bien entendu, un retour à la religion de ses pères.
Estienne Alamartine, en effet, bourgeois de Cluny, est qualifié dans les
actes le concernant de juge-mage et capitaine de l'abbaye de Cluny;
fonctions importantes qui lui conféraient des pouvoirs administratifs
fort étendus, puisqu'il était chargé de rendre la justice pour le compte
du roi sur les terres ecclésiastiques. Peu à peu, il augmenta sa
situation[12]; le 25 octobre 1604, il fut nommé avocat; en 1609 le roi
ayant créé trois offices de conseiller au bailliage de Mâcon, il acquit
une de ces charges et enfin, en 1651, celle de secrétaire du roi fort
recherchée alors puisqu'elle conférait la noblesse à son titulaire pourvu
qu'il l'eût exercée vingt ans ou qu'il fût mort en étant revêtu.--Estienne
Alamartine ayant été reçu en Parlement de Paris le 3 juillet 1651 et
étant mort en fonction l'an 1656, la noblesse fut donc acquise à ses
descendants.
[Note 12: Le 8 avril 1626, à l'assemblée des États du Mâconnais, il fut
chargé de présenter les «mémoire et doléances» du Tiers-État.]
Estienne fut marié deux fois: en premières noces il épousa, le 12
octobre 1605 à Mâcon, Aymée de Pise, fille de noble Antoine de Pisz,
président en l'élection du Mâconnais, et de dame Antoinette de
Rymon[13], dont il n'eut pas d'enfants; et, en deuxièmes noces, le 18
novembre 1619, à Chalon, Anne Galloche, fille de Guillaume Galloche,
procureur du roi en la châtellenie de Sairt-Laurent-lez-Chalon, et de
Nicole Gon.
[Note 13: La famille de Pise est originaire de Mâcon. On trouve un
Antoine de Pise échevin de cette ville en 1450; Philippe de Pise, garde
du scel des contrats du bailliage de Mâcon (par provisions du 15 juin
1544), eut pour fils Antoine, père d'Aymée de Pise. Les de Pise
devinrent en 1603 seigneurs de Flacé, par acquisition des Maugiron.
Les de Ryrmon, seigneurs de Champgrenon, la Moussière, la Serve et
la Rochette sont originaires de Saint-Gengoux, d'où était Hugues de
Rymon, capitaine de la ville et du château, marié à Françoise
Bourgeois.]
C'est à propos de ces deux mariages que commencèrent les
falsifications de Louis-François dont nous avons parlé plus haut. En
effet, dans toutes les généalogies qu'il fit établir à l'époque, il eut soin,
afin de donner un quartier de plus à sa noblesse, de profiter de ces deux
mariages pour faire du seul Estienne deux personnages distincts: le
premier fut marié avec Aymée de Pise, et le second avec Anne
Galloche.
Mais, devant l'invraisemblance des dates--le premier mariage étant de
1605 et le second de 1619, le fils présumé d'Estienne aurait donc eu
treize ans à l'époque de son mariage!--il fallut d'abord reculer la date de
1605 à 1601, et avancer celle de 1619 à 1629, ce qui fut fait à l'aide de
quelques grattages, et donnait alors environ vingt-sept ans au faux
Estienne le jour de son mariage.
Bien plus, comme il n'y avait de lui--et pour cause--aucun acte, aucune
pièce authentique, il fallut au moins fournir une preuve soi-disant
irréfutable de sa naissance: c'est alors qu'on créa, de toutes pièces, cette
fois, un faux acte de baptême au nom de cet imaginaire personnage. À
cet effet, à la date du 2 novembre et sur les registres paroissiaux de
l'année 1602, on fit simplement disparaître, à l'aide d'un lavage
chimique, l'acte de baptême d'un individu quelconque; puis, à cette
place, on transcrivit le faux qui devait donner quelque vraisemblance à
l'extraordinaire conception de Louis-François. Il est d'ailleurs heureux
pour lui que les deux gentilshommes chargés de l'examen des titres et
preuves de noblesse, messire Éléonor de Garnier, comte des Garets,
gouverneur de la citadelle de Strasbourg, et le chevalier de Prisque de
Besanceuil n'aient pas mené leur besogne jusqu'au bout, car la lecture
des registres ou ces falsifications sont encore très apparentes
aujourd'hui les eût pleinement édifiés. Sur les deux actes de mariage,
les corrections grossièrement dissimulées sous de maladroites taches
d'encre sont très visibles; sur le faux acte de baptême, le papier blanchi
par l'acide et les mouillures, les signatures péniblement décalquées ou
copiées, l'encre encore noire, l'écriture enfin, contrastent trop
étrangement avec les actes qui précèdent ou suivent pour que le moins
averti s'y soit trompé.
Louis-François avait compté sans les registres du bailliage qu'il ne
pouvait aussi aisément falsifier; ils font foi qu'il n'y eut pas deux
Estienne Alamartine, mais un seul, marié deux fois; de sa première
union il n'eut pas d'enfants, mais de l'autre il en eut cinq, trois filles et
deux garçons.
L'aînée des filles, Philiberte, épousa le 10 mars 1638 Antoine de la
Blétonnière[14]; une autre, Anne, née en 1627, fut mariée à Simon
Dumont, «élu en l'élection[15]», et mourut le 16 mars 1709. La
dernière, Françoise-Marie, devint religieuse à la Visitation de Mâcon.
[Note 14: La famille de la Blétonnière est originaire de Cluny. Un
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