Les huguenots | Page 7

Charles Alfred de Janzé
put
s'empêcher de dire que ses prédécesseurs auraient épargné bien du sang
à la France, s'ils s'étaient conduits par la politique prévoyante de ces
villageois, dont l'action ne lui paraissait vicieuse que par le défaut
d'autorité.»
Quoiqu'il en fût des sentiments secrets de Louis XIV, il affirma tout
d'abord qu'il ne voulait pas obtenir la conversion de ses sujets
huguenots par aucune rigueur nouvelle, et pendant la première partie de
son règne, il s'appliqua assez exactement à suivre la règle de conduite
que l'évêque de Comminges lui avait tracée, en lui transmettant les
voeux de l'assemblée, générale du clergé: «Nous ne demandons pas à
Votre Majesté, disait ce prélat opportuniste, qu'elle bannisse dès à
présent cette malheureuse liberté de conscience, qui détruit la véritable
liberté des enfants de Dieu, parce que nous ne croyons pas que
l'exécution en soit facile; mais nous souhaiterions au moins que le mal
ne fit point de progrès; et que, si votre autorité ne le peut étouffer tout
d'un coup, ou le rendit languissant, et le fit périr peu à peu, par le
retranchement et la diminution de ses forces.»
En effet, dans les mémoires qu'il faisait rédiger pour l'instruction de son
fils, mémoires qui ne s'étendent qu'aux dix premières années de son
règne, Louis XIV expose ainsi son plan de conduite envers les

huguenots:
«J'ai cru que le meilleur moyen; pour réduire peu à peu les huguenots
de mon royaume, était de ne les point presser du tout par aucune
rigueur nouvelle; de faire observer ce qu'ils avaient obtenu sous les
règnes précédents, mais aussi de ne leur accorder rien de plus et d'en
renfermer l'exécution dans les plus étroites bornes que la justice et la
bienséance le pourraient permettre.
«Quant aux grâces qui dépendaient de moi seul, je résolus, et j'ai assez
ponctuellement observé depuis, de n'en faire aucune à ceux de cette
religion, et cela par bonté, non par aigreur, pour les obliger par là à
considérer de temps en temps d'eux-mêmes, et sans violence, si c'était
par quelque bonne raison qu'ils se privaient volontairement des
avantages qui pouvaient leur être communs avec mes autres sujets; je
résolus aussi d'attirer par des récompenses ceux qui se rendraient
dociles mais il s'en faut encore beaucoup que je n'aie employé tous les
moyens que j'ai dans l'esprit, pour ramener ceux que la naissance,
l'éducation, et le plus souvent un grand zèle sans connaissance, tiennent
de bonne foi, dans ces pernicieuses erreurs.»
Nous verrons dans les chapitres de la liberté du culte et de la liberté de
conscience ce que Louis XIV fit des droits religieux des protestants,
sous prétexte de renfermer l'exécution des édits dans les plus, étroites
bornes.
Il ne respecta pas davantage leurs droits civils, et finit par leur fermer
l'accès de toutes les fonctions publiques et d'un grand nombre de
professions, au mépris de la disposition de l'édit de Nantes qui stipulait
l'égalité des droits, pour les protestants et pour les catholiques.
Voici, par exemple, comment il en arrive à exclure peu à peu les
huguenots de toute charge de judicature. Il commence par interdire aux
huguenots conseillers au parlement de connaître toute affaire dans
laquelle sont intéressés des ecclésiastiques ou des nouveaux convertis;
puis il prononce la même interdiction contre les conseillers catholiques,
mariés à des huguenotes, attendu que les réformés trouvaient accès
auprès de ces officiers de justice, par le moyen de leurs femmes, aux

prières et aux sollicitations desquelles, ces officiers se laissaient
souvent persuader; enfin il décide que les conseillers huguenots doivent
tous donner leur démission, attendu qu'ils ne peuvent rester constitués
en dignité, et donner un mauvais exemple à ses sujets par leur
opiniâtreté, au lieu de les exciter à quitter leurs erreurs pour rentrer
dans le giron de l'Église. Il défend aux huguenots de se faire nommer
opinants ou assesseurs ce qui leur permettrait de se rendre maîtres des
affaires ainsi qu'auparavant; il leur interdit même d'accepter les
fonctions d'experts, parce que «les juges étant obligés de se conformer
aux rapports des experts, lorsque ces experts sont réformés, les
catholiques sont exposés aux jugements de ces réformés.»
Enfin, il assimile les fonctions d'avocat aux charges de la judicature, et
défend aux huguenots d'exercer ces fonctions, considérant «que les
avocats ont beaucoup de part dans la poursuite des procès, en donnant
aux parties leurs avis sur la conduite qu'elles ont à y tenir.»
À la veille de la révocation, sous les prétextes les plus vains et les plus
fantaisistes, les huguenots se trouvaient légalement exclus des
fonctions et professions de: «Secrétaires du roi, conseillers au
parlement, procureurs du roi, juges, assesseurs, greffiers, notaires,
procureurs, recors, sergents, clercs, experts, avocats, docteurs ès lois
dans les universités, monnayeurs, adjudicataires ou employés dans les
fermes royales; employés dans les finances, fermiers des biens
ecclésiastiques, revendeurs de consignations, commissaires aux saisies,
lieutenants
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 158
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.