Les amours jaunes | Page 7

Tristan Corbière
aussi--qui n'aimait
pas la Pomme,
Je ne l'aime pas--et j'en veux!--
C'est innocent.--Et Lui: ... Si l'arme était chargée....
--Et moi, j'aime les vilains jeux!
Et ... l'on sait amuser, avec une
dragée
Haute, un animal ombrageux.
De quel droit ce regard, ce mauvais oeil qui touche:
Monsieur poserait le fatal?
Je suis myope, il est vrai,... Peut-être qu'il
est louche;
Je l'ai vu si peu--mais si mal.--
... Et si je le laissais se draper en quenouille,
Seul dans sa honteuse fierté!...
--Non. Je sens me ronger, comme
ronge la rouille,
Mon orgueil malade, irrité.
Allons donc! c'est écrit--n'est-ce pas--dans ma tête,
En pattes-de-mouche d'enfer;
Écrit, sur cette page où--là--ma main
s'arrête.
--Main de femme et plume de fer.--
Oui!--Baiser de Judas--Lui cracher à la bouche
Cet amour!--Il l'a mérité--
Lui dont la triste image est debout

sur ma couche,
Implacable de volupté.
Oh oui: coller ma langue à l'inerte sourire
Qu'il porte là comme un faux pli!
Songe creux et malsain,
repoussant ... qui m'attire!
.................................
Une nuit blanche ... un jour sali....
DUEL AUX CAMÉLIAS
J'ai vu le soleil dur contre les touffes
Ferrailler.--J'ai vu deux fers
soleiller,
Deux fers qui faisaient des parades bouffes;
Des merles en
noir regardaient briller.
Un monsieur en linge arrangeait sa manche;
Blanc, il me semblait un
gros camélia;
Une autre fleur rose était sur la branche,
Rose
comme.... Et puis un fleuret plia.
--Je vois rouge.... Ah oui! c'est juste: on s'égorge-- ... Un camélia
blanc--là--comme Sa gorge ...
Un camélia jaune,--ici--tout mâché....
Amour mort, tombé de ma boutonnière.
--A moi, plaie ouverte et
fleur printannière!
Camélia vivant, de sang panaché!
(Veneris Dies 13***)
FLEUR D'ART
Oui--Quel art jaloux dans Ta fine histoire!
Quels bibelots chers!--Un
bout de sonnet,
Un coeur gravé dans ta manière noire,
Des traits de
canif à coups de stylet.--
Tout fier mon coeur porte à la boutonnière
Que tu lui taillas, un petit
bouquet
D'immortelle rouge--Encor ta manière--
C'est du sang en

fleur. Souvenir coquet.
Allons, pas de pleurs à notre mémoire!
--C'est la mâle-mort de
l'amour ici--
Foin du myosotis, vieux sachet d'armoire!
Double femme, va!... Qu'un âne te braie!
Si tu n'étais fausse, eh
serais-tu vraie?...
L'amour est un duel:--Bien touché! Merci.
PAUVRE GARÇON
La Bête féroce.
Lui qui sifflait si haut, son petit air de tête,
Etait plat près de moi; je
voyais qu'il cherchait ...
Et ne trouvait pas, et ... j'aimais le sentir bête,

Ce héros qui n'a pas su trouver qu'il m'aimait.
J'ai fait des ricochets sur son coeur en tempête.
Il regardait cela....
Vraiment, cela l'usait?...
Quel instrument rétif à jouer, qu'un poète!...

J'en ai joué. Vraiment--moi--cela m'amusait.
Est-il mort?...--Ah--c'était, du reste, un garçon drôle. Aurait-il donc
trop pris au sérieux son rôle,
Sans me le dire ... au moins.--Car il est
mort, de quoi?...
Se serait-il laissé fluer de poésie....
Serait-il mort de chic, de
boire, ou de phthisie, Ou, peut-être, après tout: de rien ...
ou bien de Moi.
DÉCLIN
Comme il était bien, Lui, ce Jeune plein de sève!
Apre à la vie O
Gué
!... et si doux en son rêve.
Comme il portait sa tête ou la
couchait gaîment!
Hume-vent à l'amour!... qu'il passait tristement.
Oh comme il était Rien!...--Aujourd'hui, sans rancune
Il a vu lui

sourire, au retour, la Fortune;
Lui ne sourira plus que d'autrefois; il
sait
Combien tout cela coûte et comment ça se fait.
Son Coeur a pris du ventre et dit bonjour en prose.
Il est coté fort
cher ... ce Dieu c'est quelque chose;
Il ne va plus les mains dans les
poches tout nu....
Dans sa gloire qu'il porte en paletot funèbre,
Vous le reconnaîtrez fini,
banal, célèbre....
Vous le reconnaîtrez, alors, cet inconnu.
BONSOIR
Et vous viendrez alors, imbécile caillette,
Taper dans ce miroir
clignant qui se paillette
D'un éclis d'or, accroc de l'astre jaune, éteint

Vous verrez un bijou dans cet éclat de tain
Vous viendrez à cet homme, à son reflet mièvre
Sans chaleur.... Mais,
au jour qu'il dardait la fièvre, Vous n'avez rien senti, vous qui--midi
passé--
Tombez dans ce rayon tombant qu'il a laissé.
Lui ne vous connaît plus, Vous, l'Ombre déjà vue,
Vous qu'il avait
couchée en son ciel toute nue,
Quand il était un Dieu!... Tout
cela--n'en faut plus.--
Croyez--Mais lui n'a plus ce mirage qui leurre,
Pleurez--Mais il n'a
plus cette corde qui pleure.
Ses chants ...--C'était d'un autre; il ne les a
pas plus.
LE POÈTE CONTUMACE
Sur la côte d'ARMOR,--Un ancien vieux couvent,
Les vents se
croyaient là dans un moulin-à-vent,
Et les ânes de la contrée,
Au lierre râpé, venaient râper leurs dents

Contre un mur si troué que, pour entrer dedans,

On n'aurait pu trouver l'entrée.
--Seul--mais toujours debout avec un rare aplomb,
Crénelé comme la
mâchoire d'une vieille,
Son toit à coups-de-poing sur le coin de
l'oreille,
Aux corneilles bayant, se tenait le donjon,
Fier toujours d'avoir eu, dans le temps, sa légende.... Ce n'était plus
qu'un nid à gens de contrebande,
Vagabonds de nuit, amoureux
buissonniers,
Chiens errants, vieux rats, fraudeurs et douaniers.
--Aujourd'hui l'hôte était de la borgne tourelle,
Un Poète sauvage,
avec un plomb dans l'aile,
Et tombé là parmi les antiques hiboux

Qui l'estimaient d'en haut.--Il respectait leurs
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