une gravit��...
--C'est qu'il s'agit r��ellement de choses tr��s graves. Ecoute-moi bien. Tu sais, comme tout le monde, que ma m��re veut me donner pour femme sa pupille, Mlle Juliette de Persant. Elle ne m'avait jamais parl�� ouvertement de ce mariage; mais elle vient de me faire conna?tre son esp��rance, la plus ch��re de toutes ses esp��rances, m'��crit-elle... Elle a retir�� sa pupille du couvent de Rennes o�� s'achevait son ��ducation; elle n'a pas eu le courage de se priver encore d'elle jusqu'aux grandes vacances. Et elles m'attendent, toutes deux, �� Angoville... o�� je ne me rendrai cependant pas, en ce moment; car... je ne peux pas ��pouser cette enfant!
--Parlerais-tu s��rieusement? Tu me fais peur!
--Si s��rieusement, r��pondit Villepreux avec un grand calme, que j'avais song�� �� aller te trouver en Afrique, pour te confier mes projets. Tu es le seul ami �� qui je puisse ouvrir mon coeur. Dans les circonstances cruelles de la vie, on a besoin, sinon de demander des conseils, qu'on ne suit g��n��ralement pas, du moins de dire ses angoisses...
--Est-il possible que tu n'aimes pas Mlle de Persant?
--Je l'aime, Henri, mais comme on peut aimer une enfant qu'on a fait sauter sur ses genoux, dont on a guid�� les premiers pas, dont on a pris l'habitude de se consid��rer comme le protecteur... C'est moi, je te donne l�� un d��tail enfantin mais qui te fera tout comprendre, c'est moi qui lui ai montr�� ses lettres quand elle a appris �� lire... J'aime Juliette, oui! mais pas comme on doit aimer sa femme!
--Ton affection deviendrait bien vite de l'amour...
--Non! d��clara ��nergiquement Villepreux. Il y a un an encore, j'aurais raisonn�� comme toi, parce que, il y a un an, je ne connaissais pas l'amour... le v��ritable amour!...
Lentement, Brettecourt pronon?a:
--Jean, tu aimes une m��chante femme!
Villepreux devint bl��me.
--Tu parles sans savoir, murmura-t-il; oui, j'aime!... Tu conna?tras tout �� l'heure l'histoire de mon amour; mais, laisse-moi d'abord m'occuper de toi, de Juliette... Ton coeur est libre, n'est-ce pas?
--Parbleu! fit l��g��rement Brettecourt.
--Eh bien, suppose qu'il n'ait jamais exist�� de projet de mariage entre Juliette et moi, et qu'on veuille te la donner! Entre toi et moi, il ne saurait exister aucune susceptibilit��; or, je n'��pouserai jamais Juliette; elle est riche, noble, belle; elle sera courtis��e pour son argent; son mariage ressemblerait alors �� tous les mariages de notre monde et serait par suite mauvais. Ce serait un remords terrible pour moi. Toi, tu n'as plus grand'chose, puisque ton pauvre p��re est mort ruin��; mais je sais qu'aucun sentiment d'int��r��t n'influerait sur ta volont��; tu es le seul homme que je veuille pour le mari de Juliette, le seul qui assurera son bonheur...
--Mais si elle t'aime d��j��?
--Affection de soeur, ami! Et tu n'auras qu'�� para?tre, �� te montrer tel que tu es, si bon, si brave, si g��n��reux, portant si dignement ton grand nom; et la ch��re enfant t'aura bien vite ouvert son coeur... Vois-tu, il se passe en moi des choses si graves que je m'imagine parfois que je pourrais mourir; et alors, je veux unir les deux ��tres que j'aime le plus au monde apr��s ma m��re!...
--Et... cette femme? interrogea anxieusement Brettecourt.
--Oh! elle! s'��cria Villepreux en lui serrant violemment la main, il y a des moments o�� je crois que je l'aime plus que tout, plus que ma m��re elle-m��me!
Brettecourt fut boulevers�� par l'animation de son ami.
--Villepreux, quand un amour est si violent, il faut le craindre. Un amour qui peut diminuer l'affection d'un fils tel que toi!... Ami, il faut arracher un tel amour de ton coeur! Tu avais raison: je reviens �� propos pour lutter contre toi-m��me!
--Arracher mon amour de mon coeur? fit Villepreux, avec un regard jet�� vers le ciel; tu en arracherais plut?t la vie! Pour la seconde fois, tu viens de blamer, d'insulter presque mon amour... Si tu savais! Tu ne connais que ces coquettes du grand monde ou du mauvais--elles sont aussi dangereuses les unes que les autres--qui passent leur vie �� se moquer de nous, et dont l'amour malsain suffit �� empoisonner toute une existence. Mais, Brettecourt, j'aime une jeune fille, noble et belle malgr�� l'obscurit�� de sa naissance... Et cet amour durera toute ma vie, puisque, en quelques mois, il m'a compl��tement transform��...
Villepreux demeura quelques minutes immobile, silencieux. Puis il reprit:
--Oui... Je vivais, insouciant de tout, songeant simplement �� bien assurer le bonheur de ma m��re, et, pour toutes les autres choses de la vie, me laissant aller au courant habituel; je n'avais jamais r��fl��chi �� l'avenir... Je n'avais jamais song�� au mariage. Je vivais heureux, ou plut?t me croyant heureux, libre, indiff��rent... quand tout �� coup cet amour a p��n��tr�� en moi, faisant de moi un homme. Jusqu'au jour, vois-tu, o�� une femme s'est donn��e �� vous, n'ayant plus confiance qu'en vous, ne comptant plus que sur vous, on n'est qu'un enfant!

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