se promener.? Ma m��re avait raison, je l'ai vu depuis. C'est tout �� fait ridicule, de demander o�� m��nent les chemins. Ils vous conduisent toujours o�� vous devez aller.
Mon grand-p��re... C'est un ancien avou��, �� la bouche sans l��vres, aux yeux narquois, qui dit toujours que le Code est formel.
-- Le Code est formel.
Le geste est fac��tieux; l'intonation est cruelle. La main s'ouvre, les doigts ��cart��s, la paume dilat��e comme celle d'un charlatan qui vient d'escamoter la muscade. La voix siffle, tranche, diss��que la phrase, d��sarticule les mots, incise les voyelles, fait des ligatures aux consonnes.
-- Le Code est formel!
J'��coute ?a, plein d'une sombre admiration pour l'autorit�� souveraine et myst��rieuse du Code, un peu terrifi�� aussi -- et en mangeant mes ongles. -- C'est une habitude que rien n'a pu me faire perdre, ni les choses am��res dont on me barbouille les doigts, quand je dors, et qui me font faire des grimaces au r��veil, ni les exhortations, ni les r��primandes; mais mon, grand-p��re, en un clin d'oeil, m'en a radicalement corrig��.
-- Il ne faut pas manger tes ongles, m'a-t-il dit. Il ne faut pas manger tes ongles parce qu'ils sont �� toi. Si tu aimes les ongles, mange ceux des autres, si tu veux et si tu peux; mais les tiens sont ta propri��t��, et ton devoir est de conserver ta propri��t��.
J'ai ��cout�� mon grand-p��re et j'ai perdu ma mauvaise habitude. Peut-��tre que le Code est formel, pour les ongles.
J'ai voulu m'en assurer, un, jour, quand j'ai ��t�� plus grand; voir aussi ce que c'est que ce livre qui r��sume la sagesse des ages et condense l'exp��rience de l'humanit��, qui d��cide du fas et du nefas, qui promulgue des interdictions et sugg��re des conseils, qui fait la tranquillit�� des bons et la terreur des m��chants.
On m'avait envoy��, pendant les vacances, passer quelques jours chez mon grand-p��re. Une apr��s-midi, j'ai pu m'introduire sans bruit dans la biblioth��que, saisir un Code, le cacher sous ma blouse et me r��fugier, sans ��tre vu, derri��re le feuillage d'une tonnelle, tout au fond du jardin.
Avec quel battement de coeur j'ai pos�� le volume sur la table rustique du berceau! Avec quelles transes d'��tre surpris avant d'avoir pu boire �� ma soif �� la source de justice et de v��rit��, avec quels espoirs inexprimables et quels pressentiments indicibles! Le voile qui me cache la vie va se d��chirer tout d'un coup, je le sens; je vais savoir le pourquoi et le comment de l'existence de tous les ��tres, conna?tre les liens qui les attachent les uns aux autres, les causes profondes de l'harmonie qui pr��side aux rapports des hommes, p��n��trer les bienfaisants effets de ce progr��s que rien n'arr��te, de cette civilisation dont j'apprends �� m'enorgueillir. Non, Ali-Baba n'a point ��prouv��, en p��n��trant dans la caverne des quarante voleurs, des tressaillements plus profonds que ceux qui m'agitent en ouvrant le livre sacr��! Non, ��ve n'a pas cueilli le fruit d��fendu, au jardin d'Eden, avec une ��motion plus grande; le Tentateur ne lui avait parl�� qu'une seule fois de la saveur de la pomme -- et il y a si longtemps, moi, que j'entends chanter la gloire du Code, du Code qui est formel!
Je lis. Je lis avec acharnement, avec fi��vre. Je lis le Contrat de louage, le R��gime dotal, beaucoup d'autres choses comme ?a. Et je ne sens pas monter en moi le feu de l'enthousiasme, et je ne suis point envahi par cette exaltation fr��n��tique que j'attendais aux premi��res lignes. Mais ?a va venir, je le sais, pourvu que je ne me d��courage pas, que je pers��v��re, que j'aille jusqu'au bout. Du courage!?Le mur mitoyen...?
-- Qu'est-ce que tu fais l��?
Mon grand-p��re est devant moi. Il est entr�� sans que j'aie pu m'en apercevoir, tellement j'��tais absorb��.
--Il y a deux heures que je te cherche. Qu'est-ce que tu fais? Tu lis? Qu'est-ce que tu lis?
-- Je lis le Code!
�� quoi bon nier? Le livre est l��, grand ouvert sur la table, t��moin muet, mais irr��cusable, de ma curiosit�� perverse. Mon grand-p��re sourit.
-- Tu lis le Code! ?a t'amuse, de lire le Code? ?a t'int��resse?
Je fais un geste vague. ?a ne m'amuse pas, certainement: mais ?a m'int��resserait sans aucun doute, si l'on me laissait continuer. Telle est, du moins, mon opinion. Opinion sans valeur, mon grand- p��re me le d��montre imm��diatement.
-- Pour lire le Code, mon ami, il ne suffit pas de savoir lire; il faut savoir lire le Code. Ce qu il faut lire, dans ce livre-l��, ce n'est pas le noir, l'imprim��; c'est le blanc, c'est ?a...
Et il pose son doigt sur la marge.
Tr��s vex��, je ferme brusquement le volume. Mon grand-p��re sourit encore.
-- il faut avoir des ��gards pour ce livre, mon enfant. Il est respectable. Dans cinquante ans, c'est tout ce qui restera de la Soci��t��.
Bon, bon. Nous verrons ?a.
J'ai un autre
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