ces sortes de
charges en contributions pécuniaires, et qu'alors tous les ordres de l'État
y soient assujettis également (id. 15).
Dans d'autres articles le roi avait promis de n'établir aucun nouvel
impôt sans le consentement des représentants de la nation, de faire
connaître le tableau annuel des recettes et des dépenses et de le
soumettre aux États généraux, de sanctionner la suppression de tous les
privilèges en matière d'impôts, d'abolir la taille, le franc-fief, les lettres
de cachet, la corvée, d'établir des États provinciaux composés de deux
dixièmes de membres du clergé, de trois dixièmes de membres de la
noblesse et de cinq dixièmes de membres du Tiers, etc.
Le roi termina par les paroles suivantes:
LA MENACE ROYALE
Vous venez, Messieurs, d'entendre le résultat de mes dispositions et de
mes vues; elles sont conformes au vif désir que j'ai d'opérer le bien
public; et, si, par une fatalité loin de ma pensée, vous m'abandonniez
dans une si belle entreprise, seul, je ferai le bien de mes peuples; seul,
je me considérerai comme leur véritable représentant; et connaissant
vos cahiers, connaissant l'accord parfait qui existe entre le voeu le plus
général de la nation et mes intentions bienfaisantes, j'aurai toute la
confiance que doit inspirer une si rare harmonie, et je marcherai vers le
but auquel je veux atteindre avec tout le courage et la fermeté qu'il doit
m'inspirer.
Réfléchissez, Messieurs, qu'aucun de vos projets, aucune de vos
dispositions ne peut avoir force de loi sans mon approbation spéciale.
Ainsi je suis le garant naturel de vos droits respectifs; et tous les ordres
de l'État peuvent se reposer sur mon équitable impartialité.
Toute défiance de votre part serait une grande injustice. C'est moi
jusqu'à présent qui fais tout le bonheur de mes peuples; et il est rare
peut-être que l'unique ambition d'un souverain soit d'obtenir de ses
sujets qu'ils s'entendent enfin pour accepter ses bienfaits.
Je vous ordonne, Messieurs, de vous séparer tout de suite, et de vous
rendre demain matin chacun dans les chambres affectées à votre ordre,
pour y reprendre vos séances, j'ordonne en conséquence au
grand-maître des cérémonies de faire préparer les salles.
Dreux-Brezé, grand-maître des cérémonies, vint rappeler aux
communes immobiles l'ordre du roi. Bailly lui répondit que les
représentants du peuple ne reçoivent les ordres de personne, que, du
reste il allait prendre les ordres de l'assemblée. Alors Mirabeau lança la
célèbre apostrophe qu'il a lui-même rappelée en ces termes:
L'APOSTROPHE DE MIRABEAU
Bientôt M. le marquis de Brezé est venu leur dire [aux députés des
communes]: «Messieurs, vous connaissez les ordres du roi.» Sur quoi
un des membres des communes lui adressant la parole a dit: «Oui,
Monsieur, nous avons entendu les intentions qu'on a suggérées au Roi,
et vous qui ne sauriez être son organe auprès des États-Généraux, vous
qui n'avez ici ni place, ni voix, ni droit de parler, vous n'êtes pas fait
pour nous rappeler son discours; [Note: Le garde des sceaux, d'après le
protocole, était seul qualifié pour communiquer les ordres du roi aux
États généraux. Dreux-Brezé outrepassait ses pouvoirs. Il ne devait être
que le porteur d'ordres écrits du roi.] cependant pour éviter toute
équivoque et tout délai, je vous déclare que si l'on vous a chargé de
nous faire sortir d'ici, vous devez demander des ordres pour employer
la force, car nous ne quitterons nos places que par la puissance de la
baïonnette.» Alors, d'une voix unanime, tous les députés se sont écriés:
«Tel est le voeu de l'Assemblée.» [Note: Treizième lettre de Mirabeau à
ses commettants.]
Le Tiers, sur la proposition de Camus et de Sieyès, déclara persister
dans ses précédents arrêtés, récidivant ainsi sa désobéissance. Il décréta
en outre, sur la proposition de Mirabeau, que la personne des députés
était inviolable. «Ce n'est pas manifester une crainte, avait dit Mirabeau,
c'est agir avec prudence; c'est un frein contre les conseils violents qui
assiègent le trône.»
Le roi céda devant l'attitude résolue des nobles patriotes, l'offre de
démission de Necker, qui n'avait déjà pas assisté à la séance royale,
devant l'agitation du monde des rentiers qui craignait la banqueroute,
devant l'insubordination de l'armée et les manifestations populaires.
LES NOBLES PATRIOTES AU SECOURS DU TIERS
On se rappelle cette célèbre réponse de Mirabeau au grand maître des
cérémonies qui nous sommait de nous retirer. Cette réponse, me dit
d'André, [Note: D'André, député de la noblesse d'Aix aux États
généraux, devint avec Barnave et les Lameth un des chefs du côté
gauche de la Constituante.] ayant été rapportée à la cour par M. de
Brézé, il fut donné ordre à deux ou trois escadrons des gardes du corps
de marcher sur l'Assemblée et de la sabrer, s'il le fallait, pour la
dissoudre. Et certes, les députés, dans un pareil moment, se seraient
tous laissé égorger plutôt que de bouger. Au moment où
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