de fer ne garderaient pas jalousement le secret.
«Comment établissons-nous que Coxward se trouvait à Londres dans la
nuit du 1er au 2 avril.
«De la façon la plus simple et sans que nous ayons eu besoin de nous
renseigner en haut lieu. Disons en passant qu'il est en vérité trop facile
de se contenter d'informations toutes faites, sans se donner la moindre
peine pour en contrôler l'exactitude.
«Nous avouons être plus sceptiques et préférer autant que possible le
libre examen à la foi.
«C'était, non pas à Paris, mais à Londres que nous devions porter nos
investigations, et ainsi nous avons agi.
«Or, ce que ne pouvait nous apprendre un fil télégraphique, si direct
fût-il avec la capitale de l'Angleterre, c'est que le 2 avril au matin, le
nom de Coxward le boxeur figurait, en un entrefilet de très petits
caractères, parmi les nouvelles sans importance, dans un petit journal
paraissant dans le quartier d'Islington et nous y lûmes ceci:
--_Cette nuit, un scandale a éclaté dans une de ces Tavernes mal famées
qui pullulent dans Liverpool-Road. Un boxeur, nommé Coxward, et
dont les exploits ont déjà défrayé plusieurs fois la chronique judiciaire,
avait été engagé pour un assaut de boxe à Shadow's-Bar, tenu par un
certain Pat O'Kearn, Irlandais._
«_L'assistance se composait de gens du bas peuple et les paris
s'établissaient avec des pence plutôt qu'avec des livres, ou même des
shillings. La performance d'ailleurs ne valait pas davantage et le
combat provoquait plus de huées que d'applaudissements. Le nommé
Coxward était, d'ailleurs, parfaitement ivre et pouvait à peine se tenir
sur ses jambes. Si bien qu'il avait été plusieurs fois knocked out, sous
les railleries du public..._
«_Comme, vers une heure du matin, il devenait certain qu'il était
incapable de tenir le coup, il déclara qu'il en avait assez et qu'il s'en
allait, ce que tout le monde accepta par des applaudissements railleurs.
Coxward, qui était hébété par la fatigue et par l'ivresse, entra dans la
chambre voisine du parlour afin de reprendre ses vêtements._
«_Un de ses adversaires, qui le connaissait pour sujet à caution, conçut
tout à coup un soupçon et brusquement entra dans la pièce où Coxward
se rhabillait et le surprit au moment où, ayant fini sa toilette, le
misérable fouillait les poches des autres vêtements, s'emparait d'une
montre en or et filait par la fenêtre du rez-de-chaussée._
«_L'homme se jeta sur lui pour le retenir; mais Coxward se dégagea et
se rua dehors. Aux cris du volé, les clients du Shadow's-Bar
s'élancèrent à sa poursuite et alors commença une véritable chasse à
l'homme._
«_Coxward avait une assez forte avance, de plus il connaissait
admirablement le quartier, où de nombreuses lanes se coupent et
s'enchevêtrent. Il s'était lancé dans la direction de Highbury et
finalement il parvint à dépister ses poursuivants et disparut._
«_Plainte a été portée contre Coxward, qui ne tardera pas à tomber
encore une fois sous la main de la justice._»
* * * * *
«C'était un fait divers banal, mais qui dans la circonstance prenait une
importance singulière.
«Coxward, volant une montre à une heure du matin à Shadow's-Bar,
dans un quartier éloigné de Londres, jouissait-il donc du don d'ubiquité
à un tel degré qu'il pût en même temps se trouver à Paris, aux environs
de la place de la Concorde.
«Il ne s'agissait plus que de vérifier:
«1º Si le fait mentionné dans le petit journal en question était réel;
«2º Si le jour et la date mentionnés étaient exacts;
«3º S'il n'existait aucun doute sur la personnalité du nommé Coxward.
«Notre collaborateur Labergère, à qui nous avions confié cette enquête,
se mit immédiatement en rapport avec un des plus notables solicitors de
Londres, Edwin Battleworth, demeurant à Temple-street, Lincoln' Inns
Fields, qui procéda à une information régulière et recueillit les
témoignages indispensables, avec toutes les garanties de sincérité que
confère la loi. Les témoins ci-après ont été entendus sous serment:
«1º Pat O'Kearn, Irlandais, tenancier de la taverne du Shadow's-Bar;
«2º Mrs O'Kearn, née O'Keeffe;
«3º Gailbraith, pugiliste;
«4º Bloxham, boucher.
«Plus sept autres habitués de la taverne en question et appartenant à la
classe ouvrière.
«Et tous ont déclaré:
«Que Coxward était, sans aucun doute, l'individu qui avait boxé à
Shadow's-Bar, avait volé une montre et avait été poursuivi;
«Que tous le connaissaient de longue date et qu'aucune méprise n'était
possible ni même supposable;
«Que l'incident raconté par le journal était vrai dans tous ses détails;
«Enfin que la scène s'était bien passée entre onze heures du soir 1er
avril et une heure du matin, 2 avril.
«Ces documents--dont l'authenticité ne saurait être mise en doute--sont
affichés dans notre salle des dépêches: le public parisien peut ainsi
juger du bien fondé des critiques discourtoises dont certains
concurrents--dépités--avaient cru devoir nous accabler. Cette revanche
de la vérité contre le
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