Les huguenots | Page 8

Charles Alfred de Janzé
de louveterie, officiers de la maréchaussée, officiers ou
domestiques de la maison du roi, de la reine ou des princes de la
maison royale, marchands privilégiés suivant la cour, messagers
publics, loueurs de chevaux, hôteliers, cabaretiers, cordonniers,
orfèvres, marchandes lingères, apothicaires, épiciers, instituteurs,
libraires, imprimeurs, maîtres d'équitation, chirurgiens, médecins,
accoucheurs ou sages-femmes...»
Un certain nombre de ces interdictions étaient basées, contrairement à
une disposition formelle de l'édit de Nantes, sur la clause de catholicité;
c'est ainsi, par exemple, que la déclaration qui ferme aux filles ou
femmes protestantes l'accès de la communauté des lingères, invoque les

statuts de cette antique communauté, établie par saint Louis, lesquels
portent: «qu'aucune fille ou femme ne pourra être reçue lingère, qu'elle
ne fasse profession de la religion catholique.»
Le motif le plus fréquemment invoqué à l'appui des interdictions
prononcées, c'est le crédit que l'exercice de la fonction ou de la
profession peut donner pour empêcher les conversions: ainsi un édit
ordonne aux médecins et apothicaires huguenots de cesser l'exercice de
leur art afin d'empêcher les mauvais effets que produit la facilité que
leur profession leur donne d'aller fréquemment dans toutes les maisons,
sous prétexte de visiter les malades, «et d'empêcher par là les autres
religionnaires de se convertir à la religion catholique.»
Un Purgon[2] huguenot, obligé de cesser l'exercice de son art parce que,
allant dans toutes les maisons, armé de son chassepot, il pourrait par là
empêcher les Pourceaugnac ses coreligionnaires de se convertir à la
religion catholique, n'est- ce-pas un comble? À l'appui de l'interdiction
faite aux médecins huguenots de continuer l'exercice de leur profession,
le roi invoquait cet autre motif, qu'il jugeait nécessaire que ses sujets
huguenots pussent, pour leur salut, déclarer dans quelle religion ils
voulaient mourir, et qu'ils ne pouvaient faire cette déclaration quand ils
étaient soignés par un docteur de leur religion, lequel n'avertissait pas le
curé en temps utile.
C'est par une préoccupation de salut semblable, qu'en 1877 le directeur
de l'Assistance publique à Paris, avait prescrit d'apposer sur chaque lit
d'hôpital un écriteau indiquant dans quelle religion voulait mourir le
malade couché dans ce lit.
Louis XIV pour poursuivre l'application de son plan de restriction aux
édits, ou plutôt de destruction des édits, trouva la plus grande facilité
dans l'esprit d'intolérance qui animait tous les corps constitués du
royaume, les parlements, l'université, les communautés de marchands
et d'ouvriers, etc.
«Dès qu'on pouvait, dit Rulhières, enfreindre l'édit de Nantes dans
quelques cas particuliers, abattre un temple, restreindre un exercice,
ôter un emploi à un protestant, on croyait avoir remporté une victoire

sur l'hérésie.»
À défaut d'une loi à invoquer, on recourait à l'arbitraire administratif
pour molester les protestants et les priver de leurs droits. Un exemple
entre mille:
Un menuisier huguenot est admis à faire chef-d'oeuvre, Colbert écrit à
l'intendant Machault d'ordonner au prévôt de Clermont d'apporter de
telles difficultés à la réception de ce menuisier, qu'il ne soit point admis
à la maîtrise.
Plus tard, on n'eut même plus recours à ces habiles subterfuges, pour
interdire la maîtrise aux huguenots.
On sait que, sous Louis XIV, le gouvernement battait monnaie en
vendant des anoblissements et des privilèges de noblesse à beaux
deniers comptants, anoblissements qu'on annulait, de temps en temps,
par un édit, de manière à faire payer aux anoblis une deuxième et
troisième fois les privilèges de noblesse qu'on leur avait vendus. D'un
autre côté, au cours des guerres de religion, beaucoup de vrais nobles
avaient vu leurs titres perdus ou brûlés, en sorte qu'ils étaient dans
l'impossibilité de pouvoir établir légalement la réalité et l'antiquité de
leur noblesse. Dans de telles conditions une vérification des titres était
une menace pour tous, anoblis et vrais nobles. Pour faire fléchir les
gentilshommes huguenots obstinés, on imagina de faire de la
vérification des titres un moyen de conversion. À ce propos, Louvois
écrit à l'intendant Foucault: «Le roi a fort approuvé l'expédiant que
vous proposez pour porter quelques familles des gentilshommes du Bas
Poitou à se convertir. Je vous adresserai incessamment l'arrêt nécessaire
pour ordonner de vérifier les abus qu'il y a eu dans la dernière
recherche qui a été faite de la noblesse, lequel sera général et ne
portera point de distinction de religion; duquel néanmoins l'intention
de Sa Majesté est que vous ne vous serviez qu'a l'égard de ceux de la
religion prétendue réformée, ne jugeant pas à propos que vous fassiez
aucune recherche contre les gentilshommes catholiques.»
Louvois, après avoir prescrit Foucault de laisser en paix les faux nobles
catholiques du Poitou, ajoute, en ce qui concerne les gentilshommes

huguenots: «Que, pour ceux dont la noblesse est indiscutable, il ne doit
pas être difficile, en entrant dans le détail de leur conduite, de leur faire
appréhender une recherche de leur vie, pour les porter à prendre le
parti de se convertir pour l'éviter.»
Des instructions sont données
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