soit avec des pouvoirs
amis.
-- Elle dit aux premiers: Pourquoi me frappez-vous? J'ai le droit de
vivre, de parler, de remplir ma mission qui est toute de bienfaisance.
-- Elle dit aux seconds; Celui qui n'est point avec moi, est contre moi.
Pourquoi traitez-vous le mensonge comme la vérité, le mal comme le
bien?
-- Elle dit aux troisièmes: Aidez-moi à faire disparaître tout ce qui est
contraire à la très sainte volonté de Dieu.»
Or, ce qui est contraire à cette très sainte volonté, c'est, ainsi que le
proclamait l'orateur du clergé en 1635, la liberté de conscience. C'est,
ainsi que le disait le pape en 1877, la tolérance, à côté de
l'enseignement catholique, d'autres enseignements, l'existence de
temples protestants à côté des temples catholiques.
«Vous voyez ici la capitale du monde catholique, disait-il aux pèlerins
bretons qu'il recevait au Vatican, où on a placé l'arche du
nouveau-testament, mais elle est entourée de beaucoup de Dragons;
d'un côté, l'on voit l'enseignement protestant, incrédule, impie, de
l'autre des temples protestants de toutes les sectes. Que faire pour
renverser tous ces Dragons? Nous devons prier et espérer que l'arche
sainte du nouveau testament sera bientôt libre, et débarrassée de toutes
ces idoles qui font honte à la capitale du monde catholique.»
Quand l'Église n'a pas à sa disposition, des princes assez chrétiens pour
fermer la bouche à l'erreur et détruire les fausses religions, elle déclare
attendre d'une intervention d'en haut la réalisation de ses désirs, et sa
patiente attente dure jusqu'à ce qu'elle trouve dans la puissance
temporelle un secours efficace.
Entre temps elle ne laisse pas échapper une occasion de se rapprocher
peu à peu de son but, en limitant habilement ses exigences apparentes,
et en les mettant au niveau des possibilités du moment. C'est ainsi que
le clergé de France se comporta vis-à- vis de l'édit de Nantes et, le
détruisant pièce par pièce, finit par obtenir sa révocation; en sorte
qu'Élie Benoît a pu résumer ainsi l'histoire de ce mémorable édit. Elle
embrasse le règne de trois rois, dont le premier a donné aux réformés
un édit et des sûretés, le second leur ôta les sûretés, et le troisième a
cassé l'édit.
Le clergé se borne d'abord à mettre dans la bouche de Henri IV ce voeu
timide et discret en faveur du retour du royaume à l'unité religieuse:
«Maintenant qu'il plaît à Dieu de commencer à nous faire jouir de
quelque meilleur repos, nous avons estimé ne le pouvoir mieux
employer qu'à vaquer, à ce qui peut concerner la gloire de son saint
nom, et à pourvoir à ce qu'il puisse être adoré et prié par tous nos sujets,
et, s'il ne lui a plu que ce fut encore dans la même forme, que ce soit au
moins dans une même intention.»
Quant à Louis XIII, pour se mettre à l'abri des reproches que lui
adressaient des catholiques fanatiques à l'occasion du serment qu'il
avait prêté lors de son sacre, d'exterminer les hérétiques, il trouvait ce
singulier subterfuge de défendre par un édit de qualifier d'hérétiques
ses sujets protestants; ceci ne rappelle-t-il pas l'habileté gasconne de
frère Gorenflot, baptisant carpe, le poulet qu'il veut manger un vendredi,
sans commettre de péché.
Après avoir privé les protestants de leurs places de sûreté, Louis XIII
ne dissimule pas son désir de les voir revenir au culte catholique, mais
comme le pape en 1877, il déclare ne compter que sur l'intervention
d'en haut pour faire disparaître l'enseignement et les temples protestants.
«Nous ne pouvons [[1]], dit-il, que nous ne désirions la conversion de
ceux de nos sujets qui font profession de la religion prétendue
réformée... nous les exhortons à se dépouiller de toute passion pour être
plus capables de recevoir la lumière du ciel, et revenir au giron de
l'Église.»
S'il déclare qu'il se borne à attendre cette conversion de la bonté de
Dieu, c'est «parce qu'il est trop persuadé, dit-il, par l'exemple du passé,
que les remèdes qui ont eu de la violence, n'ont servi que d'accroître le
nombre de ceux qui sont sortis de l'Église».
Louis XIII avait raison, car, ainsi que le rappelle en 1689 le maréchal
de Vauban «après les massacres de la Saint-Barthélemy (un remède qui
avait eu de la violence), un nouveau dénombrement des huguenots
prouva que leur nombre s'était accru de cent dix mille».
Louis XIV était loin, même dès le début de son règne, de croire à
l'inefficacité de la violence en pareille matière, ainsi qu'en témoigne ce
passage des mémoires du duc de Bourgogne:
«Il arriva un jour que les habitants d'un village de la Saintonge, tous
catholiques, mirent le feu à la maison d'un huguenot qu'ils n'avaient pu
empêcher de s'établir parmi eux. Le roi (Louis XIV), en condamnant
les habitants du lieu à dédommager le propriétaire de la maison, ne
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