inconnu,
Mais que veut Licas?
SCENE II.
LICAS, NICANOR.
LICAS.
Le Prince est revenu
Seigneur!
NICANOR.
De son combat il revient plein de gloire
Qu'en est-il?
LICAS.
Il n'a point parlé de sa victoire.
Le Prince est moderé.
NICANOR.
Le Prince est donc vaincu,
Et s'il l'est avec honte, il n'a que trop
vescu.
LICAS.
Le Corsaire, Seigneur, a surpris Amatonte.
NICANOR.
O Dieux! adjoustez-vous cette perte à ma honte?
Et si vôtre secours
me veut abandonner,
Quel remede assez prompt y pourray-je donner?
Mais sçait-on le destail d'une telle avanture;
LICAS.
Ce que j'ay pû tirer d'un Peuple qui murmure,
Et vous sçavez,
Seigneur, ce qu'on en peut tirer,
C'est ce qu'en peu de mots je vais
vous déclarer.
Les troupes d'Orosmane en terre descendues,
Se sont
en divers corps dans l'Isle répanduës,
L'on a pris Amatonte, & le plus
fort de tous,
Que les autres suivront, marche, & vient droit à nous.
NICANOR.
C'est assez.
SCENE III.
NICANOR, ELISE, LICAS.
NICANOR.
Sçavez-vous qu'Amatonte est surprise,
Madame, & qu'on s'en prend à
la Princesse Elise;
Qu'on dit qu'elle s'entend avec nos Ennemis,
Puis
qu'elle a refusé de couronner mon fils;
Que par ce fier refus une
guerre impreveuë,
Trouve Cypre allarmée, & de Roy dépourveuë,
Et qu'à nous qui pourrions les esprits rasseurer,
Elle ne permet pas
seulement d'esperer?
ELISE.
Je permets d'esperer au vainqueur du Corsaire.
NICANOR.
Mais Amintas vaincu, perd l'espoir de vous plaire,
Ce Prince qui vous
ayme, & que vous méprisez,
Pour conserver un bien que vous luy
refusez,
Pour deffendre la Cypre à d'autres destinée,
Ira-t'il exposer
sa vie infortunée?
Ha! puisqu'à son amour l'espoir est deffendu,
Que Cypre soit perduë autant qu'il est perdu.
ELISE.
Ce n'est pas la saison de faire des reproches,
Quand de nos ennemis
nous craignons les approches,
Ny de laisser ainsi tout un Peuple
effrayé,
Qui n'espere qu'en vous, qui vous a tout fié.
Que fait donc
en vos mains la regence remise,
Et vous en servez-vous seulement
contre Elise;
J'aurois donc bien choisi pour Espoux & pour Roy,
Un
Prince qui craindroit de s'exposer pour moy.
Ce n'est qu'en deffendant,
en forçant des murailles,
Marchant vers l'ennemy; luy donnant des
batailles,
Quand on n'est pas né Roy qu'on se peut couronner.
A de
moindres exploits je ne me puis donner.
Quand ce que j'ay juré
pourroit un jour s'enfraindre,
Et dans mon coeur changé la vengeance
s'esteindre.
Mais le Prince Amintas, ne s'est-t'il pas battu?
Tient-on
secret s'il est, ou vainqueur ou vaincu?
LICAS.
Il vous cherche, Madame.
ELISE.
Ha! qu'il vienne m'apprendre
Le succez du combat que je brûle
d'entendre.
Je vous demandois, Prince! est-il mort, est-il pris
Le
barbare Corsaire, & suis-je vostre prix?
Ou vaincu, venez vous en
affliger Elise,
Assez triste dé-ja, d'Amatonte surprise?
SCENE IV.
AMINTAS, ELISE, NICANOR.
AMINTAS.
Je suis vaincu, Princesse, & je cede à mon sort.
Mon bras blessé n'a
fait qu'un inutile effort,
Et les longues rigueurs de vôtre fier courage,
Ont enfin accomply leur malheureux présage.
Je vous perds belle
Elise, & je ne cherche plus,
D'où venoient vos mépris, vos froideurs,
vos refus:
Qui pour vous acquerir a manqué de vaillance,
A bien
plus merité que vostre indifference.
Dois-je vous l'avoüer? un illustre
vainqueur,
Tout ennemy qu'il est, auroit gagné mon coeur.
Mon
ame auroit esté de la sienne charmée,
Dans le temps que sa main la
mienne a desarmée,
Si je pouvois aimer ce que vous n'aimez pas,
Lors que j'ay succombé sous l'effort de son bras,
Va Prince, m'a-t'il
dit, vis pour aimer Elise;
Un Dieu ne feroit pas de plus belle
entreprise;
Qui par de tels desseins fait envier son sort,
En merite
un meilleur que mes fers, ou la mort.
De si beaux sentimens si
conformes aux nôtres,
N'adouciront-ils point la cruauté des vôtres?
Quoy que par luy vaincu, que par luy malheureux,
Je dois cette
justice à son coeur genereux,
Que sa vaillante main ne m'a laissé la
vie,
Qu'à cause que l'amour vous l'avoit asservie.
Vous souhaittez
sa mort; mais j'atteste les Cieux,
Qu'il ne parle de vous que comme on
fait des Dieux;
Qu'il n'est point de mortel plus digne de vous plaire,
Et que l'on connoist mal cét illustre Corsaire.
ELISE.
Adjouste, Amintas, que cét heureux vainqueur,
Vous oste à mesme
temps la victoire & le coeur.
D'autres guerriers que vous dans l'Asie
ou la Grece,
Prendront les interests d'une jeune Princesse,
Combatront Orosmane, & s'ils en sont vaincus,
Ne luy parleront point
de ses rares vertus.
AMINTAS.
Vous me blasmez, Madame, à cause que j'estime,
En mon ennemy
mesme, un vainqueur magnanime
Jugez plustost par là, combien c'est
vous aymer,
Que de haïr pour vous ce qu'on doit estimer:
Obligé de
la vie à ce vaillant Corsaire,
Je préfere à l'honneur la gloire de vous
plaire;
Car ingrate beauté, quand mon noble vainqueur,
Me devroit
reprocher que je suis sans honneur,
Dans son Camp, dans sa tente, au
peril de ma vie,
J'iray par son trépas assouvir vôtre envie;
Privé
mesme d'espoir de vous plus posseder,
Je veux pour vous encore aller
tout hazarder.
ELISE.
Un si beau desespoir, Prince, plus qu'autre chose,
Pourroit faire cesser
le malheur qui le cause.
Vaincre au milieu des siens mon ennemy
cruel,
C'est bien un autre exploit que le vaincre en duel.
Pour les
biens de l'amour comme de la fortune,
Ce qu'on manque une fois se
doit tenter
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