s'unir entre elles, tant au point de vue économique qu'aux points de vue génésique ou familial, intellectuel, moral, juridique et politique, par des liens purement contractuels, pour reconna?tre que la science sociale a un domaine privé, constitué d'un ensemble de propriétés particulières qu'on ne rencontre dans les départements d'aucune des sciences antérieures. De ces titres authentiques résulte pour la sociologie son droit légitime à sa reconnaissance comme science à la fois indépendante et souveraine, bien que la dernière con?ue et née de toutes les autres sciences. Telle est, en un mot, la constitution de la sociologie, que, dans le grand royaume féodal des sciences, elle est à la fois serve et seigneur; serve en tant que dépendante elle-même de toutes les sciences antécédentes, seigneur en tant que par sa naissance et son évolution elle s'est élevée au-dessus de ces dernières par la dignité et la supériorité croissante de ses prérogatives et de ses fonctions. Si nous complétons maintenant à ce point de vue nos précédentes conclusions dogmatiques, nous devons dire qu'à tous les degrés, primaire, moyen, supérieur, l'enseignement des sciences doit être parfait par un enseignement, proportionnel en intensité, des sciences sociale.
Ici se place naturellement une observation applicable à toutes les sciences, y compris la sociologie: non seulement l'enseignement scientifique doit être encyclopédique à tous les degrés, mais cet enseignement doit être méthodique, c'est-à-dire conforme aux procédés rationnels qu'imposent les lois logiques, lesquelles sont elles-mêmes des lois tirées de notre constitution physiologique et psychique. Ainsi, au degré inférieur doivent naturellement être enseignées seulement de chaque science les notions les plus simples et les plus générales; cette nécessité résulte à toute évidence de nos considérations antérieures; mais ce n'est pas tout: la psychologie positive nous montre que, pas plus que le sauvage, l'enfant n'est capable d'abstraire ni de généraliser; ce n'est que peu à peu et très lentement, à force d'observations et d'expériences particulières et accumulées, qu'il parvient à s'élever à des concepts généraux, à la notion de lois d'abord
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