quand y a des bons coups à faire partout.
THIBEAULT--Vous avez pas besoin de vous plaindre, ?a arrive toujours pas si souvent.
BERTRAND--Une fois c'est de reste.
THIBEAULT--Je voudrais ben vous voir rebeller... Quoi c'que vous pourriez faire avec vot' gang sans lui?
BERTRAND--Enfin de quoi s'agit-il?
THIBEAULT--Il va vous le dire lui-même. Y a un grand jack qu'est arrivé à soir qui y a pas fait plaisir.
BERTRAND--Ah! y s'agit de... (Pantomime.)
THIBEAULT--J'cré qu'oui.
BERTRAND--Un de ses anciens amis, je gagerais.
THIBEAULT--?a m'en a tout l'air.
BERTRAND--C'est comme ?a; les meilleurs amis finissent toujours par en venir au couteau. Moi, j'avais un camarade d'école que j'aimais comme mes yeux. Un jour, à propos de rien, y m'plante son canif dans les c?tes et se sauve. Six mois après, j'lui envoya dans la tête une balle qu'il vit pas venir. C'est de valeur, parce qu'on était comme les deux doigt de la main.
SCèNE III
LES PRéCéDENTS, JOLIN.
JOLIN, entrant--Eh bien, qu'est-ce que vous faite donc? Il n'y a pas de temps à perdre: il est une heure du matin.
BERTRAND--Bon! chacun son tour. C'est-y amusant d'attendre?
JOLIN--Thibeault vous a-t-il fait... comprendre...
BERTRAND--Ben... à peu près. Il para?t qu'y a un citoyen de trop dans ce monde.
JOLIN--Chut!... Comprenez bien mes volontés. Il ne s'agit pas de faire un mauvais coup; je suis trop honnête homme pour rien exiger de pareil. D'ailleurs on sait que l'individu se trouve chez moi, et je serais bien embarrassé de rendre compte de sa disparition... s'il disparaissait. Il faut être prudent. Il ne s'agit que de s'emparer de quelques paperasses qu'il a sur lui. Seulement, s'il s'éveille trop t?t, vous pouvez compter sur une résistance énergique... et alors...
BERTRAND--Tant mieux!
THIBEAULT--Tant pis!
JOLIN--Il faut l'empêcher de s'éveiller trop t?t et je puis vous donner à ce sujet des renseignements utiles. Pendant qu'il se couchait, je l'ai examiné par une fente de la cloison. Il se défie de quelque chose car il a commencé par entasser tous les meubles de la chambre derrière la porte, et puis s'est couché tout habillé. Mais il est bien fatigué, et il dort déjà profondément. Il s'agit d'abord d'ouvrir avec assez de précaution pour ne pas faire de bruit, c'est le principal. Après cela vous irez droit au lit qui est à gauche, et vous pourrez vous emparer de l'individu avant qu'il soit éveillé; alors j'entrerai avec de la lumière, et le reste ira tout seul.
BERTRAND--Mais, tonnerre d'un nom! c'est bien des cérémonies, ?a! Laissez-moi donc faire; ?a mettra pas grand temps, vous verrez!
JOLIN--Non, non!... Il y a des personnes endormies dans la maison: tout doit se faire dans le plus grand silence.
THIBEAULT--Tenez, vous me laisserez arranger ?a moi. Je me charge d'ouvrir la porte sans faire plus de bruit qu'une souris qui trotte...
JOLIN--C'est cela; eh bien, allons!
BERTRAND, à part--C'est correct; encore un! mais y va te co?ter le prix, celui-là, mon vieux grippe-sou d'hypocrite!... (Ils sortent.)
ADRIEN, seul--Oh! infamie des infamies!... Cette fois, c'est l'humanité qui parle; je ne puis reculer. (Il saute dans le parc.) Il s'agit d'empêcher un crime: c'en serait un d'hésiter!... (Il suit Jolin.)
CINQUIèME TABLEAU
AU MEURTRE
(Le théatre représente un corridor.)
SCèNE IV
Mme SAINT-VALLIER, BLANCHE.
Mme SAINT-VALLIER, debout un bougeoir à la main--Je te dis, ingrate enfant, que ton ridicule entêtement va nous faire chasser de cette maison. M. Jolin nous a rudoyées ce soir, comme il ne l'a encore jamais fait. Si tu le pousses à bout, qu'arrivera-t-il de nous, je te le demande? Nous faudra-t-il recommencer notre vie d'autrefois? Pour moi je suis lasse de cette pauvreté déshonorante.
BLANCHE--Maman, la pauvreté ne peut déshonorer quand on la supporte noblement et avec courage. Cette vie d'humiliation me répugne; j'aimerais mieux mille fois travailler pour vous et pour moi. Je puis broder, donner des le?ons de musique...
Mme SAINT-VALLIER--De la broderie! des le?ons de musique! Voilà bien de quoi faire vivre une personne de ma condition! Travailler pour vivre, quand on a vécu dans la meilleure société, quand on a tenu le haut du pavé!... Tiens, tiens, il faut que tout cela finisse, je ne puis souffrir que tu fasses ainsi ton malheur et le mien!
BLANCHE--Votre malheur! mais vous savez bien que je donnerais ma vie pour vous savoir heureuse!
Mme SAINT-VALLIER--Ce sont des phrases de roman, cela; quand on aime sa mère, on ne lui refuse pas un léger sacrifice...
BLANCHE--Je suis prête à faire tous les sacrifices possibles, ma mère; oui, tous, excepté celui d'épouser cet homme. Il m'inspire trop d'horreur et de dégo?t!
Mme SAINT-VALLIER--Tu l'épouseras cependant, et le mariage va se faire dans le plus court délai. Nous verrons bien si tu oseras désobéir à ta mère.
BLANCHE--Puisse Dieu me pardonner, maman; mais j'aurai la force de l'oser!
Mme SAINT-VALLIER--Indigne créature! enfant dénaturée! Je parviendrai bien à te réduire va; et ce n'est pas ton Adrien Launière qui m'en empêchera. Un dr?le qui n'a rien, et que tu préfères comme une sotte à l'homme le plus riche de Québec.
BLANCHE--Le souvenir d'Adrien
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