tiens le pari de quatre mille livres....
--Et si vous les perdiez! Le Reporter n'aurait pas osé porter ce défi, s'il n'était en possession de documents sérieux.
--Monsieur, j'ai dit ce que j'ai dit. Ces journalistes sont d'infames menteurs, et s'il le faut, je leur ferai rentrer leurs impostures dans la gorge.
Il salua, tourna sur ses talons et sortit.
--Cet homme para?t de bonne foi, pensait M. Davaine. Les renseignements fournis sur lui par l'ambassade anglaise sont de tout premier ordre, et pourtant, je dois me l'avouer à moi-même, je ne suis pas tranquille.
En effet, il n'y avait pas à se dissimuler que cette erreur, si elle était prouvée, couvrirait de ridicule non seulement le détective anglais,--ce qui n'avait aucune importance--mais la police fran?aise, ce qui était infiniment plus grave, surtout pour M. Davaine dont la position était assez menacée.
Aussi, on comprend avec quelle impatience le chef de la S?reté attendait le numéro du Reporter; il avait bien cherché le moyen de se procurer d'avance des épreuves de l'article annoncé: mais l'imprimerie était bien gardée et toutes ses tentatives étaient restées infructueuses. Du reste, tout le Paris des curieux et des badauds était en éveil.
La lutte entre les deux journaux rivaux intéressait, sans que d'ailleurs il y e?t sympathie bien caractérisée pour l'un plut?t que pour l'autre. On aime à voir les gens échanger des horions, sans se soucier de préjuger à qui restera la victoire.
Aussi, à cinq heures moins le quart, il y avait foule sur le boulevard: le temps était très doux et les terrasses des cafés étaient envahies.
Les camelots vendaient un placard intitulé: _La vérité sur l'affaire Coxward_, que certains na?fs achetaient, croyant y trouver le mot de l'énigme. Or, ce n'était qu'une réclame pour un cirage nouveau.
Enfin, les premiers porteurs du Reporter sortirent de l'imprimerie de la rue du Croissant et, criant la feuille attendue, se ruèrent à travers la foule.
On arrachait les feuilles encore humides des mains de ces gens qui avaient peine à en percevoir le prix. Il est vrai que par compensation certains les soldaient de pièces blanches dont ils ne trouvaient pas loisir de rendre la monnaie.
La manchette était sensationnelle:
COXWARD EST VIVANT
C'était court, mais décisif.
Puis plus bas:
M. Bobby a perdu cent mille francs!
Et sous ces rubriques à grand tam-tam on lisait ceci:
--Nous avons re?u de M. Bobby, l'illustre, l'impeccable détective anglais, une lettre dans laquelle il nous déclare accepter le pari de cent mille francs que nous avons porté. C'est à notre grand regret, en raison de l'entente cordiale, que nous faisons signifier à M. Bobby, une sommation d'avoir à verser aux pauvres de Paris, c'est-à-dire entre les mains de M. Mesureur, l'éminent directeur de l'Assistance publique, la somme en question dont re?u lui sera délivré.
?Car, deux faits seront établis plus loin.
?L'un d'abord, qui ne peut être contesté, c'est que le cadavre de la victime inconnue a été trouvé au pied de l'Obélisque le 2 avril à cinq heures du matin....
?Le second dont les preuves sont indiscutables....
?C'est que le nommé Coxward, boxeur de profession, se trouvait le 1er avril, entre minuit et une heure du matin (c'est-à-dire pendant la nuit du 1er au 2) dans une taverne à l'enseigne du Shadow's-Bar (Bar de l'ombre), Liverpool-Road, Islington.
?Islington est, on le sait, un des faubourgs de Londres.
?Si donc Coxward était à une heure du matin dans Liverpool-Road, pour admettre qu'il p?t être pendu dans cette même nuit à cinq heures à la grille de l'Obélisque, il faudrait établir qu'on peut venir de Londres à Paris en quatre heures, sans parler du temps nécessaire pour se faire assassiner et qu'il existe à cette heure un train, Nord ou Ouest, opérant cette prouesse de rapidité vertigineuse, faits dont évidemment les compagnies de chemin de fer ne garderaient pas jalousement le secret.
?Comment établissons-nous que Coxward se trouvait à Londres dans la nuit du 1er au 2 avril.
?De la fa?on la plus simple et sans que nous ayons eu besoin de nous renseigner en haut lieu. Disons en passant qu'il est en vérité trop facile de se contenter d'informations toutes faites, sans se donner la moindre peine pour en contr?ler l'exactitude.
?Nous avouons être plus sceptiques et préférer autant que possible le libre examen à la foi.
?C'était, non pas à Paris, mais à Londres que nous devions porter nos investigations, et ainsi nous avons agi.
?Or, ce que ne pouvait nous apprendre un fil télégraphique, si direct f?t-il avec la capitale de l'Angleterre, c'est que le 2 avril au matin, le nom de Coxward le boxeur figurait, en un entrefilet de très petits caractères, parmi les nouvelles sans importance, dans un petit journal paraissant dans le quartier d'Islington et nous y l?mes ceci:
--_Cette nuit, un scandale a éclaté dans une de ces Tavernes mal famées qui pullulent dans Liverpool-Road. Un boxeur, nommé Coxward, et dont les exploits ont déjà défrayé plusieurs fois la
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