Le sorcier de Meudon | Page 6

Éliphas Lévi
choy�� �� sa table. Point n'a besoin d'��tre baptis��, pour ��tre chr��tien, depuis les noces de Cana; mais au contraire, ��tant l'eau pure perfectionn��e et rendue plus divine, il doit servir au bapt��me de l'homme int��rieur! L'eau est le signe du repentir, le vin est celui de la grace; l'eau purifie, le vin fortifie. L'eau, ce sont les larmes, le vin, c'est la joie. L'eau arrose la vigne, et la vigne arrose les moines qui sont la vigne spirituelle du Seigneur. Vous voyez donc bien que les amis de la perfection doivent pr��f��rer le vin �� l'eau, et le bapt��me int��rieur au bapt��me ext��rieur.
--Voil�� un bon propos d'ivrogne, dit le prieur, moiti�� riant, moiti�� voulant moraliser!
--Sur ce, dit fr��re Fran?ois, permettez-vous que je vous fasse quinaut? Dites-moi, je vous prie, ce que c'est qu'un ivrogne?
--La chose assez d'elle-m��me se comprend. C'est celui qui sait trop bien boire.
--Vous n'y ��tes en aucune mani��re et n'y touchez pas plus qu'un rabbin �� une tranche de jambon. L'ivrogne est celui qui ne sait pas boire et qui, de plus, est incapable de l'apprendre.
--Et comment cela? fit le p��re prieur en allongeant la main pour faire signe qu'on lui rend?t ses besicles, car la chose lui semblait assez curieuse pour ��tre contempl��e �� travers des lunettes.
--Voici, reprit ma?tre Fran?ois en pr��sentant l'objet demand��. Y sont-elles? Bien; je crois qu'elles tiennent �� peu pr��s; maintenant, ��coutez mon argument, qui ne sera ni en barbara ni en celarunt...
--Il sera donc en darii?
--Non.
--En ferio?
--Non.
--En baralipton?
--Non.
--Sera-ce un argument cornu?
--Je ne suis point mari�� et vous ne l'��tes point, que je sache, pourtant mon argument cornu sera-t-il si vous voulez: cornu comme Sil��ne et le bon p��re Bacchus, cornu �� la mani��re du pauvre diable dont Horace parle en disant, �� propos du p��re Liber (c'��tait le p��re g��n��ral des cordeliers du paganisme): Addis cornua pauperi. Ceci n'est pas mati��re de br��viaire.
--Ergo, ceci n'est point propos de moine.
--Distinguo, en tant que science, concedo; en tant que buverie, nego.
--Buverie, soit; mais comment prouvez-vous que l'ivrogne est celui qui ne sait pas boire?
--Patience! bon p��re, j'y ��tais, et vous allez tant?t en conna?tre le tu autem. Mais, d'abord, dites-moi, si bon vous semble, �� quels signes vous reconnaissez un ivrogne?
--Par saint Fran?ois! la chose est facile �� conna?tre. L'ivrogne est celui qui est habituellement ivre, flageolant des jambes, dessinant la route en zigzag, coudoyant les murailles, trimballant et dodelinant de la t��te, grasseyant de la langue; et toujours ce maudit hoquet... et puis n'��coutez pas, monsieur r��ve tout haut: emportez la chandelle, il se couche tout habill��, et honni soit qui mal y pense! C'est affaire �� sa m��nag��re si son matelas crotte tant soit peu ses habits.
--A merveille, p��re prieur! vous le dessinez de main de ma?tre. Mais d'o�� lui viennent, je vous prie, tous ces trimballements, tous ces b��gayements, tous ces ��tourdissements, toutes ces chutes?
--Belle question! De ce qu'il a trop bu.
--Il n'a donc pas su boire assez, et il ne le saura jamais, puisqu'il recommence tous les jours, et que tous les jours il boit trop! Il ne sait donc pas boire du tout; car savoir boire consiste �� boire toujours assez. Dira-t-on du sculpteur qu'il sait tailler la pierre s'il l'entame trop ou trop peu? Celui-l�� est ��galement un mauvais tireur, qui va trop au del�� ou reste trop en de?�� du but: le savoir consiste �� l'atteindre.
--Je n'ai rien �� dire �� cela, repartit le prieur en se grattant l'oreille. Vous ��tes malin comme un singe! Mais changeons de propos, et dites-moi ce qui vous am��ne. Vouliez-vous pas vous confesser? Vous savez que c'est dans trois jours la f��te du grand saint Fran?ois.
--Confesser? et de quoi? et pourquoi me confesserais-je! Ne l'ai-je pas fait ce matin, comme tous les jours, en plein chapitre, en disant le confiteor? Dire tout haut que j'ai beaucoup p��ch�� en pens��es, en paroles, en actions et en omissions, n'est-ce pas tout ce que la loi d'humilit�� requiert? Eh! puis-je savoir davantage et sp��cifier ce que Dieu seul peut conna?tre? Le d��tail de nos imperfections n'appartient-il pas �� la science de la perfection infinie? N'est-il pas ��crit au livre des psalmes: Delicta quis intelligit? Ne serais-je pas bien orgueilleux de pr��tendre me juger moi-m��me, lorsque la loi et la raison me d��fendent de juger mon prochain? Et cependant est-il de fait que des d��fauts et p��ch��s du prochain, bien plus clairvoyants investigateurs et juges plus assur��s sommes-nous que des n?tres, attendu que dans les yeux des autres pouvons-nous lire imm��diatement et sans miroir?
--Saint Fran?ois! qu'est ceci! s'��cria le p��re prieur. L'examen de conscience et l'accusation des p��ch��s sont-ce pratiques d��raisonnables? A genoux, mon fr��re, et accusez-vous tout d'abord d'avoir eu cette mauvaise pens��e.
--Vous jugez ma pens��e, mon p��re, et vous la trouvez mauvaise; moi je ne la juge point, mais je la
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