avaient ?té la corde... Par représailles, on prit un homme de la Ville pour le pendre; c'était le brave Lefebvre, le distributeur des poudres au 14 juillet; des femmes ou des hommes déguisés en femmes, le pendirent effectivement au petit clocher; l'une ou l'un d'eux coupa la corde, il tomba, étourdi seulement, dans une salle, vingt-cinq pieds plus bas.
Ni Bailly ni la Fayette n'étaient arrivés. Maillard va trouver l'aide-major général, et lui dit qu'il n'y a qu'un moyen de finir tout, c'est que lui, Maillard, mène les femmes à Versailles. Ce voyage donnera le temps d'assembler des forces. Il descend, bat le tambour, se fait écouter. La figure froidement tragique du grand homme noir fit bon effet dans la Grève; il parut homme prudent, propre à mener la chose à bien. Les femmes, qui déjà partaient avec les canons de la Ville, le proclament leur capitaine. Il se met en tête avec huit ou dix tambours; sept ou huit mille femmes suivaient, quelques centaines d'hommes armés, et enfin, pour arrière-garde, une compagnie des volontaires de la Bastille.
Arrivés aux Tuileries, Maillard voulait suivre le quai, les femmes voulaient passer triomphalement sous l'horloge, par le palais et le jardin. Maillard, observateur des formes, leur dit de bien remarquer que c'était la maison du roi, le jardin du roi; les traverser sans permission, c'était insulter le roi. Il s'approcha poliment du suisse, et lui dit que ces dames voulaient passer seulement, sans faire le moindre dégat. Le suisse tira l'épée, courut sur Maillard, qui tira la sienne... Une portière heureusement frappe à propos d'un baton, le suisse tombe, un homme lui met la ba?onnette à la poitrine. Maillard l'arrête, désarme froidement les deux hommes, emporte la ba?onnette et les épées.
La matinée avan?ait, la faim augmentait. à Chaillot, à Auteuil, à Sèvres, il était bien difficile d'empêcher les pauvres affamées de voler des aliments. Maillard ne le souffrit pas. La troupe n'en pouvait plus à Sèvres; il n'y avait rien, même à acheter; toutes les portes étaient fermées, sauf une, celle d'un malade qui était resté; Maillard se fit donner par lui, en payant, quelques brocs de vin. Puis il désigna sept hommes, et les chargea d'amener les boulangers de Sèvres, avec tout ce qu'ils auraient. Il y avait huit pains en tout, trente-deux livres pour huit mille personnes... On les partagea, et l'on se tra?na plus loin. La fatigue décida la plupart des femmes à jeter leurs armes. Maillard leur fit sentir d'ailleurs que, voulant faire visite au roi, à l'Assemblée, les toucher, les attendrir, il ne fallait pas arriver dans cet équipage guerrier. Les canons furent mis à la queue, et cachés en quelque sorte. Le sage huissier voulait un amener sans scandale, pour dire comme le palais. à l'entrée de Versailles, pour bien constater l'intention pacifique, il donna le signal aux femmes de chanter l'air d'Henri IV.
Les gens de Versailles étaient ravis, criaient: Vivent nos Parisiennes! Les spectateurs étrangers ne voyaient rien que d'innocent dans cette foule qui venait demander secours au roi. Un homme, peu favorable à la Révolution, le Genévois Dumont, qui d?nait au palais des Petites-écuries, et regardait d'une fenêtre, dit lui-même: ?Tout ce peuple ne demandait que du pain.?
L'Assemblée avait été, ce jour-là, fort orageuse. Le roi, ne voulant sanctionner ni la Déclaration des droits, ni les arrêtés du 4 ao?t, répondait qu'on ne pouvait juger des lois constitutives que dans leur ensemble, qu'il y accédait néanmoins, en considération des circonstances alarmantes, et à la condition expresse que le pouvoir exécutif reprendrait toute sa force.
?Si vous acceptez la lettre du roi, dit Robespierre, il n'y a plus de constitution, aucun droit d'en avoir une.? Duport, Grégoire, d'autres députés, parlent dans le même sens. Pétion rappelle, accuse l'orgie des gardes du corps. Un député, qui lui-même avait servi parmi eux, demande, pour leur honneur, qu'on formule la dénonciation, et que les coupables soient poursuivis. ?Je dénoncerai, dit Mirabeau, et je signerai, si l'Assemblée déclare que la personne du roi est la seule inviolable.? C'était désigner la reine. L'Assemblée entière recula: la motion fut retirée; dans un pareil jour, elle e?t provoqué un meurtre.
Mirabeau lui-même n'était pas sans inquiétude pour ses tergiversations. Il s'approche du président, et lui dit à demi-voix: ?Mounier, Paris marche sur nous... croyez-moi, ne me croyez pas, quarante mille hommes marchent sur nous... Trouvez-vous mal, montez au chateau, et donnez-leur cet avis, il n'y a pas une minute à perdre...--Paris marche? dit sèchement Mounier (il croyait Mirabeau un des auteurs du mouvement); eh bien, tant mieux! nous en serons plus t?t république.?
L'Assemblée décide qu'on enverra vers le roi, pour demander l'acceptation pure et simple de la Déclaration des droits. à trois heures, Target annonce qu'une foule se présente aux portes sur l'avenue de Paris.
Tout le monde savait l'événement. Le roi seul ne le savait pas.
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