à l'instruction d'un aussi grand nombre de générations, le Robinson suisse est destiné à prendre place à c?té du_ Robinson anglais _lorsqu'il sera mieux connu, et que la haute idée morale qui s'y trouve si dramatiquement développée aura été plus sérieusement et plus fréquemment appréciée._
_Daniel De Foe n'a mis en scène qu'un homme isolé, sans expérience et sans connaissance du monde, tandis que Wyss a raconté les travaux, les efforts de toute une famille, pour se créer des moyens d'existence avec les ressources de la nature et celles que donnent au chef de cette famille les lumières de la civilisation. Les personnages eux-mêmes intéressent davantage les jeunes lecteurs auxquels ce livre est destiné. Ce sont, comme eux, des enfants de différents ages et de caractères variés, qui, par leurs dialogues na?fs, rompent agréablement la monotonie du récit individuel, défaut que l'admirable talent de l'auteur anglais n'a pas toujours pu éviter. Le style de Wyss, dans sa simplicité et dans la puérilité apparente des détails, est merveilleusement approprié à l'esprit de ses lecteurs; un enfant, dans ses premières compositions, ne penserait pas autrement. Prier Dieu, s'occuper des repas que la prévoyance de ses parents lui a préparés, se livrer à des amusements variés, n'est-ce pas tout l'emploi du temps de l'enfance? C'est là, n'en doutons pas, une des principales causes du vif plaisir que procure la lecture du Robinson suisse, même à des hommes faits qui ne s'en sont jamais rendu raison._
_Il est cependant un reproche qu'on peut adresser à Wyss, et que ne mérite pas son devancier. Robinson, dans son ?le, ne trouve que les animaux et les plantes qui peuvent naturellement s'y rencontrer d'après sa position géographique. Wyss, au contraire, a réuni dans l'?le du naufragé suisse tous les animaux, tous les arbres, toutes les richesses végétales et minérales que la nature a répandues avec profusion dans les délicieuses ?les de l'océan Pacifique; et cependant chaque contrée a sa part dans cette admirable distribution des faveurs de la Providence: les plantes, les animaux de la Nouvelle-Hollande ne sont pas ceux de la Nouvelle-Zélande et de Ta?ti. Le but de l'auteur a été de faire passer sous nos yeux, dans un cadre de peu d'étendue, les productions propres à tous les pays avec lesquels nous sommes peu familiarisés, ce qui excuse en quelque sorte cette réunion sur un seul point de l'Océan de tout ce qui ne se rencontre que dans une multitude d'?les diverses._
_Les descriptions n'ont pas toujours l'exactitude réclamée par les naturalistes; dans quelques circonstances, la vérité a été sacrifiée à l'intérêt. C'est pour ne pas nuire à cet intérêt que nous n'avons rien changé aux descriptions, quoiqu'il nous e?t été facile de les rectifier._
_Mais combien ces taches ne sont-elles pas effacées par les le?ons admirables de résignation, de courage et de ferme persévérance qu'on y trouve à chaque page! Vouloir, c'est pouvoir, a-t-on dit; jamais cette maxime n'avait été développée sous une forme plus heureuse et plus dramatique. Robinson avait déjà montré, il est vrai, comment on parvient à pourvoir aux premiers besoins de la vie solitaire. Ici, dès les premiers pas, ces cruelles nécessités n'existent plus; ce sont les jouissances de la vie sociale qu'il faut satisfaire et les persévérants efforts des naufragés pour arriver à ce but obtiennent un tel succès, qu'ils parviennent même à se créer un musée._
_Comme dans son modèle, à chaque page Wyss a semé les enseignements sublimes de la morale évangélique; tout est rapporté par lui à l'auteur de toutes choses, et l'orgueil humain est constamment abaissé devant la grandeur et la bonté de Dieu. L'ouvrage a été écrit par un auteur protestant, mais avec une telle mesure, qu'il a suffi de quelques légères corrections pour le rendre tout à fait propre à des lecteurs catholiques._
_Wyss a cru devoir se dispenser d'entrer dans des détails d'avant-scène; l'action commence au moment même du naufrage, et, semblable à un auteur dramatique, il ne nous fait conna?tre les acteurs que par leur langage et leurs actions. Ainsi que lui, nous renvoyons à la narration le lecteur, qui sera bient?t familiarisé avec les personnages._
Friedrich Muller.
TOME I
CHAPITRE I
Tempête.--Naufrage.--Corsets natatoires.--Bateau de cuves.
La tempête durait depuis six mortels jours, et, le septième, sa violence, au lieu de diminuer, semblait augmenter encore. Elle nous avait jetés vers le S.-O., si loin de notre route, que personne ne savait où nous nous trouvions. Les passagers, les matelots, les officiers étaient sans courage et sans force; les mats, brisés, étaient tombés par-dessus le bord; le vaisseau, désemparé, ne manoeuvrait plus, et les vagues irritées le poussaient ?a et là. Les matelots se répandaient en longues prières et offraient au Ciel des voeux ardents; tout le monde était du reste dans la consternation, et ne s'occupait que des moyens de sauver ses jours.
?Enfants, dis-je à mes quatre fils effrayés et en pleurs,
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