Le songe dune nuit dété | Page 7

Shakespeare Apocrypha
la
verdure[12]; Les plus hautes primevères[13] sont ses favorites: Vous
voyez des taches sur leurs robes d'or. Ces taches sont les rubis, les
bijoux des fées, C'est dans ces taches que vivent leurs sucs odorants. Il
faut que j'aille recueillir ici quelques gouttes de rosée, Et que je
suspende là une perle aux pétales de chaque primevère. Adieu, esprit
lourd, je te laisse. Notre reine et toutes nos fées viendront dans un

moment.
[Note 12: Ce sont les cercles que les fées, disait-on, traçaient sur le
gazon, dont la brillante verdure provenait du soin qu'elles prenaient de
l'arroser.]
[Note 13: Fleur favorite des fées.]
PUCK.--Le roi donne ici sa fête cette nuit: prends garde que la reine ne
vienne s'offrir à sa vue; car Oberon est outré de fureur de ce qu'elle
compte dans sa suite un charmant petit garçon dérobé à un roi de l'Inde.
Jamais elle n'eut un aussi joli enfant; et le jaloux Oberon voudrait
l'avoir pour en faire son page, et parcourir avec lui les vastes forêts;
mais elle retient malgré lui l'enfant chéri, le couronne de fleurs et fait
de lui toute sa joie. Depuis ce moment, ils ne se rencontrent plus dans
les bosquets, sur le gazon, près de la limpide fontaine, et à la clarté des
étoiles brillantes, qu'ils ne se querellent avec tant de fureur, que toutes
les fées effrayées se glissent dans les coupes des glands pour s'y cacher.
LA FÉE.--Ou je me trompe bien sur votre tournure et vos façons, ou
vous êtes un esprit fripon, malin, qu'on appelle Robin Bon-Diable.
N'est-ce pas vous qui effrayez les jeunes filles de village, qui écrémez
le lait, et quelquefois tournez le moulin à bras? N'est-ce pas vous qui
tourmentez la ménagère fatiguée de battre le beurre en vain, et qui
empêchez le levain de la boisson de fermenter? N'est-ce pas vous qui
égarez les voyageurs dans la nuit, et riez de leur peine? Mais ceux qui
vous appellent Hobgoblin, aimable Puck, vous faites à ceux-là leur
ouvrage, et leur portez bonne chance. Dites, n'est-ce pas vous?
PUCK.--Vous devinez juste: je suis ce joyeux esprit errant de là-haut;
je fais rire Oberon par mes tours, lorsque, en imitant les hennissements
d'une jeune cavale, je trompe un cheval gras et nourri de fèves.
Quelquefois je me tapis dans la tasse d'une commère, sous la forme
d'une pomme cuite; et lorsqu'elle vient à boire, je saute contre ses
lèvres, et répand sa bière sur son sein flétri; la plus vénérable tante, en
contant la plus triste histoire, me prend quelquefois pour un tabouret à
trois pieds: soudain, je me glisse sous elle; elle tombe à terre, elle crie:
tailleur[14], et la voilà prise d'une toux convulsive; alors toute

l'assemblée se tient les côtés, éclate de rire, redouble de joie, éternue et
jure que jamais on n'a passé là d'heure plus joyeuse. Mais, place, belle
fée; voici Oberon.
[Note 14: La coutume de crier tailleur à la vue d'une chute sur le dos,
vient de ce qu'un homme qui glisse en arrière de sa chaise tombe
comme un tailleur, les jambes croisées sur son établi.]
LA FÉE.--Ah! voici ma maîtresse, que n'est-il parti!

SCÈNE II
OBERON entre avec sa suite par une porte, et TITANIA _avec la
sienne entre par l'autre._
OBERON.--Malheureuse rencontre, de te trouver au clair de la lune,
fière Titania.
TITANIA.--Comment, jaloux Oberon?--Fées, sortons d'ici: j'ai renoncé
à sa couche et à sa compagnie.
OBERON.--Arrête, téméraire infidèle! Ne suis-je pas ton époux?
TITANIA.--Alors je dois être ton épouse. Mais je sais le jour que tu t'es
dérobé du pays des fées, et que, sous la figure du berger Corin, tu es
resté assis tout le jour, soupirant sur des chalumeaux, et parlant en vers
de ton amour à la tendre Phillida. Pourquoi es-tu revenu des monts les
plus reculés de l'Inde? Ce n'est, certainement, que parce que la robuste
amazone, ta maîtresse en brodequins, ton amante guerrière, doit être
mariée à Thésée; tu viens pour donner le bonheur et la joie à leur
couche nuptiale?
OBERON.--Comment n'as-tu pas honte, Titania, de parler
malicieusement de mon amitié pour Hippolyte, sachant que je suis
instruit de ton amour pour Thésée? Ne l'as-tu pas conduit dans la nuit à
la lueur des étoiles, loin des bras de Périgyne qu'il avait enlevée? Et ne
lui as-tu pas fait violer sa foi donnée à la belle Églé, à Ariadne, à

Antiope[15]?
[Note 15: On sait que Thésée fut un des plus braves chevaliers errants
de la mythologie grecque, mais qu'il ne se piquait pas de fidélité envers
les dames.]
TITANIA.--Ce sont là des inventions de la jalousie. Jamais, depuis le
solstice de l'été, nous ne nous sommes rencontrés sur les collines, dans
les vallées, dans les forêts, dans les prairies, auprès des claires fontaines,
ou des ruisseaux bordés de joncs,
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