la longueur du corridor: un moine de haute taille, ayant de grands traits r��guliers, une bouche fine et spirituelle, entour��e d'une barbe blonde qui se frisait en fils d'or, des yeux pensifs et malicieux, s'approcha de la porte du prieur: la figure boudeuse du fr��re Lubin s'��panouit en le voyant, et il lui fit un joyeux signe de t��te, tout en mettant un doigt sur sa bouche, comme pour faire comprendre au nouveau venu qu'ils ne devaient pas se parler.
C'��tait le fr��re m��decin.
Il sourit �� la mine embarrass��e du novice et fit �� fr��re Paphnuce une profonde r��v��rence en plissant l��g��rement le coin des yeux et en relevant les coins de sa bouche, ce qui lui fit faire la plus moqueuse et la plus spirituelle grimace qu'il f?t possible d'imaginer.
Fr��re Paphnuce ne fit pas semblant de le voir, et poussant devant lui le novice, qui regardait encore ma?tre Fran?ois par-dessus son ��paule, il descendit �� la chapelle et arriva encore �� temps pour naziller une longue antienne dont le chantre le gratifia d��s son retour au choeur. Quant �� fr��re Lubin, il fourra ses mains dans les manches de sa robe, baissa les yeux, pin?a les l��vres et songea �� ce qu'il voulut.
II
MA?TRE FRAN?OIS
Le p��re prieur ��tait donc, ainsi que nous l'avons dit, en oraison de qui��tude; son menton rembourr�� de graisse assurant l'��quilibre de sa t��te, marmotant par intervalles et babinottant des l��vres, comme s'il e?t remach�� quelque r��ponse, �� la mani��re des enfants qui s'endorment en su?ant une drag��e: son gros br��viaire glissant peu �� peu de dessus ses genoux, comme un poupon qui s'ennuie des caresses d'une vieille femme, et les bienheureuses besicles aussi aventur��es sur le gros livre que Dindenaut le fut plus tard en s'accrochant �� la laine de son gros b��lier.
Toutes ces choses en ��taient l�� lorsque ma?tre Fran?ois, apr��s avoir pr��alablement frapp�� deux ou trois petits coups, entr'ouvrit discr��tement la porte, et arriva tout �� propos pour rattraper les besicles et le br��viaire. Il prit l'un doctoralement, chaussa magistralement les autres sur son nez, o�� elles s'��tonn��rent de tenir bien, et tournant la page, il continua le pseaume o�� le prieur l'avait laiss��:
Vanum est vobis ante lucem surgere; surgite postquam sederitis, qui manducatis panem doloris, qu��m dederit dilectis suis somnum.
En achevant ce verset, fr��re Fran?ois ��tendit gravement la main sur la t��te du prieur et lui donna une b��n��diction comique.
Le bon p��re ��tait vermeil �� plaisir, il ronflait �� faire envie et remuait doucement les l��vres.
Le fr��re m��decin, comme homme qui connaissait les bonnes cachettes, souleva le rideau poudreux de la biblioth��que �� laquelle le fauteuil du dormeur ��tait adoss��, plongea la main entre deux rayons et la ramena victorieuse, arm��e d'un large flacon de vin; sans lacher le gros br��viaire, il d��boucha le flacon avec les dents, en flaira le contenu, hocha la t��te d'un air satisfait, puis approchant doucement le goulot des l��vres du p��re, il y fit couler goutte �� goutte la divine liqueur.
Le prieur alors poussa un grand soupir, et, sans ouvrir les yeux, renversa sa t��te en arri��re pour ne rien perdre, puis avec autant de ferveur qu'un nourrisson �� jeun prend et ��treint la mamelle de sa nourrice, il leva les bras et prit �� deux mains le flacon, que ma?tre Fran?ois lui abandonna, puis il but, comme on dit, �� tire-larigot.
--Beatus vir!... continua le fr��re m��decin en reprenant la lecture de son br��viaire.
Le gros prieur ouvrit alors des yeux tout ��tonn��s, et regardant alternativement son flacon et ma?tre Fran?ois d'un air ��bahi... il ne pouvait rien comprendre �� sa position et se croyait ensorcel��.
--Avalez, bon p��re, ce sont herbes; et grand bien vous fasse! dit le fr��re Fran?ois, du plus grand s��rieux. La crise est pass��e, �� ce qu'il me para?t, et nous commen?ons �� nous mieux porter.
--Mon Dieu! dit le moine en se tatant le ventre, je suis donc malade!
--Buvez le reste de ce julep, dit le fr��re en frappant sur le flacon, et la maladie passera.
--Que veut dire ceci?
--Que nous avons chang�� de br��viaire. Le v?tre vous endort, le mien vous r��veille. Je dis pour vous l'office divin, et vous faites pour moi l'office du vin: n'��tes-vous pas le mieux partag��?
--Ma?tre Fran?ois! ma?tre Fran?ois! je vous l'ai d��j�� dit souvent, si le p��re Paphnuce nous entendait, vous nous feriez un mauvais parti: �� vous, pour parler ainsi, et �� moi pour vous ��couter. Vos propos sentent l'h��r��sie.
--Eh quoi! se r��cria le fr��re, le bon vin est-il h��r��tique? Serait-ce parce qu'il n'est pas baptis��? Qu'il p��risse en ce cas, le tra?tre, et que notre gosier soit son tombeau! Mais rassurez-vous, bon p��re, il ne troublera point notre estomac; il peut y dormir en terre sainte; il est catholique et ami des bons catholiques; onc ne fut-il excommuni�� du pape, mais au contraire bien re?u et
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