la quiétude que nous donne dans toutes les positions de ce monde, si fausses qu'elles soient, l'appui d'un plus fort que nous.
Pendant ce temps Borromée continuait sa course, à laquelle il imprimait une vitesse qui lui donnait l'espérance de rattraper le temps perdu.
Il connaissait en effet les habitudes de M. de Mayenne, et avait sans doute, pour être bien informé, des raisons qu'il n'avait pas cru devoir détailler à ma?tre Nicolas Poulain.
Toujours est-il qu'il arriva suant et soufflant à l'h?tel Saint-Denis, au moment où le duc et la duchesse, ayant causé de leurs grandes affaires, M. de Mayenne allait congédier sa soeur pour être libre d'aller rendre visite à cette dame de la Cité dont nous savons que Joyeuse avait à se plaindre.
Le frère et la soeur, après plusieurs commentaires sur l'accueil du roi et sur le plan des dix, étaient convenus des faits suivants.
Le roi n'avait pas de soup?ons, et se faisait de jour en jour plus facile à attaquer.
L'important était d'organiser la Ligue dans les provinces du nord, tandis que le roi abandonnait son frère et qu'il oubliait Henri de Navarre. De ces deux derniers ennemis, le duc d'Anjou, avec sa sourde ambition, était le seul à craindre; quant à Henri de Navarre, on le savait par des espions bien renseignés, il ne s'occupait que de faire l'amour à ses trois ou quatre ma?tresses.
-- Paris était préparé, disait tout haut Mayenne; mais leur alliance avec la famille royale donnait de la force aux politiques et aux vrais royalistes; il fallait attendre une rupture entre le roi et ses alliés: cette rupture, avec le caractère inconstant de Henri, ne pouvait pas tarder à avoir lieu.
Or, comme rien ne presse, continuait de dire Mayenne, attendons. -- Moi, disait tout bas la duchesse, j'avais besoin de dix hommes répandus dans tous les quartiers de Paris pour soulever Paris après ce coup que je médite; j'ai trouvé ces dix hommes, je ne demande plus rien.
Ils en étaient là, l'un de son dialogue, l'autre de ses _apartés_, lorsque Mayneville entra tout à coup, annon?ant que Borromée voulait parler à M. le duc.
-- Borromée! fit le duc surpris, qu'est-ce que cela?
-- C'est, monseigneur, répondit Mayneville, celui que vous m'envoyates de Nancy, quand je demandai à Votre Altesse un homme d'action et un homme d'esprit.
-- Je me rappelle! je vous répondis que j'avais les deux en un seul, et je vous envoyai le capitaine Borroville. A-t-il changé de nom, et s'appelle- t-il Borromée?
-- Oui, monseigneur, de nom et d'uniforme; il s'appelle Borromée, et est jacobin.
-- Borroville, jacobin!
-- Oui, monseigneur.
-- Et pourquoi donc est-il jacobin? Le diable doit bien rire, s'il l'a reconnu sous le froc.
-- Pourquoi il est jacobin? La duchesse fit un signe à Mayneville. Vous le saurez plus tard, continua celui-ci, c'est notre secret, monseigneur; et, en attendant, écoutons le capitaine Borroville, ou le frère Borromée, comme il vous plaira.
-- Oui, d'autant plus que sa visite m'inquiète, dit madame de Montpensier.
-- Et moi aussi, je l'avoue, dit Mayneville.
-- Alors introduisez-le sans perdre un instant, dit la duchesse.
Quant au duc, il flottait entre le désir d'entendre le messager et la crainte de manquer au rendez-vous de sa ma?tresse.
Il regardait à la porte et à l'horloge. La porte s'ouvrit, et l'horloge sonna onze heures.
-- Eh! Borroville, dit le duc, ne pouvant s'empêcher de rire, malgré un peu de mauvaise humeur, comme vous voilà déguisé, mon ami! -- Monseigneur, dit le capitaine, je suis en effet bien mal à mon aise sous cette diable de robe; mais enfin, il faut ce qu'il faut, comme disait M. de Guise le père.
-- Ce n'est pas moi, toujours, qui vous ai fourré dans cette robe-là, Borroville, dit le duc; ne m'en gardez donc point rancune, je vous prie. -- Non, monseigneur, c'est madame la duchesse; mais je ne lui en veux pas, puisque j'y suis pour son service. -- Bien, merci, capitaine; et maintenant, voyons, qu'avez-vous à nous dire si tard?
-- Ce que malheureusement je n'ai pu vous dire plus t?t, monseigneur, car j'avais tout le prieuré sur les bras.
-- Eh bien! maintenant parlez.
-- Monsieur le duc, dit Borroville, le roi envoie ses secours à M. le duc d'Anjou.
-- Bah! dit Mayenne, nous connaissons cette chanson-là; voilà trois ans qu'on nous la chante.
-- Oh! oui, mais cette fois, monseigneur, je vous donne la nouvelle comme s?re. -- Hum! dit Mayenne, avec un mouvement de tête pareil à celui d'un cheval qui se cabre, comme s?re? -- Aujourd'hui même, c'est-à-dire la nuit dernière, à deux heures du matin, M. de Joyeuse est parti pour Rouen. Il prend la mer à Dieppe et porte à Anvers trois mille hommes. -- Oh! oh! fit le duc; et qui vous a dit cela, Borroville?
-- Un homme qui lui-même part pour la Navarre, monseigneur.
-- Pour la Navarre! chez Henri?
-- Oui, monseigneur.
-- Et de la
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.