me suis d��cid��. -- Je le garde, le manuscrit. Je le garde ou, plut?t? je le vole -- comme je l'ai ��crit plus haut et comme l'avait ��crit, d'avance, le sieur Randal. -- Tant pis pour lui; tant pis pour moi. Je sais ce que ma conscience me reproche; mais il n'est pas mauvais qu'on rende la pareille aux filous, de temps en temps. En fait de respect de la propri��t��, que Messieurs les voleurs commencent -- pour qu'on sache o�� ?a finira.
Finir! C'est ce livre, que je voudrais bien avoir fini; ce livre que je n'ai pas ��crit, et que je tente vainement de r��crire. J'aurais ��t�� si heureux d'��tendre, cette prose, comme le corps d'un malandrin, sur le chevalet de torture! de la tailler, de la rogner, de la fouetter de commentaires implacables -- de placer des phrases s��v��res en enluminures et des conclusions vengeresses en culs-de-lampe! -- J'aurais voulu moraliser -- moraliser �� tour de bras. -- C'aurait ��t�� si beau, n'est-ce pas? un bon jugement, rendu par un bon magistrat, qui e?t envoy�� le voleur dans une bonne prison, pour une bonne paire d'ann��es! J'aurais voulu mettre le repentir �� c?t�� du forfait, le remords en face du crime -- et aussi parler des prisons, pour en dire du bien ou du mal (je l'ignore.) -- J'ai essay��; pas pu. Je ne sais point comment il ��crit, ce Voleur-l��; mes phrases n'entrent pas dans les siennes.
Il m'aurait fallu d��molir le manuscrit d'un bout �� l'autre, et le reconstruire enti��rement; mais je manque d'exp��rience pour ces choses-l��. Qu'on ne m'en garde pas rancune.
Une chose qu'on me reprochera, pourtant -- et avec raison, je le sais, -- c'est de n'avoir point introduit un personnage, un ancien ��l��ve de l'��cole Polytechnique, par exemple, qui, tout le long du volume, aurait dit son fait au Voleur. Il aurait suffi de le faire appara?tre deux ou trois fois par chapitre et, en v��rit��, -- �� condition de ne changer son costume que de temps �� autre -- rien ne m'e?t ��t�� plus facile.
Mais, r��flexion faite, je n'ai pas voulu cr��er ce personnage sympathique. Apr��s avoir ��chou�� dans ma premi��re tentative, j'ai refus�� d'en risquer une seconde. Et puis, si vous voulez que je vous le dise, je me suis aper?u qu'il y avait l��-dedans une question de conscience.
Moi qui ai vol�� le Voleur, je ne puis gu��re le fl��trir. Que d'autres, qui n'ont rien �� se reprocher -- au moins �� son ��gard -- le stigmatisent �� leur gr��; je n'y vois point d'inconv��nient. Mais, moi, je n'en ai pas le droit. Peut-��tre.
Georges Darien.
Londres, 1896.
I -- AURORE
Mes parents ne peuvent plus faire autrement.
Tout le monde le leur dit. On les y pousse de tous les c?t��s. Mme Dubourg a laiss�� entendre �� ma m��re qu'il ��tait grand temps; et ma tante Augustine, en termes voil��s, a mis mon p��re au pied du mur.
-- Comment! des gens �� leur aise, dans une situation commerciale superbe, avec une sant�� florissante, vivre seuls? Ne pas avoir d'enfant? De gueux, de gens qui vivent comme l'oiseau sur la branche, sans lendemains assur��s, on comprend ?a. Mais, sapristi!... Et la fortune amass��e, o�� ira-t-elle? Et les bons exemples �� l��guer, le fruit de l'exp��rience �� d��poser en mains s?res?... Voyons, voyons, il vous, faut un enfant -- au moins un. -- R��fl��chissez-y.
Le m��decin s'en m��le:
-- Mais, oui; vous ��tes encore assez jeune; pourtant, il serait peut-��tre imprudent d'attendre davantage.
Le cur�� aussi:
-- Un des premiers pr��ceptes donn��s �� l'homme...
Que voulez-vous r��pondre �� ?a?
-- Oui, oui, il vous faut un enfant.
Eh! bien, puisque tout le monde le veut, c'est bon: ils en auront un.
Ils l'ont.
Je me pr��sente -- tr��s bien (j'en ai conserv�� l'habitude) -- un matin d'avril, sur le coup de dix heures un quart.
-- Je m'en souviendrai toute ma vie, disait plus tard Agla��, la cuisini��re; il faisait un temps magnifique et le barom��tre marquait: variable.
Quel pr��sage!
Et l��-dessus, si vous voulez bien, nous allons passer plusieurs ann��es.
Qu'est-ce que vous diriez, �� pr��sent, si j'apparaissais �� vous en costume de coll��gien? Vous diriez que ma tunique est trop longue, que mon pantalon est trop court, que mon k��pi me va mal, que mes doigts sont tach��s d'encre et que j'ai l'air d'un serin.
Peut-��tre bien. Mais ce que vous ne diriez pas, parce que c'est difficile �� deviner, m��me pour les grandes personnes, c'est que je suis un ��l��ve mod��le: je fais l'honneur de ma classe et la joie de ma famille. On vient de loin, tous les ans, pour me voir couronner de papier vert, et m��me de papier dor��; le ban et l'arri��re-ban des parents sont convoqu��s pour la circonstance. Solennit�� majestueuse! C��r��monie imposante! La robe d'un professeur enfante un discours latin et les broderies d'un fonctionnaire ��tincellent sur un discours fran?ais. Les p��res applaudissent majestueusement.
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