disposions à partir, lorsque les coqs se mirent à chanter comme pour nous dire adieu: ce cri m'inspira l'idée de les emmener avec nous, ainsi que les oies, les canards et les pigeons. Aussit?t nous pr?mes dix poules avec deux coqs, l'un jeune, et l'autre vieux; nous les pla?ames dans l'une des cuves, que nous recouvr?mes avec soin d'une planche, et nous laissames au reste des volatiles, que nous m?mes en liberté, le choix de nous suivre par terre ou par eau.
Nous n'attendions plus que ma femme; elle arriva bient?t avec un sac qu'elle déposa dans la cuve de son plus jeune fils, seulement, à ce que je crus, pour lui servir de coussin. Nous part?mes enfin.
Dans la première cuve était ma femme, bonne épouse, mère pieuse et sensible; dans la seconde, immédiatement après elle, était Franz, enfant de sept à huit ans, doué d'excellentes dispositions, mais ignorant de toutes choses; dans la troisième, Fritz, gar?on robuste de quatorze à quinze ans, courageux et bouillant; dans la quatrième, nos poules et quelques autres objets; dans la cinquième, nos provisions; dans la sixième, Jack, bambin de dix ans, étourdi, mais obligeant et entreprenant; dans la septième, Ernest, agé de douze ans, enfant d'une grande intelligence, prudent et réfléchi; enfin dans la huitième, moi, leur père, je dirigeais le frêle esquif à l'aide d'un gouvernail. Chacun de nous avait une rame à la main, et devant soi un corset natatoire dont il devait faire usage en cas d'accident.
La marée avait atteint la moitié de sa hauteur quand nous quittames le navire; mais elle nous fut plus utile que défavorable. Quand les chiens nous virent quitter le batiment, ils se jetèrent à la nage pour nous suivre, car nous n'avions pu les prendre avec nous à cause de leur grosseur: Turc était un dogue anglais de première force, et Bill une chienne danoise de même taille. Je craignis d'abord que le trajet ne f?t trop long pour eux; mais en les laissant appuyer leurs pattes sur les balanciers destinés à maintenir le bateau en équilibre, ils firent si bien qu'ils touchèrent terre avant nous.
Notre voyage fut heureux, et nous arrivames bient?t à portée de voir la terre. Son premier aspect était peu attrayant. Les rochers escarpés et nus qui bordaient la rivière nous présageaient la misère et le besoin. La mer était calme et se brisait paisiblement le long de la c?te; le ciel était pur et brillant; autour de nous flottaient des poutres, des cages venant du navire. Fritz me demanda la permission de saisir quelques-uns de ces débris; il arrêta deux tonnes qui flottaient près de lui, et nous les attachames à notre arrière.
à mesure que nous approchions, la c?te perdait son aspect sauvage; les yeux de faucon de Fritz y découvraient même des arbres qu'il assura être des palmiers. Comme je regrettais beaucoup de n'avoir pas pris la longue-vue du capitaine, Jack tira de sa poche une petite lunette qu'il avait trouvée, et qui me donna le moyen d'examiner la c?te, afin de choisir une place propre à notre débarquement. Tandis que j'étais tout entier à cette occupation, nous entrames, sans nous en apercevoir, dans un courant qui nous entra?na rapidement vers la plage, à l'embouchure d'un petit ruisseau. Je choisis une place où les bords n'étaient pas plus élevés que nos cuves, et où l'eau pouvait cependant les maintenir à flot. C'était une plaine en forme de triangle dont le sommet se perdait dans les rochers, et dont la base était formée par la rive.
Tout ce qui pouvait sauter fut à terre en un clin d'oeil; le petit Franz seul eut besoin du secours de sa mère. Les chiens, qui nous avaient précédés, accoururent à nous et nous accablèrent de caresses, en nous témoignant leur reconnaissance par de longs aboiements; les oies et les canards, qui barbotaient déjà dans la baie où nous avions abordé, faisaient retentir les airs de leurs cris, et leur voix, mêlée à celle des pingouins, des flamants et des autres habitants de ce lieu que notre arrivée avait effrayés, produisait une cacophonie inexprimable. Néanmoins j'écoutais avec plaisir cette musique étrange, en pensant que ces infortunés musiciens pourraient au besoin fournir à notre subsistance sur cette terre déserte. Notre premier soin en abordant fut de remercier Dieu à genoux de nous y avoir conduits sains et saufs.
Nous nous occupames ensuite de construire une tente, à l'aide de pieux plantés en terre et du morceau de voile que nous avions apporté.
Cette construction, bordée, comme défense, des caisses qui contenaient nos provisions, était adossée à un rocher. Puis je recommandai à mes fils de réunir le plus de mousse et d'herbes sèches qu'ils pourraient trouver, afin que nous ne fussions pas obligés de coucher sur la terre nue, pendant que je construisais un foyer près de là
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.