plus gaies, faisant monter et courir le long des murailles les ombres allong��es des choses... Oh! alors je me levai tout droit, saisi d'admiration... car je me souviens �� pr��sent que j'��tais assis, aux pieds de ma grand'tante Berthe (d��j�� tr��s vieille en ce temps-l��), qui sommeillait �� demi dans sa chaise, pr��s d'une fen��tre par o�� filtrait la nuit grise; j'��tais assis sur une de ces hautes chaufferettes d'autrefois, �� deux ��tages, si commodes pour les tout petits enfants qui veulent faire les calins, la t��te sur les genoux des grand'm��res ou des grand'tantes... Donc, je me levai, en extase, et m'approchai de la flamme; puis, dans le cercle lumineux qui se dessinait sur le tapis, je me mis �� marcher en rond, �� tourner, �� tourner toujours plus vite et enfin, sentant tout �� coup dans mes jambes une ��lasticit�� inconnue, quelque chose comme une d��tente de ressorts, j'inventai une mani��re nouvelle et tr��s amusante de faire: c'��tait de repousser le sol bien fort, puis de le quitter des deux pieds �� la fois pendant une demi-seconde,--et de retomber,--et de profiter de l'��lan pour m'��lever encore, et de recommencer toujours, pouf, pouf, en faisant beaucoup de bruit par terre, et en sentant dans ma t��te un petit vertige particulier tr��s agr��able... De ce moment, je savais sauter, je savais courir!
J'ai la conviction que c'��tait bien la premi��re fois, tant je me rappelle nettement mon amusement extr��me et ma joie ��tonn��e.
--Ah! mon Dieu, mais qu'est-ce qu'il a ce petit, ce soir? disait ma grand'tante Berthe un peu inqui��te. Et j'entends encore le son de sa voix brusque.
Mais je sautais toujours. Comme ces petites mouches ��tourdies, gris��es de lumi��re, qui tournoient le soir autour des lampes, je sautais toujours dans ce rond lumineux qui s'��largissait, se r��tr��cissait, se d��formait, dont les contours vacillaient comme les flammes.
Et tout cela m'est encore si bien pr��sent, que j'ai gard�� dans mes yeux les moindres rayures de ce tapis sur lequel la sc��ne se passait. Il ��tait d'une certaine ��toffe inusable, tiss��e dans le pays par les tisserands campagnards, et aujourd'hui tout �� fait d��mod��e, qu'on appelait ?nou?s?. (Notre maison d'alors ��tait rest��e telle que ma grand'm��re maternelle l'avait arrang��e lorsqu'elle s'��tait d��cid��e �� quitter l'?le pour venir se fixer sur le continent.--Je reparlerai un peu plus tard de cette ?le qui prit bient?t, pour mon imagination d'enfant, un attrait si myst��rieux.--C'��tait une maison de province tr��s modeste, o�� se sentait l'aust��rit�� huguenote, et dont la propret�� et l'ordre irr��prochables ��taient le seul luxe.)
...Dans le cercle lumineux qui, d��cid��ment, se r��tr��cissait de plus en plus, je sautais toujours. Mais, tout en sautant, je pensais, et d'une fa?on intense qui, certainement, ne m'��tait pas habituelle. En m��me temps que mes petites jambes, mon esprit s'��tait ��veill��; une clart�� un peu plus vive venait de jaillir dans ma t��te, o�� l'aube des id��es ��tait encore si pale. Et c'est sans doute �� cet ��veil int��rieur que ce moment fugitif de ma vie doit ses dessous insondables; qu'il doit surtout la persistance avec laquelle il est rest�� dans ma m��moire, grav�� ineffa?ablement. Mais je vais m'��puiser en vain �� chercher des mots pour dire tout cela, dont l'ind��cise profondeur m'��chappe... Voici, je regardais ces chaises, align��es le long des murs, et je me rappelais les personnes ag��es, grand'm��res, grand'tantes et tantes, qui y prenaient place d'habitude, qui tout �� l'heure viendraient s'y asseoir... Pourquoi n'��taient-elles pas l��? En ce moment, j'aurais souhait�� leur pr��sence autour de moi comme une protection. Elles se tenaient sans doute l��-haut, au second ��tage, dans leurs chambres; entre elles et moi, il y avait les escaliers obscurs, les escaliers que je devinais pleins d'ombre et qui me faisaient fr��mir... Et ma m��re? J'aurais surtout souhait�� sa pr��sence �� elle; mais je la savais sortie dehors, dans ces rues longues dont je ne me repr��sentais pas bien les extr��mit��s, les aboutissements lointains. J'avais ��t�� moi-m��me la conduire jusqu'�� la porte, en lui demandant: ?Tu reviendras, dis?? Et elle m'avait promis qu'en effet elle reviendrait. (On m'a cont�� plus tard qu'��tant tout petit, je ne laissais jamais sortir de la maison aucune personne de la famille, m��me pour la moindre course ou visite, sans m'��tre assur�� que son intention ��tait bien de revenir. ?Tu reviendras, dis?? ��tait une question que j'avais coutume de poser anxieusement apr��s avoir suivi jusqu'�� la porte ceux qui s'en allaient.) Ainsi, ma m��re ��tait sortie... cela me serrait un peu le coeur de la savoir dehors... Les rues!... J'��tais bien content de ne pas y ��tre, moi, dans les rues, o�� il faisait froid, o�� il faisait nuit, o�� les petits enfants pouvaient se perdre... Comme on ��tait bien ici, devant ces flammes qui r��chauffaient; comme on ��tait bien, dans sa maison! Peut-��tre n'avais-je jamais compris cela comme ce
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