il y avait quelque chose d'ironique dans l'admiration de son regard, et pour la premi��re fois de ma vie peut-��tre je rougis et sentis de la honte.
Cette honte devint une sorte de souffrance lorsque je vis que Leoni ��tait retourn�� �� la salle de jeu au bout de quelques instants. Il me sembla que j'��tais raill��e et d��daign��e, et j'en eus du d��pit contre ma m��re. Cela ne m'��tait jamais arriv��, et elle s'��tonna de l'humeur que je lui montrai.--Allons, me dit-elle avec un peu de d��pit �� son tour, je ne sais ce que tu as, mais tu deviens laide. Partons.
Elle se levait d��j�� lorsque Leoni traversa vivement la salle et vint l'inviter �� valser. Cet incident inesp��r�� lui rendit la gaiet��; elle me jeta en riant son ��ventail et disparut avec lui dans le tourbillon.
Comme elle aimait passionn��ment la danse, nous ��tions toujours accompagn��es au bal par une vieille tante, soeur a?n��e de mon p��re, qui me servait de chaperon lorsque je n'��tais pas invit��e �� danser en m��me temps que ma m��re. Mademoiselle Agathe, c'est ainsi qu'on appelait ma tante, ��tait une vieille fille d'un caract��re ��gal et froid. Elle avait plus de bon sens que le reste de la famille; mais elle n'��tait pas exemple du penchant �� la vanit��, qui est recueil de tous les parvenus. Quoiqu'elle fit au bal une fort triste figure, elle ne se plaignait jamais de l'obligation de nous y accompagner; c'��tait pour elle l'occasion de montrer dans ses vieux jours de fort belles robes qu'elle n'avait pas eu le moyen de se procurer dans sa jeunesse. Elle faisait donc un grand cas de l'argent; mais elle n'��tait pas ��galement accessible �� toutes les s��ductions du monde. Elle avait une vieille haine contre les nobles, et ne perdait pas une occasion de les d��nigrer et de les tourner en ridicule, ce dont elle s'acquittait avec assez d'esprit.
Fine et p��n��trante, habitu��e �� ne pas agir et �� observer les actions d'autrui, elle avait compris la cause du petit mouvement d'humour que j'avais ��prouv��. Le babillage expansif de ma m��re l'avait instruite de ses intentions sur Leoni, et le visage �� la fois aimable, fier et moqueur du V��nitien lui r��v��lait beaucoup de choses que ma m��re ne comprenait pas.--Vois-tu, Juliette, me dit-elle en se penchant vers moi, voici un grand seigneur qui se moque de nous.
J'eus un tressaillement douloureux. Ce que disait ma tante r��pondait �� mes pressentiments. C'��tait la premi��re fois que j'apercevais clairement sur la figure d'un homme le d��dain de notre bourgeoisie. On m'avait accoutum��e �� me divertir de celui que les femmes ne nous ��pargnaient gu��re, et �� le regarder comme une marque d'envie; mais notre beaut�� nous avait jusque-l�� pr��serv��es du d��dain des hommes, et je pensai que Leoni ��tait le plus insolent qui e?t jamais exist��. Il me fit horreur, et quand, apr��s avoir ramen�� ma m��re �� sa place, il m'invita pour la contredanse suivante, je le refusai fi��rement. Sa figure exprima un tel ��tonnement, que je compris �� quel point il comptait sur un bon accueil. Mon orgueil triompha, et je m'assis aupr��s de ma m��re en d��clarant que j'��tais fatigu��e. Leoni nous quitta en s'inclinant profond��ment �� la mani��re des Italiens, et en jetant sur moi un regard de curiosit�� o�� per?ait toujours la moquerie de son caract��re.
Ma m��re, ��tonn��e de ma conduite, commen?a �� craindre que je ne fusse capable d'une volont�� quelconque. Elle me parla doucement, esp��rant qu'au bout de quelque temps je consentirais �� danser et que Leoni m'inviterait de nouveau; mais je m'obstinai �� rester �� ma place. Au bout d'une heure, nous entend?mes �� diverses reprises, dans le bourdonnement vague du bal, le nom de Leoni; quelqu'un dit en passant pr��s de nous que Leoni perdait six cents louis.--Tr��s-bien! dit ma tante d'un ton sec; il fera bien de chercher une belle fille �� marier avec une belle dot!
--Oh! il n'a pas besoin de cela, reprit une autre personne, il est si riche!
--Tenez, ajouta une troisi��me, le voil�� qui danse; voyez s'il a l'air soucieux.
Leoni dansait en effet, et son visage n'exprimait pas la moindre inqui��tude. Il se rapprocha ensuite de nous, adressa des fadeurs �� ma m��re avec la facilit�� d'un homme du grand monde, et puis essaya de me faire dire quelque chose en m'adressant des questions indirectes. Je gardai un silence obstin��, et il s'��loigna d'un air indiff��rent. Ma m��re, d��sesp��r��e, m'emmena.
Pour la premi��re fois elle me gronda, et je la boudai. Ma tante me donna raison et d��clara que Leoni ��tait un impertinent et un mauvais sujet. Ma m��re, qui n'avait jamais ��t�� contrari��e �� ce point, se mit �� pleurer, et j'en fis autant.
Ce fut par ces petites agitations que l'approche de Leoni et de la funeste destin��e qu'il m'apportait commen?a �� troubler
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