pris place, dans le coupé, à c?té de l'autre voyageuse qui s'y trouvait depuis Paris.
Avec mes compagnons, je suis parti pour l'Allemagne pendant que tu tr?nais ici en comtesse. Nous avons, trois semaines durant, battu le pays, relevant à la trace les différents endroits que madame de Méralec avait successivement habités. Enfin, à Vienne, dans une famille où elle l'avait laissé pour se rappeler au souvenir d'amis qu'elle avait quittés, j'ai retrouvé son portrait. C'était bien le même visage que celui de la tête coupée.
La voix de Meuzelin, qui s'était émue aux dernières phrases, retrouva son accent ironique et mordant pour reprendre:
--Tu me demandais tout à l'heure de te dire qui tu es. Je puis te répondre en partie, fausse comtesse. Tu es l'instrument et la complice de Coupe-et-Tranche, ou, pour mieux dire, de Cardeuc-le-Marcassin, ce métayer qui a fait assassiner sa ma?tresse pour te faire endosser son personnage. De connivence avec le ma?tre de poste d'Angers, un affilié de la bande, qui ne t'a pas inscrite sur son livre pour dérouter ta piste, tu es montée dans le coupé à Angers, à c?té de celle qui, tu le savais, allait bient?t mourir. L'assassinat accompli, tu n'as eu qu'à laisser faire Cardeuc, qui, deux lieues plus loin, avec d'autres paysans de bonne foi, attendait, au passage, la diligence qui lui amenait sa bonne ma?tresse, la dame de Méralec. Devant tous, il t'a reconnue et ces braves gens qui, dans la femme faite, ne pouvaient se retracer la bambine partie jadis, ont cru aux transports de Cardeuc et t'ont fait cortège jusqu'au chateau de la Brivière.
Et Meuzelin, regardant encore en face celle qu'il venait de démasquer, ajouta:
--Ose me démentir!
Elle haussa les épaules et d'une voix dédaigneuse:
--Puisque tu es en train d'inventer, dit-elle, il te faudrait, en même temps, imaginer le motif de cette substitution. Ce gros drame de ton imagination manque par la base.
Le policier fit entendre son rire gouailleur.
--Diable! reprit-il, je vois, ma fille, qu'il est besoin de te mettre les points sur les i. Allons, soit! ne parlons pas de la fortune de la défunte que, t?t ou tard, Cardeuc avait l'intention d'accaparer... après, je suppose, t'en avoir adjugé ta part. Laissons cette fortune de c?té pour ne nous occuper que du présent, car c'est ce présent, qui le menace, que Coupe-et-Tranche a voulu conjurer.
En promenant son regard railleur sur toute la personne de la femme, Meuzelin continua:
--Ah! il s'y entend, ma?tre Coupe-et-Tranche, quand il s'agit d'engluer un ardent coureur de femmes de la force du général Labor. Il sait choisir la proie à offrir aux appétits de luxure d'un pareil fouailleur... car, ma fille, tu es une bien appétissante créature, une magnifique Circé à laquelle Labor ne pouvait résister, lui, aussi bête que libertin. Donc, Coupe-et-Tranche avait parfaitement raisonné quand il s'était dit que le général, venu pour combattre les bandits, une fois qu'il serait tombé sous ton joug, n'aurait plus de secrets pour toi... Ton début à jouer du général a été heureux, ma fille, et je t'en félicite. Les dix mots qu'il t'a dits hier, ont suffi pour voler, la nuit dernière, quatre cent mille francs à l'état.
Et, tout moqueur, il répéta:
--Je t'en félicite. Tu tiens vraiment le général sous ta coupe; il ne voit plus que par toi.
En entendant son ennemi pr?ner l'empire qu'elle avait sur le général, le courage revint à la femme qui releva la tête et accentua sur un ton de défi:
--Le général, qui ne croira pas tes calomnies, saura me débarrasser de toi.
Meuzelin prit un air des plus étonnés.
--Que tu es bête, ma fille, ricana-t-il. à quoi bon irais-je faire des confidences à cette culotte de peau, quand, si tu le veux, nous pouvons, entre nous, si bien nous entendre.
L'effet produit par ces mots fut immédiat. La peur qui anéantissait la fausse comtesse disparut aussit?t. Celui devant qui elle tremblait depuis une heure n'était donc, ses paroles le prouvaient, qu'un hardi fripon qui, instruit de son secret, venait lui demander sa part du gateau?
Aussi, emportée par une satisfaction qui l'empêcha de réfléchir, elle joua cartes sur table.
--Quelle somme veux-tu? demanda-t-elle en venant au policier.
Mais lui secoua la tête et répliqua d'un ton amicalement grondeur:
--Tu verses du mauvais c?té, ma belle. Je vois que nous ne nous entendons pas le moins du monde. Je ne veux pas de ton argent.
Un autre espoir se présenta brusquement à l'esprit de la fausse comtesse. Ne lui avait-il pas dit, tout à l'heure, qu'elle était une bien appétissante créature? était-ce la femme qu'il désirait?
Au sourire voluptueux qui apparut sur ses lèvres, Meuzelin comprit sa pensée. Il se remit à hocher la tête en disant:
--Nous nous entendons de moins en moins, ma jolie Putiphar. Je suis un vrai Joseph. Tu perds ton temps. Je vais bien t'expliquer ta situation. Ta peur première t'a fait commettre une faute,

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