Les Noces Chimiques | Page 5

Christian Rosencreutz
arbres pour me reposer un
peu.
Mais en approchant de plus près j'aperçus un écriteau fixé à un arbre et
voici les mots écrits en lettres élégantes que je lus:
«Etranger, salut: Peut-être as-tu entendu parler des Noces du Roi, dans
ce cas, pèse exactement ces paroles: Par nous, le Fiancé t'offre le choix
de quatre routes, par toutes lesquelles tu pourras parvenir au Palais du
Roi, à condition de ne pas t'écarter de sa voie. La première est courte,
mais dangereuse, elle passe à travers divers écueils que tu ne pourras
éviter qu'à grand peine; l'autre, plus longue, les contourne, elle est plane
et facile si à l'aide de l'aimant tu ne te laisse détourner, ni à droite, ni à
gauche. La troisième est en vérité la voie royale, divers plaisirs et
spectacles de notre Roi te rendent cette voie agréable. Mais à peine un
sur mille peut arriver au but par celle-là. Par la quatrième, aucun
homme ne peut parvenir au Palais du Roi, elle est rendue impossible
car elle consume et ne peut convenir qu'aux corps incorruptibles.
Choisis donc parmi ces trois voies celle que tu veux, et suis la avec
constance. Sache aussi que quelle que soit celle que tu as choisie, en
vertu d'un Destin immuable, tu ne peux abandonner ta résolution, et
revenir en arrière sans le plus grand danger pour ta vie.
Voilà ce que nous avons voulu que tu saches, mais prends garde aussi
d'ignorer que tu déploreras d'avoir suivi cette voie pleine de périls: En
effet s'il doit t'arriver de te rendre coupable du moindre délit contre les
lois de notre Roi, je te prie pendant qu'il en est encore temps de
retourner au plus vite chez toi, par le même chemin que tu as suivi pour
venir».
[Hospes salve: si quid tibi forsitan de nuptiis Regis auditum. Verba
haec perpende. Quatuor viarum optionem per nos tibi sponsus offert,
per quas omnes, modo non in devias delabaris, ad Regiam ejus aulam
pervenire possis. Prima brevis est, sed periculosa, et quae te in varios
scopulos deducet, ex quibus vix te expedire licebit. Altera longior, quae
circumducet te, non abducet, plana ea est, et facilis, si te Magnetis
auxilio, neque ad dextrum, neque finistrum abduci patieris. Tertia, vere

Regia est, quae per varias Regis nostri delicias et spectacula viam tibi
reddet jucundam. Sed quod vix millesimo hactenus obtigit. Per quartam
nemini hominum licebit ad Regiam pervenire, ut pote, quae consumens,
et non nisi corporibus incorruptibilibus conveniens est. Elige nunc ex
tribus quam velis, et in ea constans permane. Scito autem quamcunque
ingressus fueris: ab immutabili Fato tibi ita destinatum, nec nisi cum
maximo vitae periculo regredi fas esse.
Haec sunt quae te suivisse eolvimus: sed heus cave ignores, quanto
cum periculo te huie viae commiseris: nam si te vel minimi delicti
contra Regis nostri leges nosti obnoxium: quaeso dum adhuc licet
pereandem viam, qua accessisti: domum te confer quam citissime.]
Dès que j'eus lu cette inscription, ma joie s'évanouit; et après avoir
chanté si joyeusement je me mis à pleurer amèrement; car je voyais
bien les trois routes devant moi. Je savais qu'il m'était permis d'en
choisir une; mais en entreprenant la route de pierres et de rocs, je
m'exposais à me tuer misérablement dans une chute; en préférant la
voie longue je pouvais m'égarer dans les chemins de traverse ou rester
en route pour toute autre cause dans ce long voyage. Je n'osais pas
espérer non plus, qu'entre mille je serais précisément celui qui pouvait
choisir la voie royale. La quatrième route s'ouvrait également devant
moi; mais elle était tellement remplie de feu et de vapeur que je ne
pouvais en approcher, même de loin.
Dans cette incertitude je réfléchissais s'il ne valait pas mieux renoncer à
mon voyage; d'un part, je considérais mon indignité; mais d'autre part,
le songe me consolait par le souvenir de la délivrance de la tour, sans
que je pusse cependant m'y fier d'une manière absolue. J'hésitais encore
sur le parti à prendre, lorsque mon corps, accablé de fatigue, réclama sa
nourriture. Je pris donc mon pain et le coupai. Alors une colombe,
blanche comme la neige, perchée sur un arbre et dont la présence
m'avait échappée jusqu'à ce moment, me vit et descendit; peut-être en
était-elle coutumière. Elle s'approcha tout doucement de moi et je lui
offris de partager mon repas avec elle; elle accepta, et cela me permit
d'admirer sa beauté, tout à mon aise.
Mais un corbeau noir, son ennemi, nous aperçut; il s'abattit sur la

colombe pour s'emparer de sa part de nourriture, sans prêter la moindre
attention à ma présence. La colombe n'eut d'autre ressource que de fuir
et ils s'envolèrent tous deux vers le midi. J'en fus tellement irrité et
affligé que je poursuivis étourdiment le corbeau insolent et je parcourus
ainsi, sans
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