Les aventures de M. Colin-Tampon | Page 6

Jules Girardin
face �� l'ennemi, c'est qu'il avait une peur Horrible que l'ennemi ne lui sautat sur le dos dans le cas o�� il le perdrait de vue un seul instant; s'il reculait �� pas compt��s au lieu de fuir �� toutes jambes, c'est qu'il craignait qu'un mouvement trop brusque ne f?t consid��r�� par l'ennemi comme une invitation �� le poursuivre. M. Colin-Tampon avait entendu dire par sa nourrice que les loups ne se jettent sur les voyageurs que quand les voyageurs font mine de se sauver. Il pensait que ce qui ��tait vrai pour les loups ��tait peut-��tre vrai pour les ours aussi, et il agissait en cons��quence.
Un spectateur plus d��sint��ress�� dans la question et plus ma?tre de lui-m��me que ne l'��tait M. Colin-Tampon, aurait peut-��tre remarqu�� que les regards de l'ours ��taient fix��s sur un objet plac�� derri��re M. Colin-Tampon, et non pas sur le conseiller municipal lui-m��me. Ses haltes successives t��moignaient, en r��alit��, que son ame d'ours ��tait en proie �� l'h��sitation.
Il souriait par moments, en voyant que le chasseur et le chien, au lieu de lui barrer le passage et de l'emp��cher d'atteindre l'objet de sa convoitise, reculaient peu �� peu et semblaient ainsi l'inviter �� s'approcher sans faire tant de c��r��monies.
M. Colin-Tampon, lui, se figurait que Martin avait soif de sang humain, tandis que Martin guignait tout le temps les pommes vermeilles d'un pommier vers lequel M. Colin-Tampon battait en retraite sans le voir, puisqu'il lui tournait le dos.
[Illustration: Martin se mit sur son s��ant.]
Quand le chasseur et le chien furent au pied de l'arbre, Martin s'arr��ta, se mit sur son s��ant, passa �� plusieurs reprises sa patte gauche sur son estomac, renifla avec violence et ouvrit une gueule d��mesur��e d'o�� sortit un rugissement de joie.
Quels crochets! messeigneurs, quels crochets!
M. Colin-Tampon pensa que sa derni��re heure ��tait venue; ses forces l'abandonn��rent subitement et il tomba en arri��re; il avait lach�� son arme inutile, et il avait fait voler ses lunettes dans l'espace, par la violence du coup qu'il avait appliqu�� sur son chapeau, pr��s de choir. Azor, affol��, tomba �� la renverse comme son ma?tre.

X
De sa vie ni de ses jours, Martin n'avait vu un conseiller faire la cabriole et montrer au ciel les semelles de ses bottes. Il faut croire qu'il avait le sens du comique, car il se mit �� rire ou du moins il fit une grimace qui ressemblait �� un sourire. Ses l��vres s'��taient retrouss��es, il montrait toutes ses dents, et il clignait ses yeux clairs d'un air de connaisseur.
Un seul point le tenait embarrass��: que signifiait, dans la pantomime des hommes, cette remarquable culbute? ��tait-ce une mani��re �� eux de dire aux ours qu'ils ��taient les bienvenus �� croquer les pommes vermeilles? ��tait-ce au contraire une d��fense formelle de faire un pas de plus vers l'arbre qui portait de pareils tr��sors? Martin se gratta le mollet gauche et resta, jusqu'�� plus ample information, dans la position qu'il occupait. Le poil de son front descendit sur ses yeux clignotants: signe de perplexit��, et sa langue pendit d'un demi-pied: signe de convoitise.
L'inventeur du bouton inamovible ��tait demeur�� quelques instants tout ��tourdi de sa chute. Ses id��es flottaient vaguement sous la vo?te de son crane, et, comme il l'a dit depuis, ?il ne savait plus o�� il en ��tait?. Le pauvre Azor, le voyant inanim��, oublia la pr��sence de l'ours et vint caresser doucement son ma?tre.
Sentant un museau froid qui fr?lait sa joue et les poils d'une b��te velue qui lui caressaient l'oreille, l'inventeur du bouton inamovible poussa un cri terrible et, d'un seul bond, se trouva sur ses deux jambes.
L'ours, ��pouvant��, demeura tout interdit, et m��me il poussa un grognement de terreur, que M. Colin-Tampon prit pour un cri de rage.
Avec une agilit�� surprenante, le chasseur grimpa dans le pommier. Azor, qui ne savait pas grimper dans les pommiers, chercha son salut dans la fuite et se mit �� arpenter les gu��rets, aussi ahuri et aussi rapide dans sa course que si on lui avait attach�� une casserole �� la queue.
L'ours le regarda fuir avec d��dain et se dirigea du c?t�� du pommier. Quelques pommes pourries ��taient tomb��es dans l'herbe; il ne fit point le d��go?t��, et les d��vora pour se mettre en app��tit. Quand il ne resta plus une seule pomme �� terre, il s'assit tranquillement, et, levant la t��te vers l'inventeur du bouton inamovible, ouvrit la gueule toute grande. L'inventeur du bouton inamovible comprit cette muette requ��te, et, sans se demander �� qui appartenait le pommier, il fit pleuvoir les pommes dans la gueule de Martin.
[Illustration: Il fit pleuvoir les pommes dans la gueule de Martin.]
Les pommes pleuvaient donc, dru comme gr��le, et Martin les engloutissait avec une facilit�� qui donnait la chair de poule au conseiller municipal. Alors il se dit: ?Quand il les aura toutes mang��e? (car, au train dont
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