pas mieux que de
me rendre à votre avis.
[Illustration: Derrière une borne gigantesque il attendit. -- PAGE 24.]
-- Monseigneur, voyez l'armée du prince d'Orange, elle était vôtre,
n'est- ce pas? Eh bien! au lieu de camper avec vous devant Anvers, elle
est dans Anvers, ce qui est bien différent; voyez le Taciturne, comme
vous l'appelez vous-même: il était votre ami et votre conseiller;
non-seulement vous ne savez pas ce qu'est devenu le conseiller, mais
encore vous croyez être sûr que l'ami s'est changé en ennemi; voyez les
Flamands: lorsque vous étiez en Flandre, ils pavoisaient leurs barques
et leurs murailles en vous voyant arriver; maintenant ils ferment leurs
portes à votre vue et braquent leurs canons à votre approche, ni plus ni
moins que si vous étiez le duc d'Albe. Eh bien! je vous le dis: Flamands
et Hollandais, Anvers et Orange n'attendent qu'une occasion de s'unir
contre vous, et ce moment sera celui où vous crierez feu à votre maître
d'artillerie.
-- Eh bien! répondit le duc d'Anjou, on battra du même coup Anvers et
Orange, Flamands et Hollandais.
-- Non, monseigneur, parce que nous avons juste assez de monde pour
donner l'assaut à Anvers, en supposant que nous n'ayons affaire qu'aux
Anversois, et que tandis que nous donnerons l'assaut, le Taciturne
tombera sur nous sans rien dire, avec ces éternels huit ou dix mille
hommes, toujours détruits et toujours renaissants, à l'aide desquels
depuis dix ou douze ans il tient en échec le duc d'Albe, don Juan
Requesens et le duc de Parme.
-- Ainsi, vous persistez dans votre opinion?
-- Dans laquelle?
-- Que nous serons battus.
-- Immanquablement.
-- Eh bien! c'est facile à éviter, pour votre part, du moins, monsieur de
Joyeuse, continua aigrement le prince; mon frère vous a envoyé vers
moi pour me soutenir; votre responsabilité est à couvert, si je vous
donne congé en vous disant que je ne crois pas avoir besoin d'être
soutenu.
-- Votre Altesse peut me donner congé, dit Joyeuse; mais, à la veille
d'une bataille, ce serait une honte pour moi que l'accepter.
Un long murmure d'approbation accueillit les paroles de Joyeuse; le
prince comprit qu'il avait été trop loin.
-- Mon cher amiral, dit-il en se levant et en embrassant le jeune homme,
vous ne voulez pas m'entendre. Il me semble pourtant que j'ai raison, ou
plutôt que, dans la position où je suis, je ne puis avouer tout haut que
j'ai eu tort; vous me reprochez mes fautes, je les connais: j'ai été trop
jaloux de l'honneur de mon nom; j'ai trop voulu prouver la supériorité
des armes françaises, donc j'ai tort. Mais le mal est fait; en voulez-vous
commettre un pire? Nous voici devant des gens armés, c'est-à-dire
devant des hommes qui nous disputent ce qu'ils m'ont offert.
Voulez-vous que je leur cède? Demain alors, ils reprendront pièce à
pièce ce que j'ai conquis; non, l'épée est tirée, frappons, ou sinon nous
serons frappés; voilà mon sentiment.
-- Du moment où Votre Altesse parle ainsi, dit Joyeuse, je me garderai
d'ajouter un mot; je suis ici pour vous obéir, monseigneur, et d'aussi
grand coeur, croyez-le bien, si vous me conduisez à la mort, que si vous
me menez à la victoire; cependant... mais non, monseigneur.
-- Quoi?
-- Non, je veux et dois me taire.
-- Non, par Dieu! dites, amiral; dites, je le veux.
-- Alors en particulier, monseigneur.
-- En particulier?
-- Oui, s'il plaît à Votre Altesse.
Tous se levèrent et reculèrent jusqu'aux extrémités de la spacieuse tente
de François.
-- Parlez, dit celui-ci.
-- Monseigneur peut prendre indifféremment un revers que lui
infligerait l'Espagne, un échec qui rendrait triomphants ces buveurs de
bière flamands, ou ce prince d'Orange à double face; mais
s'accommoderait-il aussi volontiers de faire rire à ses dépens M. le duc
de Guise?
François fronça le sourcil.
-- M. de Guise? dit-il; eh! qu'a-t-il à faire dans tout ceci?
-- M. de Guise, continua Joyeuse, a tenté, dit-on, de faire assassiner
monseigneur; si Salcède ne l'a pas avoué sur l'échafaud, il l'a avoué à la
gêne. Or, c'est une grande joie à offrir au Lorrain, qui joue un grand
rôle dans tout ceci, ou je m'y trompe fort, que de nous faire battre sous
Anvers, et de lui procurer, qui sait? sans bourse délier, cette mort d'un
fils de France, qu'il avait promis de payer si cher à Salcède. Lisez
l'histoire de Flandre, monseigneur, et vous y verrez que les Flamands
ont pour habitude d'engraisser leurs terres avec le sang des princes les
plus illustres et des meilleurs chevaliers français.
Le duc secoua la tête.
-- Eh bien! soit, Joyeuse, dit-il, je donnerai, s'il le faut, au Lorrain
maudit la joie de me voir mort, mais je ne lui donnerai pas celle de me
voir fuyant. J'ai
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