soir; peut-��tre ��tait-ce ma premi��re vraie impression d'attachement au foyer--et d'inqui��tude triste, �� la pens��e de tout l'immense inconnu du dehors. Ce devait ��tre aussi mon premier instant d'affection consciente pour ces figures v��n��r��es de tantes et de grand'm��res qui ont entour�� mon enfance et que, �� cette heure de vague anxi��t�� cr��pusculaire, j'aurais d��sir�� avoir toutes, �� leurs places accoutum��es, assises en cercle autour de moi...
Cependant les belles flammes folles dans la chemin��e avaient l'air de se mourir: la brass��e de menu bois ��tait consum��e et, comme on n'avait pas encore allum�� de lampe, il faisait plus noir. J'��tais d��j�� tomb�� une fois, sur le tapis de nou?s, sans me faire de mal, et j'avais recommenc�� de plus belle. Par instants, j'��prouvais une joie ��trange �� aller jusque dans les recoins obscurs, o�� me prenaient je ne sais quelles frayeurs de choses sans nom; puis �� revenir me r��fugier dans le cercle de lumi��re, en regardant avec un frisson si rien n'��tait sorti derri��re moi, de ces coins d'ombre, pour me poursuivre.
Ensuite, les flammes se mourant tout �� fait, j'eus vraiment peur; tante Berthe, trop immobile sur sa chaise et dont je sentais le regard seul me suivre, ne me rassurait plus. Les chaises m��me, les chaises rang��es autour de la salle, commen?aient �� m'inqui��ter �� cause de leurs grandes ombres mouvantes qui, au gr�� de la flamb��e �� l'agonie, montaient derri��re elles, exag��rant la hauteur des dossiers le long des murs. Et surtout il y avait une porte, entr'ouverte sur un vestibule tout noir--lequel donnait sur le grand salon plus vide et plus noir encore... oh! cette porte, je la fixais maintenant de mes pleins yeux, et, pour rien au monde, je n'aurais os�� lui tourner le dos.
C'��tait le d��but de ces terreurs des soirs d'hiver qui, dans cette maison pourtant si aim��e, ont beaucoup assombri mon enfance.
Ce que je craignais de voir arriver par l�� n'avait encore aucune forme pr��cise; plus tard seulement, mes visions d'enfant prirent figure. Mais la peur n'en ��tait pas moins r��elle et m'immobilisait l��, les yeux tr��s ouverts, aupr��s de ce feu qui n'��clairait plus,--quand tout �� coup, du c?t�� oppos��, par une autre porte, ma m��re entra... Oh! alors je me jetai sur elle; je me cachai la t��te, je m'ab?mai dans sa robe: c'��tait la protection supr��me, l'asile o�� rien n'atteignait plus, le nid des nids o�� l'on oubliait tout...
Et, �� partir de cet instant, le fil de mon souvenir est rompu, je ne retrouve plus rien.
III
Apr��s l'image ineffa?able laiss��e par cette premi��re frayeur et cette premi��re danse devant une flamb��e d'hiver, des mois ont d? passer sans que rien se gravat plus dans ma t��te. Je retombai dans cette demi-nuit des commencements de la vie que traversaient �� peine d'instables et confuses visions, grises ou roses sous des reflets d'aube.
Et je crois que l'impression suivante fut celle-ci, que je vais essayer de traduire: impression d'��t��, de grand soleil, de nature, et de terreur d��licieuse �� me trouver seul au milieu de hautes herbes de juin qui d��passaient mon front. Mais ici les dessous sont encore plus compliqu��s, plus m��l��s de choses ant��rieures �� mon existence pr��sente; je sens que je vais me perdre l�� dedans, sans parvenir �� rien exprimer...
C'��tait dans un domaine de campagne appel�� ?la Limoise?, qui jou�� plus tard un grand r?le dans ma vie d'enfant. Il appartenait �� de tr��s anciens amis de ma famille, les D***, qui, en ville, ��taient nos voisins, leur maison touchant presque la n?tre. Peut-��tre, l'��t�� pr��c��dent, ��tais-je d��j�� venu �� cette Limoise,--mais �� l'��tat inconscient de poup��e blanche que l'on avait apport��e au cou. Ce jour dont je vais parler ��tait certainement le premier o�� j'y venais comme petit ��tre capable de pens��e, de tristesse et de r��ve.
J'ai oubli�� le commencement, le d��part, la route en voiture, l'arriv��e. Mais, par un apr��s-midi tr��s chaud, le soleil d��j�� bas, je me revois et je me retrouve si bien, seul au fond du vieux jardin �� l'abandon, que des murs gris, rong��s de lierre et de lichen, s��paraient des bois, des landes �� bruy��res, des campagnes pierreuses d'alentour. Pour moi, ��lev�� �� la ville, ce jardin tr��s grand, qu'on n'entretenait gu��re, et o�� les arbres fruitiers mouraient de vieillesse, enfermait des surprises et des myst��res de for��t vierge. Ayant sans doute franchi les buis de bordure, je m'��tais perdu au milieu d'un des grands carr��s incultes du fond, parmi je ne sais quelles hautes plantes folles,--des asperges mont��es, je crois bien,--envahies par de longues herbes sauvages. Puis je m'��tais accroupi, �� la fa?on de tous les petits enfants, pour m'enfouir davantage dans tout cela qui me d��passait d��j�� grandement quand j'��tais debout. Et je restais tranquille, les yeux dilat��s, l'esprit en ��veil, �� la fois effray�� et charm��. Ce que j'��prouvais,
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