étage, en arrêt devant tous les jupons de femmes, dont la fatuité pyramidale faisait un splendide gobe-mouche, qui... que...
Une seconde fois, Meuzelin interrompit sa phrase pour s'écrier:
--Non, non, je me trompe encore. Mon nouveau début manque d'intérêt.
Il se cacha le visage dans ses mains en homme qui cherche à coordonner ses idées.
--Ah! ah! fit-il, enfin j'ai mon vrai point de départ! écoutez-moi ?a, comtesse.
Et, d'une voix posée, il poursuivit:
--Il y avait une fois un métayer nommé Cardeuc, à qui son extérieur, des moins séduisants, avait valu le sobriquet de Marcassin.
Elle était déjà bien pale, la jolie dame de Méralec. Au nom de Cardeuc, sa paleur s'accentua pourtant encore. Sans para?tre avoir remarqué l'effet produit, Meuzelin avait continué:
--Depuis deux cents ans, de père en fils, les Cardeuc avaient été les métayers des seigneurs de Brivière. Quand le dernier marquis du nom s'en alla en émigration, rejoindre sa jeune fille qui l'avait précédé en Allemagne, c'était le Cardeuc, le Marcassin, qui exploitait la métairie. Aimait-il beaucoup ses ma?tres, ce descendant de tant de dévoués serviteurs des Brivière? La suite nous le dira.
Peu à peu la comtesse s'était relevée de dessus sa couche et, maintenant, assise au bord de sopha, elle écoutait, immobile comme une statue, son regard fixe et plein d'angoisse, dardé sur le conteur.
--Ce n'est pas encore bien intéressant, comtesse; mais attendez, la suite vous dédommagera, dit Meuzelin, feignant de prendre son attitude pour une pose d'ennui.
Et il continua:
--Les années se passèrent sans que Cardeuc f?t montre du dévouement profond qu'il avait gardé à ses anciens ma?tres dont il ignorait le sort. Enfin, un jour, il leva le masque. Il venait de recevoir d'Allemagne une lettre qui lui apprit ce qu'il était advenu des de Brivière. La fille seule survivait et son isolement était double, car, après s'être mariée, elle était devenue veuve du comte de Méralec, tué au pont de Constance.
Tout souriant, Meuzelin s'interrompit encore pour demander:
--C'est bien là votre histoire que je vous conte, n'est-ce pas, comtesse? Dans votre lettre à Cardeuc, vous lui annonciez qu'ayant obtenu votre radiation de la liste des émigrés, vous alliez rentrer sous le toit de vos pères.
Vous dire quelle fut la joie du brave Marcassin me serait impossible. Son ravissement fut plein d'un égo?sme remarquable, car, oubliant que le pays était ravagé par des bandes de Chauffeurs, il alla faire éclater sa joie bruyante partout, s'étonnant qu'elle ne f?t pas partagée par tous ces malheureux qui avaient un bien autre martel en tête, car ils mouraient de peur.
Une seconde lettre arriva qui précisait à Cardeuc le jour et l'heure où le chateau de la Brivière recevrait la survivante de la famille. Ce retour que le Marcassin alla encore trompeter à tous venants, fut appris avec moins d'indifférence par les habitants, à qui une bonne nouvelle, venue en même temps, avait rendu un peu de tranquillité d'esprit. On affirmait que le gouvernement avait enfin résolu d'en finir avec les bandits, et on ajoutait que le général Labor allait se transporter de Nantes à Ingrande, pour diriger d'un point plus central l'expédition qui devait purger la contrée de Coupe-et-Tranche et de sa bande.
Il advint en tout comme il avait été dit. Lorsque le général Labor arriva à Ingrande, il apprit que depuis trois semaines le chateau de la Brivière était habité par une fort jolie chatelaine.
à ce point, Meuzelin fit une pause en regardant la comtesse.
--Seulement, dit-il en tra?nant ses mots, seulement la gracieuse et jolie chatelaine n'était pas madame de Méralec, attendu que la vraie comtesse, le jour même de son arrivée au pays, avait été assassinée par les bandits de Coupe-et-Tranche, qui avaient fait dispara?tre la tête de leur victime pour que rien ne p?t révéler la substitution qui allait résulter de ce meurtre.
Et Meuzelin, venant se mettre en face de celle qui l'écoutait, articula d'une voix grave:
--J'ai tenu dans mes mains la tête de la vraie comtesse de Méralec.
Le paroxysme de l'épouvante triompha du mutisme obstiné de la comtesse. Elle se dressa debout en s'écriant:
--Vous mentez! Je suis madame de Méralec!
à ce démenti, Meuzelin opposa une moue moqueuse.
--En êtes-vous bien certaine? ricana-t-il.
--Alors, qui suis-je? fit-elle d'un ton d'arrogance.
--?a, dit le policier en haussant les épaules, je n'en sais absolument rien.
Puis, en la regardant dans les yeux, et d'un ton sec:
--Mais, articula-t-il, ce dont je puis pleinement répondre; c'est que tu es la dernière des misérables.
D'un geste impérieux il lui fit signe de se rasseoir en disant:
--écoute la suite, ma fille.
Et il continua:
--Devant cette tête coupée un soup?on étrange m'était venu à l'esprit. Il devint une certitude quand j'eus entendu l'aveu du maréchal de Monciel, un des quatre assassins de la victime. J'acquis la preuve qu'il m'avait dit la vérité, à Angers, au bureau de poste, où n'avait pas été inscrite, sur le livre des départs, la femme qui, à ce relai, avait

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