Le sergent Renaud | Page 5

Pierre Sales
m��re ch��rie.
--Dans quelle abominable situation suis-je tomb��! murmura-t-il encore.
Et il ��tait tout ab?m�� dans ses r��flexions, lorsque de joyeuses exclamations retentirent; et, au bruit des chaises remu��es, des cris, des saluts, il lui fut ais�� de deviner qu'un membre du cercle, absent depuis longtemps, venait d'arriver. Il se dirigea vers le grand salon et demeura tout stup��fait, en apercevant un lieutenant de chasseurs �� pied, entour�� de membres du cercle, �� qui il distribuait gaiement des poign��es de main. Puis il pronon?a:
--Brettecourt! Ah! qu'il arrive �� propos!--Henri!
Le lieutenant se pr��cipita aussit?t vers lui les bras tendus:
--Jean!
Pendant une minute, les deux hommes se tinrent embrass��s. Et les autres membres du cercle, sachant la vive amiti�� qui unissait le comte Henri de Brettecourt au marquis de Villepreux, les laiss��rent seuls.
--Toi, �� Paris! s'��criait Jean. Sans m'avoir pr��venu!
--Envoy�� tout �� coup par mon g��n��ral pour faire un rapport au ministre, je n'avais gu��re le temps d'��crire...
--Ah! tu arrives bien, Brettecourt!
--Encore quelque duel?
--Non. Des choses plus graves... Tu as un cong�� de?...
--D'un mois.
--Et tu ne me quittes plus?
--Tu sais bien que je n'ai plus d'autre famille que toi!
--Commen?ons par d��jeuner; car je suppose que tu rapportes d'Afrique un app��tit...
--Terrible!... La cuisine des B��douins ne vaut d��cid��ment pas celle du cercle...
Quelques instants apr��s, les deux amis ��taient install��s dans un coin de la salle �� manger, �� une table �� part, et pouvaient causer librement.
Le lieutenant comte de Brettecourt ressemblait ��trangement �� son ami Villepreux. Comme lui, il ��tait grand, brun, ��nergique; il n'y avait entre eux de diff��rence que pour les yeux: ceux de Brettecourt ��tait bleus, d'un bleu clair, per?ant, des yeux qui, sans lunette d'approche, malgr�� les mirages du d��sert, d��couvraient l'ennemi �� des distances insens��es, motif qui le faisait r��guli��rement placer en t��te des colonnes. Ses yeux, en ce moment, paraissaient d'autant plus clairs, que sa peau ��tait brunie, hal��e.
--Je vois que tu as pris leur teint �� tes amis les Arabes, dit Villepreux en riant.
--Nous leur avons pris tant de choses! fit Brettecourt en vidant un verre de ce pontet-canet qu'on appelle, au club de l'Union, le cru des ambassadeurs.
Brettecourt avait en effet l'habitude d'enlever beaucoup de choses �� l'ennemi. Et, d'une derni��re affaire, il avait rapport�� les galons de lieutenant et le ruban rouge.
--Mes compliments! lui dit Villepreux en lui montrant sa boutonni��re.
--Bah! fit modestement Brettecourt; je t'assure que je n'ai pas eu grand mal...
--Enfin, conte-moi tout de m��me la chose...
--Oh! c'est toujours la m��me histoire: des imb��ciles d'Arabes, auxquels un fanatique de marabout a mont�� la t��te, et qui s'imaginent qu'ils n'ont qu'�� lever l'��tendard de la r��volte pour vaincre la France; un tourbillon de cavaliers qui court sur nos avant-postes, et une compagnie de chasseurs �� pied qui passe �� travers en promenade militaire, avec agr��ment de coups de feu: c'est tout simple. Le sergent Blandan nous a donn�� l'exemple.
--Les h��ros trouvent toujours que c'est tout simple d'��tre des h��ros!
--Mais en voil�� assez sur mon compte! Parlons de toi, des tiens! Je sais que ta m��re est d��j�� partie pour Angoville, et je sais m��me que tu as re?u une lettre d'elle ce matin...
--Tu es donc pass�� chez moi?
--Aussit?t que j'ai eu vu le ministre. Le devoir d'abord, ensuite l'amiti��. Je n'ai rencontr�� que ton fr��re...
--Ton ami? dit en souriant le marquis.
--Non, fit involontairement Brettecourt, le fr��re de mon ami, et c'est tout. Que veux-tu? Je n'ai jamais sympathis�� avec lui. Cela date de loin; il t'a jou�� tant de vilains tours!
--Il faut pardonner �� Honor��, r��pliqua vivement le marquis. Il est venu au monde avec un caract��re un peu triste...
--Oh! mais il m'a re?u d'une fa?on charmante, s'��cria Brettecourt, d��sireux d'effacer la peine qu'il venait de faire �� ce noble coeur de Villepreux; et nous avons longuement caus�� de toi.
--De moi?
--De qui donc aurions-nous parl��? De telle sorte qu'avant m��me de t'avoir vu, je suis renseign��, et tr��s exactement, sur tout ce que tu as fait depuis mon dernier cong��... sur la grande sagesse qui s'est empar��e de toi tout d'un coup, sur la m��lancolie qui a succ��d�� �� ta folle ga?t�� d'autrefois, pr��ludant bien au grand acte que tu vas accomplir... Et je n'attends plus qu'un mot de toi, pour te complimenter sur ton mariage: Mlle de Persant est une adorable jeune fille; et il n'y a qu'une m��re comme la tienne pour vous tenir en r��serve un pareil bijou.
--Mlle de Persant a donc su conqu��rir une petite place dans ton coeur?
--Une grande, mon ami, puisqu'elle sera ta femme: je l'ai vue, plusieurs fois, �� Angoville, pendant les vacances; et si la jeune fille a tenu ce que promettait l'enfant...
--Oui, elle est de tous points accomplie, d��clara Villepreux; et je suis heureux, tr��s heureux que ton opinion sur elle soit si flatteuse.

III
LA CONFIDENCE
--Mais o�� diable veux-tu en venir? s'��cria Brettecourt tr��s surpris. Tu parles avec
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