leur a rendu. Les gardes ont fait dire à M.
de Guiche que si on ne leur rendait point leur camarade, à la fin de leur
service qui se termine avec le mois de juin, le Roi pouvait disposer de
600 bandoulières, ce qui fait la moitié de tout le corps, y ayant dans ce
moment double garde.
Les régiments de Reinach (Suisse) et de Lauzun (hussards) viennent
d'arriver. La fidélité des régiments étrangers commence aussi à devenir
suspecte. Les bourgeois les séduisent, et les Suisses de Salis-Samade
logés à Issy et à Vaugirard ont assuré leurs hôtes qu'au cas où on les fît
marcher, ils dévisseraient les batteries de leurs fusils. [Note: Dépêche
de Salmour, ministre plénipotentiaire de Saxe, 28 juin 1789, dans
FLAMMERMONT, Rapport sur les correspondances des agents
diplomatiques étrangers en France avant la Révolution. Nouvelles
archives des missions, t. VIII, p. 231.]
Le 24 juin, la majorité du Clergé, désobéissant à son tour au roi se
rendit à la délibération du Tiers. Le 25, 47 membres de la noblesse, le
duc d'Orléans en tête, en firent autant. Le 27, le roi se résigna à
sanctionner ce qu'il ne pouvait plus empêcher. Il ordonna aux deux
ordres privilégiés de se réunir au Tiers. Le jour même la réunion est un
fait accompli.
Le serment du jeu de paume laissa un vif souvenir parmi les patriotes et
une société particulière fut fondée par Gilbert Romme pour en
commémorer l'anniversaire.
LE PREMIER ANNIVERSAIRE DU SERMENT DU JEU DE
PAUME
Formés en «bataillon civique», les membres de la société du serment du
jeu de paume entrèrent à Versailles par l'avenue de Paris. Au milieu
d'eux, quatre volontaires de la Bastille portaient «une table d'airain sur
laquelle était gravé en caractères ineffaçables le serment du jeu de
paume. Quatre autres portaient les ruines de la Bastille destinées à
sceller sur les murs du jeu de Paume cette table sacrée». La
municipalité de Versailles vint à la rencontre du cortège. Le régiment
de Flandre présenta les armes devant «l'arche sacrée». Arrivés au jeu de
Paume, tous les assistants renouvelèrent le serment «dans un
saisissement religieux». Puis un orateur les harangua: «Nos enfants
iront un jour en pèlerinage à ce temple, comme les musulmans vont à
La Mecque. Il inspirera à nos derniers neveux le même respect que le
temple élevé par les Romains à la piété filiale....» Au milieu des cris
d'allégresse, les vieillards scellèrent sur la muraille la table du serment:
«Chacun envia le bonheur de l'enfoncer.» Tous ne quittèrent qu'à regret
ce lieu si cher aux âmes sensibles: «Ils s'embrassèrent mutuellement et
furent reconduits avec pompe par la municipalité, la garde nationale et
le régiment de Flandre, jusqu'aux portes de Versailles.» Le long de la
route, en rentrant à Paris, «ils ne s'entretenaient que du bonheur des
hommes, on eût dit que c'étaient des Dieux qui étaient en marche». Au
bois de Boulogne, un repas de trois cents couverts, «digne de nos vieux
aïeux», leur fut servi «par des jeunes nymphes patriotes». Au-dessus de
la table on avait placé «les bustes des amis de l'humanité, de J.-J.
Rousseau, de Mably, de Franklin qui semblait encore présider la fête».
Le président de la société, G. Romme, «lut pour bénédicité les deux
premiers articles de la Déclaration des Droits de l'homme. Tous les
convives répétèrent: Ainsi soit-il!». Au dessert, on donna lecture du
procès-verbal de la journée. «Cet acte religieux excita de vifs
applaudissements.» Puis vinrent les toasts. Danton «eut le bonheur de
porter le premier». «Il dit que le Patriotisme, ne devant avoir d'autres
bornes que l'Univers, il proposait de boire à sa santé, à la Liberté, au
bonheur de l'Univers entier; de Menou but à la santé de la Nation et du
Roi «qui ne fait qu'un avec elle», Charles de Lameth à la santé des
vainqueurs de la Bastille, Santhonax à nos frères des colonies, Barnave
au régiment de Flandre, Robespierre «aux écrivains courageux qui
avaient couru tant de dangers et qui en couraient encore en se livrant à
la défense de la Patrie». Un membre désigna alors Camille Desmoulins
dont le nom fut vivement applaudi. Enfin un pieux chevalier termina la
série des toasts en buvant «au sexe enchanteur qui a montré dans la
Révolution un patriotisme digne des dames romaines». Alors «des
femmes vêtues en bergères» entrèrent dans la salle du banquet et
couronnèrent de feuilles de chêne les députés à l'Assemblée nationale:
d'Aiguillon, Menou, les deux Lameth, Barnave, Robespierre, Laborde.
Un artiste célèbre [Note: David, dont tout le monde connaît le célèbre
tableau du serment du jeu de Paume.] qui assistait à la fête promit
d'employer son talent «à transmettre à la postérité les traits des amis
inflexibles du bien public». [Note 2: A. Mathiez, Les Origines des
Cultes révolutionnaires, pp. 47-49, d'après le procès-verbal officiel de
la
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