Les huguenots | Page 9

Charles Alfred de Janzé
au duc de Noailles pour procéder avec la
même impartialité, à la vérification des titres des gentilshommes du
Béarn, et Louvois, a soin d'ajouter, en ce qui concerne les huguenots,
«à l'égard de ceux dont la noblesse est bien établie, il faut s'appliquer à
voir ceux qui ont des démêlés avec eux dans les environs de leurs terres,
ou à qui ils ont fait quelque violence, et, qu'en appuyant les uns contre
eux, et, en faisant informer de tout ce qu'ils auront fait aux autres, on
les portera mieux que de toute autre manière, à penser à eux. En un mot,
Sa Majesté désire que l'on essaie, par tous les moyens, de leur
persuader qu'ils ne doivent attendre aucun repos, ni douceur chez eux
tant qu'ils demeureront dans une religion qui déplaît à Sa Majesté.» --
Les protestants, en présence de l'animosité des juges, de la malveillance
active ou passive de l'administration qui les laissait exposés à toutes les
violences et à tous les outrages, en étaient venus à tout supporter sans
protestation ni résistance, si bien que le peuple avait donné le nom de
Patience de huguenot à une patience que rien ne pouvait lasser.
Quelles garanties avaient d'ailleurs les protestants pour leurs droits?
Était-ce tel ou tel texte de loi?
Mais que valait la loi, sous un régime qui avait pour base de
jurisprudence si veut le roi, si veut la loi?
Quand il plut à Louis XIV de décréter que tout protestant qui tenterait
de sortir du royaume sans permission serait condamné aux galères et
aurait ses biens confisqués, il se trouva en face de cette difficulté légale
que la peine de la confiscation n'était pas admise dans plusieurs
provinces. Le roi ne fut pas embarrassé pour si peu, il décréta qu'il
entendait que les biens des fugitifs fussent acquis; même dans les pays
où, par les lois et les coutumes, la confiscation n'avait pas lieu.
Quand, par l'édit de révocation, il interdit, tout exercice public du culte

protestant, il inséra dans cet édit une clause portant que les réformés
pourraient demeurer dans les villes et lieux qu'ils habitaient, y
continuer leur commerce et jouir de leurs biens, sans pouvoir être
troublés ni empêchés sous prétexte de religion.
Néanmoins il ne craignit pas quelques années plus tard de rendre un
édit par lequel il déclara passible des terribles peines portées contre les
relaps (c'est-à-dire contre les protestants qui après avoir abjuré étaient
revenus à leur foi première), tout réformé qui, ayant abjuré ou non,
aurait, étant malade, refusé de se laisser administrer les sacrements.
Et voici comment il motiva cette monstruosité légale frappant comme
relaps des gens qui n'avaient jamais changé de religion: «Le séjour que
ceux qui ont été de la religion prétendue réformée, ou qui sont nés de
parents religionnaires, ont fait dans notre royaume; depuis que nous
avons aboli tout exercice (public!) de ladite religion, est une preuve
plus que suffisante qu'ils ont embrassé la religion catholique, sans quoi
ils n'y auraient pas été tolérés ni soufferts.»
Si les droits reconnus aux protestants par l'édit de Nantes ne pouvaient,
comme on le voit, être assurés par un texte de loi sous ce régime du bon
plaisir, on aurait pu penser du moins, qu'ils étaient garantis par la
parole du roi solennellement engagée à plusieurs reprises.
Mais cette parole valait moins encore qu'un texte de loi et l'intendant de
Metz pouvait cyniquement répondre aux protestations des réformés,
invoquant en faveur de leur liberté religieuse la parole du roi engagée
lors de la réunion de Metz à la France: le roi est maître de sa parole et
de sa volonté...
Louis XIV, en effet, donna bien des exemples de sa
prétentionmalhonnête de rester maître de sa parole après l'avoir
solennellement engagée.
En 1665, la guerre ayant été déclarée entre l'Angleterre et la Hollande,
celle-ci invoquant les traités, réclame le secours des Français ses alliés.
Le comte d'Estrades écrit au roi: «C'est à Votre Majesté de voir si ses

intérêts se rencontrent avec ceux de ces gens-ci, et s'il lui convient de
les trouver occupés d'une guerre comme celle d'Angleterre, lorsqu'elle
aura des prétentions à disputer dans leur voisinage. En ce cas, elle peut
trouver les moyens de laisser aller le cours des affaires et paraître
pourtant faire ce à quoi l'oblige la foi des derniers traités.» Sur quoi, le
roi, digne élève des jésuites, répond qu'avant de remplir ses obligations,
il veut attendre que les Hollandais aient éprouvé quelque revers, car ils
ne sont pas encore assez pressés pour entendre aux conditions qu'il
entend mettre à l'octroi de secours qu'il leur doit.
Malgré les engagements formels qu'il avait pris envers l'Espagne par le
traité des Pyrénées, Louis XIV envoie au secours du Portugal
Schomberg avec un corps d'armée; et quand l'Espagne se plaint de cette
infraction aux traités,
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