Les aventures de M. Colin-Tampon | Page 8

Jules Girardin
les reins; dans tous les cas, il est singuli��rement indiscret.
--Vous, mal aux reins! reprit le grand dr?le d'un air d'int��r��t.
--N'en parlons plus?, dit M. Colin-Tampon, qui ��tait trop heureux d'avoir la vie sauve pour montrer le moindre ressentiment. Et comme il faisait mine de s'��loigner:
?Lui faire excuses au monsieur, reprit le grand dr?le; lui faire le beau; lui danser pour le monsieur.?
[Illustration: Martin ��coutait avec int��r��t.]
Martin ��coutait avec int��r��t, laissant pendre une de ses pattes, sa cha?nette et sa t��te d��bonnaire. Il remuait les oreilles, il faisait les yeux doux �� M. Colin-Tampon, il ��mettait de petits reniflements persuasifs, comme pour donner �� entendre qu'il ��tait tout pr��t �� danser et �� pr��senter ses excuses au monsieur qui avait mal dans le dos.
?Lui faire le beau, r��p��ta le grand dr?le; lui danser pour le monsieur.
--Je n'ai pas besoin d'excuses, dit le conseiller municipal; seulement ne le laissez plus ��chapper.? Et il s'��loigna �� grands pas.

XIII
Tous les dix pas, l'inventeur du bouton inamovible tournait furtivement la t��te pour voir si Martin ne se serait pas remis �� ses trousses. Vous savez, un ours qui s'est ��chapp�� une premi��re fois peut fort bien s'��chapper une seconde: cela s'est vu.
Pendant que M. Colin-Tampon d��talait, le grand dr?le et son ours parlementaient: ?Joli Martin descendre tout vite!? dit le grand dr?le d'un ton doucereux.
--Humph!? r��pondit joli Martin sans se d��ranger. Traduisez: ?Il faudra voir!?
?Tout vite! tout vite! r��p��ta le grand dr?le, qui commen?ait �� perdre patience.
--Humph!? r��p��ta Martin sur un ton diff��rent. Puis, allongeant le cou, il sourit d'un sourire narquois. Traduisez: ?Est-ce que je te d��range, moi, quand tu entres dans les cabarets pour boire de l'eau-de-vie??
Le grand dr?le saisit �� deux mains son baton par un bout, et, avec l'autre bout, caressa rudement l'��pine dorsale de Martin, depuis les vert��bres cervicales jusqu'aux vert��bres caudales. Et M. Colin-Tampon d��talait toujours. Lorsqu'Azor, apr��s avoir fait un long circuit, rejoignit son ma?tre en bondissant de joie, son ma?tre lui fit froide mine. ?Capon!? lui dit-il avec un sourire amer. Puis r��fl��chissant que, si Azor s'��tait montr�� capon, le ma?tre d'Azor n'avait pas ��t�� d'un vaillance h��ro?que, il se radoucit et caressa son chien fid��le.
Martin cependant, que la rude caresse de grand dr?le avait froiss�� dans sa dignit�� et dans sa chair, laissa ��chapper un v��ritable rugissement d'ours m��content et indign��.
?L'animal!? s'��cria M. Colin-Tampon en tournant la t��te pour regarder derri��re lui. Notez bien qu'en disant l'animal, c'est de l'homme qu'il parlait, et non pas de la b��te.
?L'animal! reprit-il d'une voix tremblante d'effroi et d'indignation, il va mettre cet ours en fureur; et alors, il n'en sera plus le ma?tre, et alors... Viens vite, Azor, sauvons-nous, mon ami, pendant qu'il en est temps encore.?
[Illustration: Il tombe presque dans les bras du facteur rural]
Et M. Colin-Tampon, homme ob��se, homme riche et consid��r��, conseiller municipal, inventeur du bouton inamovible, d��tala comme d��tale un polisson quand le garde champ��tre l'a surpris dans le champ d'autrui, sur le pommier d'autrui, en train de voler les pommes d'autrui.
M. Colin-Tampon d��talait avec une imp��tuosit�� si aveugle, qu'au d��tour d'une haie il tomba presque dans les bras du facteur rural, qui faisait sa tourn��e. Le facteur rural s'excusa poliment d'avoir ��t�� presque renvers�� par M. Colin-Tampon, et M. Colin-Tampon, rassur�� �� l'id��e qu'il y avait un facteur rural entre l'ours et lui, mod��ra son allure.

XIV
M. Colin-tampon eut un remords d'honn��te homme. Au lieu de laisser le facteur rural courir au danger, peut-��tre �� la mort, il aurait d? l'avertir!
Pouss�� par les reproches de sa conscience, il revint sur ses pas jusqu'au tournant du chemin. L��, abrit�� derri��re une cl?ture en planches, il promena ses regards sur toute l'��tendue de la plaine.
Le facteur rural avait disparu dans un chemin creux qui l'��loignait de l'ours. La conscience de M. Colin-Tampon cessa de lui faire des reproches, et M. Colin-Tampon poussa un soupir de soulagement. D'autre part, le grand dr?le et son ours avaient fait la paix, et s'en allaient tranquillement, l'un suivant l'autre, par une avenue qui les ��loignait tous les deux de M. Colin-Tampon et d'Azor. M. Colin-Tampon poussa un second soupir de soulagement, plus profond que le premier.
?Azor, mon camarade, dit-il, nous pouvons nous vanter de l'avoir ��chapp�� belle!?
Azor eut l'effronterie de se pr��cipiter en aboyant, dans la direction par o�� l'ours op��rait sa retraite.
?Pas de fanfaronnades! lui dit son ma?tre, nous savons ce que nous savons; soyons modestes.?
Ayant alors d��bouch�� sa bouteille cliss��e, il la porta �� ses l��vres et lui donna une longue, longue accolade.
De bl��me qu'il avait ��t�� jusque-l��, il redevint frais, rose et souriant.
Quand il se retourna, il aper?ut, avec un sentiment de vive all��gresse, deux gendarmes qui venaient vers lui. Il ��tait bien d��cid��ment sauv��!
Les gendarmes, voyant un homme bien v��tu et d'apparence honn��te, auraient pass�� leur chemin sans lui rien dire, si l'inventeur du bouton inamovible ne
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