Le sergent Renaud | Page 7

Pierre Sales
Le v��ritable amour vous fait comprendre la vie avec tous ses devoirs, toutes ses difficult��s, mais aussi avec ses bonheurs profonds, durables, certains!... Si tu connaissais celle qui l'a caus��, tu me comprendrais mieux! C'est une simple ouvri��re, une pauvre petite ouvri��re en lingerie! Ses parents appartenaient �� la bourgeoisie; mais ils sont morts, la laissant, elle et sa grand'm��re, avec qui elle vit, dans un ��tat voisin de la mis��re. La jeune fille que j'aime, moi, Jean d'Angoville, marquis de Villepreux, moi qui poss��de des millions, est une simple ouvri��re. Je l'aime depuis plusieurs mois; _et elle est toujours une simple ouvri��re_. Pour elle, d'ailleurs, je ne suis pas le marquis de Villepreux, mais un modeste ��tudiant, qui l'��pousera apr��s avoir pris son titre de docteur en droit. Ce vieux roman du Lion amoureux, qui te semblera peut-��tre bien banal, a chang�� toutes mes pens��es. La puret�� de sentiments qui nous a d'abord unis contrastait si vivement avec les l��g��res amours que j'avais eues jusque-l��, qu'il n'a fallu que quelques jours pour me montrer l'inanit�� du bonheur mondain... J'ai pass�� des heures d��licieuses dans les deux chambrettes qui servent de logement �� la grand'm��re et �� la petite-fille... Et, un jour de folie, j'ai abus�� de sa douceur, de son innocence; et depuis, nous sommes unis par le plus sacr��, le plus respectable de tous les liens...
--Un enfant?
--Qui na?tra dans quelques mois!--Ah! quand elle m'annon?a cela, elle pleurait d'abord... Elle tremblait �� l'id��e d'avouer �� sa grand'm��re la faute commise... Et puis, peut-��tre y avait-il aussi, dans son esprit, une crainte vague que cela ne refroid?t ma tendresse... Je la rassurai bien vite: cet enfant, ce fils--mon coeur me dit que c'est un fils--portera mon nom! Me blamerais-tu, Brettecourt?
--Moi! Te blamer de faire ton devoir d'honn��te homme?
--Ah! que ta parole me fait de bien!
--Mais je l'aimerai, ton fils! s'��cria Brettecourt entra?n��. Quelque chose me dit, �� moi aussi, que ce sera un fils!
--Cette nouvelle, vois-tu, m'a boulevers��. Il m'a sembl�� que ce n'��tait pas seulement dans son sein, mais dans le mien en m��me temps, que notre enfant tressaillait. J'��tais p��re, Brettecourt! Aucune parole au monde ne peut exprimer ce que j'ai ressenti. J'aurais voulu l'annoncer publiquement, fi��rement! Et j'ai d? me taire; c'est ma seule souffrance...
--Et ta m��re?
--Ah! ma m��re!... Je n'ai pas os�� lui avouer la v��rit��, de m��me que je n'osais plus retourner chez ma fianc��e, avant que cette situation ait ��t�� compl��tement d��nou��e... Je n'osais m��me plus ��crire �� la pauvre enfant, ne sachant que lui dire, n'ayant plus la force de mentir!...
--Je crois bien conna?tre ta m��re, dit Brettecourt: elle aimera l'enfant. Pourrait-elle ne pas aimer ce qui vient de toi?... Mais la m��re de l'enfant!...
--Je ne les s��parerai jamais l'un de l'autre! d��clara noblement Villepreux. Et tu arrives au moment o�� je prends pour cela les dispositions n��cessaires: j'allais ��crire �� ma m��re; c'est toi qui iras lui parler en mon nom...
--Je pr��f��rerais que tu m'ordonnes d'enlever trois drapeaux �� l'ennemi; cependant je ferai ce que tu voudras.
--Depuis que je sais que je suis p��re, que j'ai pu cr��er une vie nouvelle, j'ai pens�� �� la mort, reprit Villepreux avec une gravit�� m��lancolique. Je suis s?r que toi, qui vis continuellement en face d'elle, tu n'y as jamais r��fl��chi autant que moi...
--Je t'avoue que je n'y songe jamais beaucoup!
--Tandis que c'est une pens��e constante chez moi: je me dis sans cesse que je puis mourir tout �� coup, sottement, en tombant de cheval, ou en me battant en duel... Tiens, notre camarade Vauchelles est un brave et charmant gar?on; mais il m'ennuie en se moquant, depuis quelques jours, de ma m��lancolie; que je lui r��ponde un mot d��sagr��able, il prendra la mouche, et il est de premi��re force �� l'��p��e... Tout cela n'est pas probable; mais enfin je pense sans cesse �� la mort, et j'ai voulu pr��venir ce qui se passerait apr��s. Mon notaire a re?u l'ordre de pr��parer mon testament; ce testament est pr��t, sauf les noms, que je lui donnerai cet apr��s-midi: je veux, par un acte authentique, reconna?tre d'avance mon enfant et lui laisser ce que la loi m'autorise �� lui l��guer. Apr��s cela, j'attendrai plus tranquillement l'avenir.
Villepreux s'��tait tu; Brettecourt r��fl��chissait. Il dit enfin:
--Je ne te poserai aucune question injurieuse; il me semble impossible que tu te sois tromp��... qu'on t'ait tromp��! Avant de la conna?tre, j'estime la jeune fille que tu aimes... Je craignais pour toi quelque amour pernicieux, et tu m'aurais alors trouv�� impitoyable. J'irai donc trouver ta m��re; et, bien doucement, bien respectueusement, je l'am��nerai insensiblement, ou du moins je l'essaierai, �� envisager sans col��re ta situation; je serai m��me rus��--on apprend la ruse �� la guerre---je la prendrai par l'enfant... Et puis, l'indulgence des m��res est comme celle de Dieu, si grande!... Peut-��tre ton
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