Les lois sociologiques | Page 6

Guillaume de Greef
mais de combinaisons objectives supérieures dont l'activité constitue la vie des organes et des systèmes généraux de structure.
En fait, c'est par les progrès d'une dépendance directe de la physiologie, c'est-à-dire par la psychiatrie, que la psychologie s'est émancipée et des dogmes religieux et des hypothèses métaphysiques. Ce progrès, réalisé dans les cas anormaux ou morbides, s'étendra naturellement de plus en plus à l'ensemble de la science mentale. Il restera à la philosophie métaphysique cette gloire, qui n'est pas petite au point de vue des progrès de l'esprit humain, d'avoir contribué, au nom de la raison à arracher nos conceptions en général au joug des superstitions religieuses; ce fut son grand r?le social; dans l'oraison funèbre que l'histoire impartiale prononcera sur sa tombe, il ne faudra jamais oublier le caractère positif et organique par lequel la métaphysique, comme du reste les religions elles-mêmes, ont participé au progrès de l'humanité par la réduction successive des superstitions et des systèmes: de ce progrès, religion et métaphysique furent inconsciemment les artisans sociaux.
Mathématiques, astronomie, physique, chimie, physiologie, psychologie, telle est donc d'après A. Comte et la philosophie positive en général, à part certaines divergences particulières inutiles à discuter ici, la classification hiérarchique, à la fois logique et historique des sciences abstraites, non compris la sociologie, qui en est le couronnement et dont nous nous occuperons plus loin.
D'après A. Comte, cette classification hiérarchique serait conforme non seulement à l'ordre logique et historique, mais à l'ordre dogmatique, c'est-à-dire relatif à l'enseignement des sciences. Il restreint cependant cette vue trop générale en ajoutant qu'au point de vue dogmatique l'ordre logique est et doit rester prédominant, tandis qu'au point de vue de la constitution historique des sciences, il faut tenir compte d'un phénomène considérable, c'est-à-dire de leur connexion statique, ou de structure et de leur interdépendance dynamique, c'est-à-dire de leur activité réciproque, de l'influence mutuelle qu'elles exercent les unes sur les autres au cours de leur évolution progressive. De ce phénomène capital résulte leur avancement, non plus simplement successif, mais aussi et à la fois connectif ou collectif et simultané.
Cette considération de Comte nous semble elle-même devoir être restreinte, en ce sens qu'elle s'applique principalement à la structure et à l'évolution historiques des sciences concrètes. Toutes les sciences abstraites dont nous venons de parcourir la série ont, en effet, leurs sciences correspondantes concrètes. Il en est ainsi des mathématiques, y compris la mécanique, en tant que sciences appliquées; il y a de même une astronomie concrète; les sciences physico-chimiques abstraites ont leurs équivalents concrets, par exemple, dans la minéralogie et la géologie; la physiologie, dans la médecine, la botanique, la zoologie, l'anthropologie; la sociologie abstraite, dans l'histoire des civilisations particulières.
Ces sciences concrètes préparées et fortifiées pendant des siècles, par des procédés d'abord empiriques, doivent faire seules, en réalité, l'objet principal de la restriction apportée par Comte à la concordance qui existe entre la constitution logique des sciences abstraites et leur constitution historique; en tant que sciences abstraites, même au point de vue historique comme nous l'avons indiqué, la correspondance entre l'ordre logique et l'ordre historique est, peut-on dire, parfaite, sauf les variations accessoires et négligeables que l'on rencontre à l'occasion de l'étude de tous les phénomènes sociaux, variations dont l'importance dispara?t, pour ainsi dire, à mesure que l'on embrasse un champ d'expérience plus étendu dans le temps et dans l'espace.
L'observation de Comte exige encore d'être rectifiée et complétée sous un autre rapport: sa distinction entre l'ordre logique et dogmatique d'un c?té et l'ordre historique de l'autre est insuffisante; l'ordre dogmatique n'est pas et ne peut pas être absolument le même que l'ordre logique; il est quelque chose d'intermédiaire, par sa nature, entre les lois de la pensée et du raisonnement et les lois de l'histoire; il emprunte aux unes et aux autres des caractères spéciaux qui en font un type à part qu'on ne peut confondre avec elles sans amener des conséquences graves à la fois théoriques et pratiques. Dans l'enseignement, le procès logique et le procès historique doivent se prêter un constant et mutuel appui; par là seulement l'enseignement à tous ses degrés revêt ce grand caractère social de simultanéité et de continuité qui ne permet pas que les diverses parties de l'organisme scientifique soient disloquées et mutilées à l'école, non plus qu'elles le sont dans la structure générale effective des sociétés et dans leur évolution ou dynamique réelle.
Sous ce rapport, de tout temps l'enseignement public officiel et libre s'est heureusement, comme par un besoin instinctif, conformé plus ou moins, bien que d'une fa?on encore empirique et insuffisante, aux véritables et permanentes nécessités scientifiques des sociétés. A tous les degrés, dans l'enseignement primaire, dans l'enseignement moyen, y compris les athénées, et dans les universités, l'enseignement est déjà et continuera d'une fa?on de plus en plus raisonnée et systématique à être à la fois successivement et simultanément intégral; l'ordre
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