duquel tant de
pompe avait lui.
Le silence et la nuit s'installèrent en lui,
Comme
dans un caveau dont la clef est perdue.
Dès lors il fut semblable aux
bêtes de la rue,
Et, quand il s'en allait sans rien voir, à travers
Les
champs, sans distinguer les étés des hivers,
Sale, inutile et laid
comme une chose usée,
Il faisait des enfants la joie et la risée.
LA BEAUTE
Je suis belle, ô mortels! comme un rêve de pierre,
Et mon sein, où
chacun s'est meurtri tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un
amour
Eternel et muet ainsi que la matière.
Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris;
J'unis un coeur de
neige à la blancheur des cygnes;
Je hais le mouvement qui déplace les
lignes,
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.
Les poètes, devant mes grandes attitudes.
Que j'ai l'air d'emprunter
aux plus fiers monuments,
Consumeront leurs jours en d'austères
études;
Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants,
De purs miroirs qui font
toutes choses plus belles:
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés
éternelles!
L'IDEAL
Ce ne seront jamais ces beautés de vignettes,
Produits avariés, nés
d'un siècle vaurien,
Ces pieds à brodequins, ces doigts à castagnettes,
Qui sauront satisfaire un coeur comme le mien.
Je laisse, à Gavarni, poète des chloroses,
Soa troupeau gazouillant de
beautés d'hôpital,
Car je ne puis trouver parmi ces pâles roses
Une
fleur qui ressemble à mon rouge idéal.
Ce qu'il faut à ce coeur profond comme un abîme,
C'est vous, Lady
Macbeth, âme puissante au crime,
Rêve d'Eschyle éclos au climat des
autans;
Ou bien toi, grand Nuit, fille de Michel-Ange,
Qui tors paisiblement
dans une pose étrange
Tes appas façonnés aux bouches des Titans!
LE MASQUE
STATUE ALLÉGORIQUE DANS LE GOUT DE LA
RENAISSANCE
A ERNEST CHRISTOPHE
STATUAIRE
Contemplons ce trésor de grâces florentines;
Dans l'ondulation de ce
corps musculeux
L'Elégance et la Force abondent, soeurs divines.
Cette femme, morceau vraiment miraculeux,
Divinement robuste,
adorablement mince,
Est faite pour trôner sur des lits somptueux,
Et
charmer les loisirs d'un pontife ou d'un prince.
--Aussi, vois ce souris fin et voluptueux
Où la Fatuité promène son
extase;
Ce long regard sournois, langoureux et moqueur;
Ce visage
mignard, tout encadré de gaze,
Dont chaque trait nous dit avec un air
vainqueur:
« La Volupté m'appelle et l'Amour me couronne! »
A
cet être doué de tant de majesté
Vois quel charme excitant la
gentillesse donne!
Approchons, et tournons autour de sa beauté.
O blasphème de l'art! ô surprise fatale!
La femme au corps divin,
promettant le bonheur,
Par le haut se termine en monstre bicéphale!
Mais non! Ce n'est qu'un masque, un décor suborneur,
Ce visage
éclairé d'une exquise grimace,
Et, regarde, voici, crispée atrocement,
La véritable tête, et la sincère face
Renversée à l'abri de la face qui
ment.
--Pauvre grande beauté! le magnifique fleuve
De tes pleurs
aboutit dans mon coeur soucieux;
Ton mensonge m'enivre, et mon
âme s'abreuve
Aux flots que la Douleur fait jaillir de tes yeux!
--Mais pourquoi pleure-t-elle? Elle, beauté parfaite
Qui mettrait à ses
pieds le genre humain vaincu,
Quel mal mystérieux ronge son flanc
d'athlète?
--Elle pleure, insensé, parce qu'elle a vécu!
Et parce qu'elle vit! Mais
ce qu'elle déplore
Surtout, ce qui la fait frémir jusqu'aux genoux,
C'est que demain, hélas! il faudra vivre encore!
Demain,
après-demain et toujours!--comme nous!
HYMNE A LA BEAUTE
Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l'abîme,
O Beauté? Ton regard,
infernal et divin,
Verse confusément le bienfait et le crime,
Et l'on
peut pour cela te comparer au vin.
Tu contiens dans ton oeil le
couchant et l'aurore;
Tu répands des parfums comme un soir orageux;
Tes baisers sont un
filtre et ta bouche une amphore
Qui font le héros lâche et l'enfant
courageux.
Sors-tu du gouffre noir ou descends-tu des astres?
Le Destin charmé suit tes jupons comme un chien;
Tu sèmes au
hasard la joie et les désastres,
Et tu gouvernes tout et ne réponds de
rien.
Tu marches sur des morts. Beauté, dont tu te moques;
De tes bijoux
l'Horreur n'est pas le moins charmant,
Et le Meurtre, parmi tes plus
chères breloques,
Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement.
L'éphémère ébloui vole vers toi, chandelle,
Crépite, flambe et dit:
Bénissons ce flambeau!
L'amoureux pantelant incliné sur sa belle
A
l'air d'un moribond caressant son tombeau.
Que tu viennes du ciel ou de l'enfer, qu'importe,
O Beauté! monstre
énorme, effrayant, ingénu!
Si ton oeil, ton souris, ton pied, m'ouvrent
la porte
D'un infini que j'aime et n'ai jamais connu?
De Satan ou de Dieu, qu'importe? Ange ou Sirène,
Qu'importé, si tu
rends,--fée aux yeux de velours,
Rythme, parfum, lueur, ô mon
unique reine!--
L'univers moins hideux et les instants moins lourds?
LA CHEVELURE
O toison, moutonnant jusque sur l'encolure!
O boucles! O parfum
chargé de nonchaloir!
Extase! Pour peupler ce soir l'alcôve obscure
Des souvenirs dormant dans cette chevelure,
Je la veux agiter dans
l'air comme un mouchoir.
La langoureuse Asie et la brûlante Afrique,
Tout un monde lointain,
absent, presque défunt,
Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique!
Comme d'autres esprits voguent sur la musique,
Le mien, ô mon
amour! nage sur ton parfum.
J'irai là-bas où l'arbre et l'homme, pleins de sève,
Se pâment
longuement sous l'ardeur des climats;
Fortes tresses, soyez la houle
qui m'enlève!
Tu contiens,
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