Les douze nouvelles nouvelles | Page 2

Arsène Houssaye
pas le Sport ou le Jockey?
Arthur fit merveille, avec la rapidit�� d'une locomotive �� toute vapeur. Le lendemain, il avait achet�� au plus c��l��bre sportsman les plus illustres chevaux. La moiti�� de sa fortune y passa, mais il pouvait dire, non pas comme le sultan: ?J'ai dans mon s��rail Fatma, Java, Lama, Diva, Diana: toutes les sultanes en a, mais: J'ai dans mon ��curie Labrador, Spectator, Gladiator, Chancellor: tous les chevaux en or.?
Huit jours apr��s, Spectator gagnait un prix aux courses du printemps; le nom d'Arthur Dupont ��tait d��sormais un nom historique dans l'empire des turfistes et des hautes mondaines. Seulement, c'��tait toujours Arthur Dupont! Laure, tout en le f��licitant, lui dit avec une pointe de raillerie qui le per?a au coeur:
--Pourquoi n'��tes-vous pas comte, comme M. de Lagrange? To be or not to be!
--Qu'�� cela ne tienne, murmura le triomphateur des courses, je vais demander cela au pape; c'est une petite affaire de cent mille; mes chevaux payeront mon titre.
Arthur ne s'��tait pas tromp�� de chiffre. Il fut, de par la cour de Rome, comte romain, ce qui est tout aussi bon que d'��tre comte fran?ais, quand on n'a rien fait pour cela.
Ce jour-l��, Arthur demanda solennellement la main de tr��s haute et tr��s puissante damoiselle Laure de Montaignac.
Il se croyait d��j�� �� la t��te de la plus jolie femme de Paris. Ah bien oui! la veille, il y avait eu des courses; un autre sportsman triomphait; celui-l�� ��tait marquis, celui-l�� descendait de l'Oeil-de-Boeuf....
Si bien que, le dimanche suivant, le cur�� de Sainte-Clotilde annon?a au pr?ne qu'il y avait promesse de mariage entre M. le marquis de N'importe-quoi et Mlle Laure de Montaignac.
III
Un coup d'��ventail avait ruin�� Arthur.
Dans l'enivrement de son coeur, il avait tout sacrifi�� �� cette belle impertinente. Il ne put se consoler dans cette ��curie qui devait ��tre leur chaumi��re et leur palais.
Le jeudi, il y eut encore des courses; Arthur fut battu.
Il voyait tomber �� la fois ses illusions d'amoureux et de sportsman. Il avait r��v�� la grande vie: il lui fallait donc tomber dans la vie des d��cav��s? Sa noblesse de coeur se r��volta. A quoi lui servirait son brevet de comte romain, �� lui qui ne pourrait plus faire figure dans le monde?
D��j�� on lui avait dit: ?C'est un brevet d'invention.?
Quand il fut rentr�� dans son ��curie, un peu abandonn�� de ses amis, parieurs d��sabus��s, et maudit par les bookmakers qui avaient eu foi en lui, il s'arma d'un revolver pour casser la t��te au cheval qui l'avait trahi.
Mais le cheval penchait vers lui sa noble t��te, comme pour appeler ses caresses....
Il l'embrassa; et, retournant vers lui le revolver d��j�� braqu�� sur la b��te, il se cassa la t��te �� lui-m��me.
Il surv��cut quelques instants, tout juste assez pour dire �� un de ses amis:
--Si tu m'aimes bien, coupe ma t��te et porte-la sur un plat d'argent �� cette C��lim��ne d'��curie, �� cette Salom��, plus cruelle que la fille d'H��rodiade.
IV
Il expira sur ces mots. Ce fut un vrai chagrin parmi ses amis, car c'��tait un des plus braves coeurs de la nouvelle g��n��ration: toujours gai, spirituel avant son malheur, c'est-��-dire avant sa passion,--avant son ��curie.
L'ami d'Arthur connaissait Mlle de Montaignac; il ��tait si indign�� du jeu qu'elle avait jou��, il ��tait si d��sol�� de ce tragique d��nouement, qu'il n'h��sita pas �� aller chez la grande coquette des sportsmen, non pas avec la t��te de son ami sur un plat d'argent; mais avec toutes les col��res comprim��es d'un galant homme. On fit quelques fa?ons pour le recevoir.
Enfin, malgr�� les pr��paratifs de la noce, il p��n��tra dans le petit salon, presque dans le cabinet de toilette de Mlle de Montaignac. Aux premi��res paroles, elle se laissa tomber sur un fauteuil comme une femme qui s'��vanouit; mais elle se remit, bient?t.
--Votre ami, dit-elle en le prenant de haut, ��tait un fou que j'ai voulu sauver de son n��ant. Il voulait jouer �� la haute vie et n'y entendait rien du tout.
--Pardon, mademoiselle, qu'est-ce que la haute vie?
--Vous le savez bien: c'est la mienne, c'est la v?tre. C'est le High life.
--Ah! oui, je comprends, c'est celle qui commence sur un break, qui se continue au pesage, qui s'��panouit au d��part et �� l'arriv��e, qui enfin fait un tour de valse ��perdue pour bien finir sa journ��e. J'oubliais: il y a aussi l'Op��ra et le sermon comme hors-d'oeuvre. Eh bien! mademoiselle, je suis revenu de cette vie-l��, et ce n'est pas ma faute si mon pauvre ami s'y est jet�� la t��te la premi��re, parce qu'il vous aimait.
--Il m'aimait! Voil�� un mot hors de saison. Il m'aimait! mais tout le monde m'aime; je ne peux pas ��pouser tout le monde. D'ailleurs, vous savez bien qu'on n'aime plus.
--Ah! oui, vous voulez dire que c'��tait bon au temps de l'age d'or; mais aujourd'hui que nous sommes sous l'age de l'or....
Mlle de
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