en vertu de ces papiers.
AUGUSTE--Je le sais, et c'est ce qui me fait croire, comme on me l'a assuré, que la malheureuse enfant, ne pouvant survivre à son chagrin, est allée mourir obscurément quelque part aux états-Unis.
JOLIN--Ainsi donc ces papiers sont restés entre les mains de Dumont? Il n'a pourtant jamais voulu convenir qu'il e?t un dép?t venant de vous.
AUGUSTE--C'était son devoir de notaire.
JOLIN--Mais Dumont est mort, et son successeur...
AUGUSTE--A quoi bon ces explications? Les papiers existent, cela doit te suffire. Ils te seront montrés quand il sera temps.
JOLIN--Mais... mais... on vous les a donc rendus?
AUGUSTE--Pouvait-on refuser de me les restituer?
JOLIN--Mais alors, vous les avez sur vous, vous pouvez...
AUGUSTE--Curieux! mais en voilà assez pour ce soir. J'éprouve le besoin de prendre un peu de repos... Fais tes réflexions, Jolin; on dit que la nuit porte conseil. Emploie-la bien, caro mio; agis loyalement avec moi, et je ne te chicanerai pas trop sur tes comptes. A tort ou à raison, tu es riche, très riche, je le sais; même en me restituant ce qui m'est d?, tu pourrais vivre dans l'opulence... Crois-moi donc; la loyauté et la bonne foi te serviront mieux que la ruse ou la violence.
JOLIN--Certainement, mon cher monsieur Auguste, nous nous entendrons aisément... Seulement si vous pouviez me laisser voir cette contre-lettre.
AUGUSTE--Tu la verras, mais pas ce soir; le sommeil me gagne; dans quelle chambre as-tu fait préparer mon lit?
JOLIN--Dans la chambre jaune; Thibeault va vous y conduire. (Il sonne et Thibeault entre avec un bougeoir qu'il remet à Auguste.)
AUGUSTE--La chambre jaune! elle est bien triste et bien solitaire. C'est là que mourut ma vieille gouvernante, il y a près de quarante ans... Enfin, soit, je ne crains rien ni des vivants ni des morts... Bonsoir, Jolin; Dieu te donne des idées de paix!
(Tout en parlant il s'empare furtivement d'un couteau de table, dont il examine la pointe, et sort.)
SCèNE V
JOLIN, THIBEAULT.
JOLIN, seul--Allons, je l'aurai échappé belle! Heureusement que La Bourrasque est toujours La Bourrasque... Il a la contre-lettre dans sa poche, je l'ai deviné. Avant deux heures je me moquerai de ses menaces. Thibeault, où est Bertrand?
THIBEAULT--Y a un bout de temps qu'il doit être dans le parc, comme tous, les soirs, à attendre vos ordres.
JOLIN--Dis-lui que j'ai affaire à lui. (Pantomime.) Tu comprends?
THIBEAULT--C'est pas difficile.
JOLIN--Dépêche-toi.
THIBEAULT--?a y est. (Il sort.)
SCèNE VI
JOLIN, seul.
JOLIN--Jolin, voici le moment de mettre la dernière main à ta fortune... ou de perdre tout ce que tu possèdes. Question de vie ou de mort, Jolin! Oui, il faut lui enlever ce maudit papier, il le faut... à tout prix!... Ah! ma fortune! Il veut m'arracher ma fortune... mon bien, mon argent, ma vie!... Tout ce que j'ai passé la première partie de mon existence à désirer, et dont je n'ai pu profiter encore dans la seconde! Cette fortune pour laquelle je risque tous les jours la prison et l'échafaud... Ah! nous allons voir!... Non, monsieur Auguste DesRivières, vous ne m'arracherez pas ainsi le coeur. Auriez-vous tous les démons de l'enfer à votre service, vous ne réussirez pas. Plut?t vous étrangler de mes propres mains... Oui, oui, un meurtre, s'il le faut... la potence plut?t que la ruine... Oh! que je sois damné, mais que je sois riche!... riche!... riche!...
(La toile tombe.)
ACTE III
QUATRIèME TABLEAU
LES BRIGANDS
(Le théatre représente l'intérieur d'un parc. Au fond, un mur qu'au lever du rideau, Adrien est en train d'escalader. Il fait nuit.)
SCèNE I
ADRIEN, seul.
ADRIEN, dont on ne voit que la tête--On n'a pas l'habitude de veiller si tard au Domaine. Il faut que ce singulier personnage soit un homme d'importance aux yeux de Jolin... Se souviendra-t-il de moi?... cherchera-t-il à protéger Blanche?... Mais qu'importe après tout? Maintenant je suis décidé à agir seul... Agissons donc! (Il passe une jambe sur le mur.) Que vais-je faire? Ce voyageur n'avait-il pas raison de m'engager à prendre garde aux démarches imprudentes? Mon projet ne pourrait-il pas avoir pour résultat de compromettre Blanche sans utilité? Que gagnerai-je à me trouver seul, la nuit, dans ce jardin solitaire?... Ah bah! qui peut répondre du hasard? La pauvre enfant dort peu sans doute. Si elle avait l'heureuse pensée de se mettre à sa fenêtre pour respirer l'air frais de la nuit! Je pourrais me montrer à elle, lui adresser quelques mots à voix basse... Dans le cas contraire, je grimperai dans les peupliers jusqu'à sa fenêtre, et je déposerai ma lettre dans les pots de fleurs qu'elle arrose chaque matin... oui; d'ailleurs je serai plus près de ma chère, Blanche, je respirerai l'air qu'elle respire... Oui, oui, Dieu m'aidera! (Il entend du bruit; il retire sa jambe, et ne laisse que sa tête dépasser le mur.) Quelqu'un!... silence!
SCèNE II
BERTRAND, THIBEAULT.
BERTRAND, entrant avec Thibeault--Cré nom d'un nom! j'aime pas ?a, moi, qu'on me laisse là, planté comme un pieu, pendant des deux ou trois heures de la nuit,
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