Le vicomte de Bragelonne, Tome I. | Page 6

Alexandre Dumas
qui avait amen�� ce jeune homme, le soldat revint sur ses pas en disant:
-- Pardon, mon gentilhomme, mais votre nom, s'il vous pla?t?
-- Le vicomte de Bragelonne, de la part de Son Altesse M. le prince de Cond��.
Le soldat fit un profond salut, et, comme si ce nom du vainqueur de Rocroi et de Lens lui e?t donn�� des ailes, il gravit l��g��rement le perron pour gagner les antichambres.
M. de Bragelonne n'avait pas eu le temps d'attacher son cheval aux barreaux de fer de ce perron, que M. de Saint-Remy accourut hors d'haleine, soutenant son gros ventre avec l'une de ses mains, pendant que de l'autre il fendait l'air comme un p��cheur fend les flots avec une rame.
-- Ah! monsieur le vicomte, vous �� Blois! s'��cria-t-il; mais c'est une merveille! Bonjour, monsieur Raoul, bonjour!
-- Mille respects, monsieur de Saint-Remy.
-- Que Mme de La Vall... je veux dire que Mme de Saint-Remy va ��tre heureuse de vous voir! Mais venez. Son Altesse Royale d��jeune, faut-il l'interrompre? la chose est-elle grave?
-- Oui et non, monsieur de Saint-Remy. Toutefois, un moment de retard pourrait causer quelques d��sagr��ments �� Son Altesse Royale.
-- S'il en est ainsi, for?ons la consigne, monsieur le vicomte. Venez. D'ailleurs, Monsieur est d'une humeur charmante aujourd'hui. Et puis, vous nous apportez des nouvelles, n'est-ce pas?
-- De grandes, monsieur de Saint-Remy.
-- Et de bonnes, je pr��sume?
-- D'excellentes.
-- Venez vite, bien vite, alors! s'��cria le bonhomme, qui se rajusta tout en cheminant.
Raoul le suivit son chapeau �� la main, et un peu effray�� du bruit solennel que faisaient ses ��perons sur les parquets de ces immenses salles.
Aussit?t qu'il eut disparu dans l'int��rieur du palais, la fen��tre de la cour se repeupla, et un chuchotement anim�� trahit l'��motion des deux jeunes filles; bient?t elles eurent pris une r��solution, car l'une des deux figures disparut de la fen��tre: c'��tait la t��te brune; l'autre demeura derri��re le balcon, cach��e sous les fleurs, regardant attentivement, par les ��chancrures des branches, le perron sur lequel M. de Bragelonne avait fait son entr��e au palais.
Cependant l'objet de tant de curiosit�� continuait sa route en suivant les traces du ma?tre d'h?tel. Un bruit de pas empress��s, un fumet de vin et de viandes, un cliquetis de cristaux et de vaisselle l'avertirent qu'il touchait au terme de sa course.
Les pages, les valets et les officiers, r��unis dans l'office qui pr��c��dait le r��fectoire, accueillirent le nouveau venu avec une politesse proverbiale en ce pays; quelques-uns connaissaient Raoul, presque tous savaient qu'il venait de Paris, On pourrait dire que son arriv��e suspendit un moment le service. Le fait est qu'un page qui versait �� boire �� Son Altesse, entendant les ��perons dans la chambre voisine, se retourna comme un enfant, sans s'apercevoir qu'il continuait de verser, non plus dans le verre du prince, mais sur la nappe.
Madame, qui n'��tait pas pr��occup��e comme son glorieux ��poux, remarqua cette distraction du page.
-- Eh bien! dit-elle.
M. de Saint-Remy, qui introduisait sa t��te par la porte, profita du moment.
-- Pourquoi me d��rangerait-on? dit Gaston en attirant �� lui une tranche ��paisse d'un des plus gros saumons qui aient jamais remont�� la Loire pour se faire prendre entre Paimboeuf et Saint- Nazaire.
-- C'est qu'il arrive un messager de Paris. Oh! mais, apr��s le d��jeuner de Monseigneur, nous avons le temps.
-- De Paris! s'��cria le prince en laissant tomber sa fourchette; un messager de Paris, dites-vous? Et de quelle part vient ce messager?
-- De la part de M. le prince, se hata de dire le ma?tre d'h?tel.
On sait que c'est ainsi qu'on appelait M. de Cond��.
-- Un messager de M. le prince? fit Gaston avec une inqui��tude qui n'��chappa �� aucun des assistants, et qui par cons��quent redoubla la curiosit�� g��n��rale.
Monsieur se crut peut-��tre ramen�� au temps de ces bienheureuses conspirations o�� le bruit des portes lui donnait des ��motions, o�� toute lettre pouvait renfermer un secret d'��tat, o�� tout message servait une intrigue bien sombre et bien compliqu��e. Peut-��tre aussi ce grand nom de M. le prince se d��ploya-t-il sous les vo?tes de Blois avec les proportions d��un fant?me.
Monsieur repoussa son assiette.
-- Je vais faire attendre l'envoy��? demanda M. de Saint-Remy.
Un coup d'oeil de Madame enhardit Gaston, qui r��pliqua:
-- Non pas, faites-le entrer sur-le-champ, au contraire. �� propos, qui est-ce?
-- Un gentilhomme de ce pays, M. le vicomte de Bragelonne.
-- Ah! oui, fort bien!... Introduisez, Saint-Remy, introduisez.
Et lorsqu'il eut laiss�� tomber ces mots avec sa gravit�� accoutum��e, Monsieur regarda d'une certaine fa?on les gens de son service, qui tous pages, officiers et ��cuyers, quitt��rent la serviette, le couteau, le gobelet, et firent vers la seconde chambre une retraite aussi rapide que d��sordonn��e. Cette petite arm��e s'��carta en deux files lorsque Raoul de Bragelonne, pr��c��d�� de M. de Saint-Remy, entra dans le r��fectoire. Ce court moment de solitude dans lequel cette retraite l'avait laiss�� avait permis �� Monseigneur
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