Les joyeuses Bourgeoises de Windsor | Page 5

William Shakespeare
n'a vu que le mot chose qui pût le remplacer
convenablement dans toutes les occasions.]
SLENDER.--Oh! où est Simple, mon valet? Le savez-vous, mon
cousin?
EVANS.--Paix, je vous prie.--A présent, entendons-nous: il y a, comme
je l'entends, les trois arbitres dans cette affaire, il y a M. Page, videlicet
M. Page; et il y a moi, videlicet moi; finalement et dernièrement enfin,
le troisième est l'hôte de la Jarretière.
PAGE.--Nous trois, pour connaître de l'affaire, et rédiger
l'accommodement entre eux.
EVANS.--Parfaitement, j'écrirai un précis de l'affaire sur mes tablettes.
Et nous travaillerons ensuite sur la chose avec une aussi grande
prudence que nous le pourrons.
FALSTAFF.--Pistol?
PISTOL.--Il écoute de ses oreilles.
EVANS.--Par le diable et sa grand'mère, quelle phrase est-ce là? Il
écoute de son oreille! C'est là de l'affectation.
FALSTAFF.--Pistol, avez-vous pris la bourse de monsieur Slender?
SLENDER.--Oui, par ces gants, il l'a prise, ou bien que je ne rentre
jamais dans ma grande chambre! Et il m'a pris sept groats en pièces de
six pence, et six carolus de laiton, et deux petits palets du roi Edouard,
que j'avais achetés deux schellings et deux pence chaque, de Jacob le
meunier. Oui, par ces gants.
FALSTAFF.--Pistol, cela est-il vrai?
EVANS.--Non, c'est faux, si c'est une bourse filoutée.
PISTOL, à Evans.--Sauvage de montagnard que tu es! (A Falstaff.)--Sir
John, mon maître, je demande le combat contre cette lame de fer-blanc.

Je dis que tu en as menti ici par la bouche; je dis que tu en as menti,
figure de neige et d'écume, tu en as menti.
SLENDER.--Par ces gants, alors, c'est donc cet autre.
(Montrant Nym.)
NYM.--Prenez garde, monsieur, finissez vos plaisanteries. Je ne
tomberai pas tout seul dans le fossé, si vous vous accrochez à moi!
Voilà tout ce que j'ai à vous dire.
SLENDER.--Par ce chapeau, c'est donc celui-là, avec sa figure rouge.
Quoique je ne puisse pas me souvenir de ce que j'ai fait, quand une fois,
vous m'avez eu enivré, je ne suis pourtant pas tout à fait un âne,
voyez-vous.
FALSTAFF, à Bardolph.--Que répondez vous, Jean et l'Ecarlate[12]?
[Note 12: Scarlet and John. Noms de deux des compagnons de Robin
Hood.]
BARDOLPH.--Qui, moi, monsieur? Je dis que ce galant homme s'est
enivré jusqu'à perdre ses cinq sentiments de nature.
EVANS.--Il faut dire les cinq sens. Ah! par Dieu, ce que c'est que
l'ignorance!
BARDOLPH.--Et qu'étant ivre, monsieur, il aura été, comme on dit,
mis dedans; et qu'ainsi, fin finale, il aura passé le pas.
SLENDER.--Oui, vous parliez aussi latin ce soir-là. Mais c'est égal,
après ce qui m'est arrivé, je ne veux plus m'enivrer jamais de ma vie, si
ce n'est en honnête, civile, et sainte compagnie. Si je m'enivre, ce sera
avec ceux qui ont la crainte de Dieu, et non pas avec des coquins
d'ivrognes.
EVANS.--Comme Dieu me jugera, c'est là une intention vertueuse!
FALSTAFF.--Vous avez entendu, messieurs, qu'on a tout nié. Vous

l'avez entendu.
(Mistriss Anne Page entre dans la salle, apportant du vin. Mistriss Page
et mistriss Ford la suivent.)
PAGE.--Non, ma fille: remportez ce vin, nous boirons là dedans.
(Anne Page sort.)
SLENDER.--O ciel! c'est mistriss Anne Page!
PAGE.--Ha! vous voilà, mistriss Ford.
FALSTAFF.--Par ma foi, mistriss Ford, vous êtes la très-bien arrivée.
Permettez, chère madame...
(Il l'embrasse.)
PAGE.--Ma femme, souhaitez la bienvenue à ces messieurs. Venez,
messieurs, vous mangerez votre part d'un pâté chaud de gibier. Allons,
j'espère que nous noierons toutes vos querelles dans le verre.
(Tous sortent excepté Shallow, Evans et Slender.)
SLENDER.--Je donnerais quarante schellings pour avoir ici mon livre
de sonnets et de chansons. (Entre Simple.) Comment, Simple? D'où
venez-vous? Il faut donc que je me serve moi-même, n'est-ce
pas?--Vous n'aurez pas non plus le livre d'énigmes sur vous?
L'avez-vous?
SIMPLE.--Le livre d'énigmes! Comment, ne l'avez-vous pas prêté à
Alix Short cake, à la fête de la Toussaint dernière, quinze jours avant la
Saint-Michel?
SHALLOW.--Venez, mon cousin; avancez, mon cousin. Nous vous
attendons. J'ai à vous dire ceci, mon cousin. Il y a comme qui dirait une
proposition, une sorte de proposition faite d'une manière éloignée par
sir Hugh, que voilà. Me comprenez-vous?

SLENDER.--Oui, oui; vous me trouverez raisonnable: si la chose l'est,
je ferai ce que demande la raison.
SHALLOW.--Oui, mais songez à me comprendre.
SLENDER.--C'est ce que je fais, monsieur.
EVANS.--Prêtez l'oreille à ses avertissements, monsieur Slender. Je
vous expliquerai la chose, si vous êtes capable de cela.
SLENDER.--Non, je veux agir comme mon cousin Shallow me le dira.
Je vous prie, excusez-moi: il est juge de paix du canton, quoique je ne
sois qu'un simple particulier.
EVANS.--Mais ce n'est pas là la question: la question est concernant
votre mariage.
SHALLOW.--Oui, c'est là le point, mon cher.
EVANS.--Vous marier[13], c'est là le point, et avec mistriss Anne
Page.
[Note 13: Marry is it. Evans joue ici sur le mot marry qui signifie
marier et vraiment.]
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