Le vicomte de Bragelonne, Tome III. | Page 6

Alexandre Dumas
et, reconnaissant le roi, elle s��esquiva.
�� cette vue, La Valli��re, de son c?t��, se redressa comme une morte galvanis��e et retomba sur son fauteuil.
Le roi s��avan?a lentement vers elle.
-- Vous voulez une audience, mademoiselle, lui dit-il avec froideur, me voici pr��t �� vous entendre. Parlez.
De Saint-Aignan, fid��le �� son r?le de sourd, d��aveugle et de muet, de Saint-Aignan s����tait plac��, lui, dans une encoignure de porte, sur un escabeau que le hasard lui avait procur�� tout expr��s.
Abrit�� sous la tapisserie qui servait de porti��re, adoss�� �� la muraille m��me, il ��couta ainsi sans ��tre vu, se r��signant au r?le de bon chien de garde qui attend et qui veille sans jamais g��ner le ma?tre. La Valli��re, frapp��e de terreur �� l��aspect du roi irrit��, se leva une seconde fois, et, demeurant dans une posture humble et suppliante:
-- Sire, balbutia-t-elle, pardonnez-moi.
-- Eh! mademoiselle, que voulez-vous que je vous pardonne? demanda Louis XIV.
-- Sire, j��ai commis une grande faute, plus qu��une grande faute, un grand crime.
-- Vous?
-- Sire, j��ai offens�� Votre Majest��.
-- Pas le moins du monde, r��pondit Louis XIV.
-- Sire, je vous en supplie, ne gardez point vis-��-vis de moi cette terrible gravit�� qui d��c��le la col��re bien l��gitime du roi. Je sens que je vous ai offens��, Sire; mais j��ai besoin de vous expliquer comment je ne vous ai point offens�� de mon plein gr��.
-- Et d��abord, mademoiselle, dit le roi, en quoi m��auriez-vous offens��? Je ne le vois pas. Est-ce par une plaisanterie de jeune fille, plaisanterie fort innocente? Vous vous ��tes raill��e d��un jeune homme cr��dule: c��est bien naturel; toute autre femme �� votre place e?t fait ce que vous avez fait.
-- Oh! Votre Majest�� m����crase avec ces paroles.
-- Et pourquoi donc?
-- Parce que, si la plaisanterie f?t venue de moi, elle n��e?t pas ��t�� innocente.
-- Enfin, mademoiselle, reprit le roi, est-ce l�� tout ce que vous aviez �� me dire en me demandant une audience?
Et le roi fit presque un pas en arri��re.
Alors La Valli��re, avec une voix br��ve et entrecoup��e, avec des yeux dess��ch��s par le feu des larmes, fit �� son tour un pas vers le roi.
-- Votre Majest�� a tout entendu? dit-elle.
-- Tout, quoi?
-- Tout ce qui a ��t�� dit par moi au ch��ne royal?
-- Je n��en ai pas perdu une seule parole, mademoiselle.
-- Et Votre Majest��, lorsqu��elle m��eut entendue, a pu croire que j��avais abus�� de sa cr��dulit��.
-- Oui, cr��dulit��, c��est bien cela, vous avez dit le mot.
-- Et Votre Majest�� n��a pas soup?onn�� qu��une pauvre fille comme moi peut ��tre forc��e quelquefois de subir la volont�� d��autrui?
-- Pardon, mais je ne comprendrai jamais que celle dont la volont�� semblait s��exprimer si librement sous le ch��ne royal se laissat influencer �� ce point par la volont�� d��autrui.
-- Oh! mais la menace, Sire!
-- La menace!... Qui vous mena?ait? qui osait vous menacer?
-- Ceux qui ont le droit de le faire, Sire.
-- Je ne reconnais �� personne le droit de menace dans mon royaume.
-- Pardonnez-moi, Sire, il y a pr��s de Votre Majest�� m��me des personnes assez haut plac��es pour avoir ou pour se croire le droit de perdre une jeune fille sans avenir, sans fortune, et n��ayant que sa r��putation.
-- Et comment la perdre?
-- En lui faisant perdre cette r��putation par une honteuse expulsion.
-- Oh! mademoiselle, dit le roi avec une amertume profonde, j��aime fort les gens qui se disculpent sans incriminer les autres.
-- Sire!
-- Oui, et il m��est p��nible, je l��avoue, de voir qu��une justification facile, comme pourrait l����tre la v?tre, se vienne compliquer devant moi d��un tissu de reproches et d��imputations.
-- Auxquelles vous n��ajoutez pas foi alors? s����cria La Valli��re.
Le roi garda le silence.
-- Oh! dites-le donc! r��p��ta La Valli��re avec v��h��mence.
-- Je regrette de vous l��avouer, r��p��ta le roi en s��inclinant avec froideur.
-- La jeune fille poussa une profonde exclamation, et, frappant ses mains l��une dans l��autre:
-- Ainsi vous ne me croyez pas? dit-elle.
Le roi ne r��pondit rien.
Les traits de La Valli��re s��alt��r��rent �� ce silence.
-- Ainsi vous supposez que moi, moi! dit-elle, j��ai ourdi ce ridicule, cet infame complot de me jouer aussi imprudemment de Votre Majest��?
-- Eh! mon Dieu! ce n��est ni ridicule ni infame, dit le roi; ce n��est pas m��me un complot: c��est une raillerie plus ou moins plaisante, voil�� tout.
-- Oh! murmura la jeune fille d��sesp��r��e, le roi ne me croit pas, le roi ne veut pas me croire.
-- Mais non, je ne veux pas vous croire.
-- Mon Dieu! mon Dieu!
-- ��coutez: quoi de plus naturel, en effet? Le roi me suit, m����coute, me guette; le roi veut peut-��tre s��amuser �� mes d��pens, amusons-nous aux siens, et, comme le roi est un homme de coeur, prenons-le par le coeur.
La Valli��re cacha sa t��te dans ses mains en ��touffant un sanglot. Le roi continua impitoyablement; il se vengeait sur la pauvre victime de tout ce qu��il avait
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