Le vicomte de Bragelonne, Tome I. | Page 8

Alexandre Dumas
Son ��minence para?t jouir d'une bonne sant��, monseigneur.
-- Ses ni��ces l'accompagnent sans doute?
-- Non, monseigneur; Son ��minence a ordonn�� �� Mlles de Mancini de partir pour Brouage. Elles suivent la rive gauche de la Loire pendant que la cour vient par la rive droite.
-- Quoi! Mlle Marie de Mancini quitte aussi la cour? demanda Monsieur, dont la r��serve commen?ait �� s'affaiblir.
-- Mlle Marie de Mancini surtout, r��pondit discr��tement Raoul.
Un sourire fugitif, vestige imperceptible de son ancien esprit d'intrigues brouillonnes, ��claira les joues pales du prince.
-- Merci, monsieur de Bragelonne, dit alors Monsieur; vous ne voudrez peut-��tre pas rendre �� M. le prince la commission dont je voudrais vous charger, �� savoir que son messager m'a ��t�� fort agr��able; mais je le lui dirai moi-m��me. Raoul s'inclina pour remercier Monsieur de l'honneur qu'il lui faisait.
Monseigneur fit un signe �� Madame, qui frappa sur un timbre plac�� �� sa droite.
Aussit?t M. de Saint-Remy entra, et la chambre se remplit de monde.
-- Messieurs, dit le prince, Sa Majest�� me fait l'honneur devenir passer un jour �� Blois; je compte que le roi, mon neveu, n'aura pas �� se repentir de la faveur qu'il fait �� ma maison.
-- Vive le roi! s'��cri��rent avec un enthousiasme fr��n��tique les officiers de service, et M. de Saint-Remy avant tous.
Gaston baissa la t��te avec une sombre tristesse; toute sa vie, il avait d? entendre ou plut?t subir ce cri de: ?Vive le roi!? qui passait au-dessus de lui. Depuis longtemps, ne l'entendant plus, il avait repos�� son oreille, et voil�� qu'une royaut�� plus jeune, plus vivace, plus brillante, surgissait devant lui comme une nouvelle, comme une plus douloureuse provocation.
Madame comprit les souffrances de ce coeur timide et ombrageux; elle se leva de table, Monsieur l'imita machinalement, et tous les serviteurs, avec un bourdonnement semblable �� celui des ruches, entour��rent Raoul pour le questionner.
Madame vit ce mouvement et appela M. de Saint-Remy.
-- Ce n'est pas le moment de jaser, mais de travailler, dit-elle avec l'accent d'une m��nag��re qui se fache.
M. de Saint-Remy s'empressa de rompre le cercle form�� par les officiers autour de Raoul, en sorte que celui-ci put gagner l'antichambre.
-- On aura soin de ce gentilhomme, j'esp��re, ajouta Madame en s'adressant �� M. de Saint-Remy.
Le bonhomme courut aussit?t derri��re Raoul.
-- Madame nous charge de vous faire rafra?chir ici, dit-il; il y a en outre un logement au chateau pour vous.
-- Merci, monsieur de Saint-Remy, r��pondit Bragelonne. Vous savez combien il me tarde d'aller pr��senter mes devoirs �� M. le comte mon p��re.
-- C'est vrai, c'est vrai, monsieur Raoul, pr��sentez-lui en m��me temps mes bien humbles respects, je vous prie.
Raoul se d��barrassa encore du vieux gentilhomme et continua son chemin.
Comme il passait sous le porche tenant son cheval par la bride, une petite voix l'appela du fond d'une all��e obscure.
-- Monsieur Raoul! dit la voix.
Le jeune homme se retourna surpris, et vit une jeune fille brune qui appuyait un doigt sur ses l��vres et qui lui tendait la main. Cette jeune fille lui ��tait inconnue.
Chapitre III -- L'entrevue
Raoul fit un pas vers la jeune fille qui l'appelait ainsi.
-- Mais mon cheval, madame, dit-il.
-- Vous voil�� bien embarrass��! Sortez; il y a un hangar dans la premi��re cour, attachez l�� votre cheval et venez vite.
-- J'ob��is, madame.
Raoul ne fut pas quatre minutes �� faire ce qu'on lui avait recommand��; il revint �� la petite porte, o��, dans l'obscurit��, il revit sa conductrice myst��rieuse qui l'attendait sur les premiers degr��s d'un escalier tournant.
-- ��tes-vous assez brave pour me suivre, monsieur le chevalier errant? demanda la jeune fille en riant du moment d'h��sitation qu'avait manifest�� Raoul.
Celui-ci r��pondit en s'��lan?ant derri��re elle dans l'escalier sombre. Ils gravirent ainsi trois ��tages, lui derri��re elle, effleurant de ses mains, lorsqu'il cherchait la rampe, une robe de soie qui fr?lait aux deux parois de l'escalier. �� chaque faux pas de Raoul, sa conductrice lui criait un _chut!_ s��v��re et lui tendait une main douce et parfum��e.
-- On monterait ainsi jusqu'au donjon du chateau sans s'apercevoir de la fatigue, dit Raoul.
-- Ce qui signifie, monsieur, que vous ��tes fort intrigu��, fort las et fort inquiet; mais rassurez-vous, nous voici arriv��s.
La jeune fille poussa une porte qui, sur-le-champ, sans transition aucune, emplit d'un flot de lumi��re le palier de l'escalier au haut duquel Raoul apparaissait, tenant la rampe. La jeune fille marchait toujours, il la suivit; elle entra dans une chambre, Raoul entra comme elle. Aussit?t qu'il fut dans le pi��ge, il entendit pousser un grand cri, se retourna, et vit �� deux pas de lui, les mains jointes, les yeux ferm��s, cette belle jeune fille blonde, aux prunelles bleues, aux blanches ��paules, qui, le reconnaissant, l'avait appel�� Raoul.
Il la vit et devina tant d'amour, tant de bonheur dans l'expression de ses yeux, qu'il se laissa tomber �� genoux tout au milieu de la chambre, en murmurant de
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