cette troupe
avançait, plusieurs députés de la minorité de la noblesse étaient
rassemblés sur une terrasse attenant, si je me le rappelle bien, au
logement de l'un des Crillon. Il y avait entre autres les deux Crillon,
d'André, le marquis de Lafayette, les ducs de La Rochefoucauld, de
Liancourt, etc., tous dans les opinions de Necker, voulant
l'établissement d'un gouvernement constitutionnel à l'anglaise, avec la
branche régnante de la dynastie. Lorsque d'André vit les gardes du
corps s'avancer pour exécuter l'ordre dont je viens de parler: «Eh quoi!
s'écrie-t-il, aurions-nous la lâcheté de laisser égorger sous nos yeux et
sans aucune démarche vigoureuse pour en empêcher, des hommes qui
nous donnent un si bel exemple de fermeté et de dévouement!
Marchons au-devant des escadrons et sauvons les députés des
communes ou périssons avec eux.» Ils partent tous à l'instant; ils
barrent le chemin au détachement, enfoncent leurs chapeaux
empanachés, mettent l'épée à la main et déclarent au commandant qu'il
leur passera sur le corps à tous avant qu'il parvienne aux députés des
communes, que c'était à lui à juger les conséquences. Le commandant
répond d'abord qu'il ne connaît que ses ordres, et fait un mouvement
pour se porter en avant et leur passer sur le corps. Mais ces braves gens
étant restés inébranlables à l'approche de cette cavalerie, le
commandant n'osa pas aller plus loin; il retourna au château rendre
compte de ce qui s'était passé et demander de nouveaux ordres. La
Cour effrayée, irrésolue, donna l'ordre de rétrograder. Le fait est notoire
et je n'ai aucun doute sur les détails. D'André n'est ni imposteur ni
fanfaron, et tous les hommes que je viens de citer étaient capables de
toutes sortes de grandes et belles actions. [Note: Mémoires de La
Révellière-Lépeaux, t. I, pp. 82-84.]
LA DÉMISSION DE NECKER
Des cris de Vive Necker se faisaient entendre jusqu'au château. On
voulait le voir, on voulait le prier de rester à la tête des affaires. Dans
l'intervalle, il a été demandé chez la reine. Le peuple l'y a suivi, et les
cours du château sont restées pleines de monde. M. Necker a passé un
instant chez le roi pour lui rendre compte que toutes les caisses étaient
fermées à Paris, que la ville entière était prête à se soulever, et que les
directeurs de la Caisse d'Escompte arrivaient dans le moment de Paris
lui annoncer tous les dangers dont la Caisse était menacée. Le roi a
senti que le remède à ces maux était la conservation de son ministère. Il
a même exigé dit-on que M. Necker allât depuis le Château jusqu'au
Contrôle général à pied, pour se montrer au peuple et l'assurer qu'il
restait. Les rues, les fenêtres retentissaient d'applaudissements et de cris
répétés de Vive Necker! Dans un instant tous les députés du Tiers-État
se sont rendus chez M. Necker pour le féliciter et applaudir avec lui au
bonheur de la nation qui le conserve. On l'embrassait, on embrassait
Mme Necker et la baronne de Staël, le public embrassait les députés du
Tiers, les applaudissait, criait: Vive Necker, vive l'Assemblée nationale!
[Note: Journal de l'abbé Coster, dans A. Brette, La Révolution française,
t. XXIII, pp. 66-67.]
L'INSUBORDINATION DE L'ARMÉE
Le jeudi [25 juin 1789], les soldats du régiment des Gardes françaises
ayant abandonné leurs casernes s'étaient répandus dans Paris, allant par
bandes dans tous les lieux publics, criant: Vive le Roi, Vive le Tiers!
allant boire dans les cabarets, obtenant de l'argent de plusieurs
fanatiques qui leur en distribuaient des poignées. Crainte d'une révolte
générale, on n'osa les consigner. Le vendredi, ils se répandirent de
même dans tous les endroits publics, firent mettre bas les armes à
plusieurs patrouilles des gardes suisses qu'ils rencontrèrent et publièrent
les deux imprimés ci-joints. M. du Châtelet, accouru à Paris, parvint, en
allant lui-même à chaque caserne, à les contenir hier samedi. Et la
réunion effectuée ne laissant pas d'animosité entre les partis, il faut
espérer qu'on n'aura pas besoin de se servir des troupes, sur lesquelles
V.E. voit qu'on ne pourrait faire aucun fonds.
J'apprends à l'instant que le Roi ne peut pas compter davantage sur ses
propres gardes du corps. Un maréchal des logis, bas-officier avec rang
de lieutenant-colonel, est venu dire, au nom de la troupe, au duc de
Guiche, capitaine de quartier, que leur devoir était de garder et de
protéger la personne du Roi, mais non de monter à cheval pour se battre
avec la canaille; qu'en conséquence ils ne feraient point de patrouilles.
Le duc Guiche a cassé le bas-officier. Sur quoi les gardes du corps sont
venus présenter au Roi un mémoire, où, en l'assurant de leur
attachement pour sa personne, ils ont demandé son rétablissement. Le
Roi a mis au bas du mémoire: «j'ai toujours compté sur la fidélité de
mes gardes du corps», et il le
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