Les chansons de Bilitis | Page 7

Pierre Louÿs
en la voyant j'oubliai. Je
n'osais pas même me jeter à son cou, je regardais sa ceinture haute.
Je m'étonnais que rien n'eût changé sur son visage, qu'elle semblât
encore mon amie et que cependant, depuis la veille, elle eût appris tant
de choses qui m'effarouchaient.
Soudain je m'assis sur ses genoux, je la pris dans mes bras, je lui parlai
à l'oreille vivement, anxieusement. Alors elle mit sa contre la mienne,
et me dit tout.

21 -- LA LUNE AUX YEUX BLEUS
La nuit, les chevelures des femmes et les branches des saules se
confondent. Je marchais au bord de l'eau. Tout à coup, j'entendis
chanter: alors seulement je reconnus qu'il y avait là des jeunes filles.
Je leur dis: « Que chantez-vous? » Elles répondirent: « Ceux qui
reviennent. » L'une attendait son père et l'autre son frère; mais celle
qui attendait son fiancé était la plus impatiente.
Elles avaient tressé pour eux des couronnes et des guirlandes, coupé
des palmes aux palmiers et tiré des lotus de l'eau. Elles se tenaient par
le cou et chantaient l'une après l'autre.
Je m'en allai le long du fleuve, tristement, et toute seule, mais en
regardant autour de moi, je vis que derrière les grands arbres la lune
aux yeux bleus me reconduisait.

22 -- RÉFLEXIONS (non traduite)

23 -- CHANSON (Ombre du bois)
« Ombre du bois où elle devait venir, dis-moi, où est allée ma maîtresse?
-- Elle est descendue dans la plaine. -- Plaine, où est allée ma
maîtresse? -- Elle a suivi les bords du fleuve.
-- Beau fleuve qui l'a vue passer, dis-moi, est-elle près d'ici? -- Elle m'a
quitté pour le chemin. -- Chemin, la vois-tu encore? -- Elle m'a laissé
pour la route.
-- Ô route blanche, route de la ville, dis-moi, où l'as-tu conduite? -- À
la rue d'or qui entre à Sardes. -- Ô rue de lumière, touches-tu ses pieds
nus? -- Elle est entrée au palais du roi.
-- Ô palais, splendeur de la terre, rends-la-moi! -- Regarde, elle a des
colliers sur les seins et des houppes dans les cheveux, cent perles le

long des jambes, deux bras autour de la taille. »

24 -- LYKAS
Venez, nous irons dans les champs, sous les buissons de genévriers;
nous mangerons du miel dans les ruches, nous ferons des pièges à
sauterelles avec des tiges d'asphodèle.
Venez; nous irons voir Lykas, qui garde les troupeaux de son père sur
les pentes du Tauros ombreux. Sûrement il nous donnera du lait.
J'entends déjà le son de sa flûte. C'est un joueur fort habile. Voici les
chiens et les agneaux, et lui-même, debout contre un arbre. N'est-il pas
beau comme Adonis!
Ô Lykas, donne-nous du lait. Voici des figues de nos figuiers. Nous
allons rester avec toi. Chèvres barbues, ne sautez pas, de peur d'exciter
les boucs inquiets.

25 -- L'OFFRANDE À LA DÉESSE
Ce n'est pas pour l'Artémis qu'on adore à Perga, cette guirlande
tressée par mes mains, bien que l'Artémis soit une bonne déesse qui me
gardera des couches difficiles.
Ce n'est pas pour l'Athêna qu'on adore à Sidê, bien qu'elle soit d'ivoire
et d'or et qu'elle porte dans la main une pomme de grenade qui tente
les oiseaux.
Non, c'est pour l'Aphroditê que j'adore dans ma poitrine, car elle seule
me donnera ce qui manque à mes lèvres, si je suspends à l'arbre-sacré
ma guirlande de tendres roses.
Mais je ne dirai pas tout haut ce que je la supplie de m'accorder. Je me
hausserai sur la pointe des pieds et par la fente de l'écorce je lui
confierai mon secret.

26 -- L'AMIE COMPLAISANTE
L'orage a duré toute la nuit. Sélénis aux beaux cheveux était venue filer
avec moi. Elle est restée de peur de la boue. Nous avons entendu les
prières et serrées l'une contre l'autre nous avons empli mon petit lit.
Quand les filles couchent à deux, le sommeil reste à la porte. « Bilitis,
dis-moi, dis-moi, qui tu aimes. » Elle faisait glisser sa jambe sur la
mienne pour me caresser doucement.
Et elle a dit, devant ma bouche: « Je sais, Bilitis, qui tu aimes. Ferme
les yeux, je suis Lykas. » Je répondis en la touchant: « Ne vois-je pas
bien que tu es fille? Tu plaisantes mal à propos. »
Mais elle reprit: « En vérité, je suis Lykas, si tu fermes les paupières.
Voilà ses bras, voilà ses mains... » Et tendrement, dans le silence, elle
enchanta ma rêverie d'une illusion singulière.

27 -- PRIÈRE À PERSÉPHONÊ
Purifiées par les ablutions rituelles, et vêtues de tuniques violettes,
nous avons baissé vers la terre nos mains chargées de branches
d'olivier.
« Ô Perséphonê souterraine, ou quel que soit le nom que tu désires, si
ce nom t'agrée , écoute-nous, ô Chevelue-de-ténèbres,
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