vivre, & sans qui mon trépas,
Que vous redoutez tant, dependra de
mon bras?
Car enfin, la perdant, je n'escouteray guere,
Ni les sages
conseils, ni les ordres d'un Pere;
Et quand vous m'opposez ces ordres
rigoureux,
Vous vous rendez, Seigneur, pour moy plus dangereux,
Que ne sera jamais la valleur du Pirate,
Qu'Elize, & mon honneur
veulent que je combatte.
[Il sort.]
NICANOR.
Va donc, sui ton destin, je ne te retien plus.
SEBASTE.
Vous perdez bien du temps en discours superflus.
AMINTAS.
Allons donc au combat sans tarder davantage.
SEBASTE.
Allons Prince, un vaisseau m'attend pres du rivage
Orosmane à la
rade en peu de temps sçaura,
Ce que vous luy voulez & vous
satisfera.
ALCIONNE.
Amintas! ô mon coeur, que me faites vous faire,
Vous vous exposez
donc à la foy d'un Corsaire?
Un Prince comme vous se devroit
menager.
AMINTAS.
Elize est offencée, & je la veux venger,
Qui n'en est pas aymé, n'est
pas digne de vivre,
Il faut qu'un prompt trépas de mes soins la delivre,
Ou qu'un combat heureux change son coeur ingrat,
Et ce bon-heur
vaut bien qu'on hazarde un combat.
[Il sort.]
SCENE III.
ALCIONNE, CLARICE.
ALCIONNE.
Helas! ce n'est pas là ce que je voulois dire,
A l'innocent autheur de
mon cruel martire,
Je luy voulois ouvrir les secrets de mon coeur,
Luy dire qu'il y regne en aimable vainqueur;
Luy reveler les maux
qu'il ignore, & qu'il cause,
Clarice l'as-tu veu! j'ay fait tout autre
chose,
Ainsi le criminel de son remors pressé,
Se coupe, & ne dit
rien de ce qu'il a pensé
Ainsi ce cher vainqueur de mon ame soûmise,
Dont ma foible raison les armes favorise,
Ne sçait point sa
conqueste, & ne la sçaura point,
Tant un destin cruel à mon amour est
joint:
Et quand bien il sçauroit qu'il cause ma souffrance
M'en
devrois-je flatter de la moindre esperance?
Ce Prince ayme ma soeur,
il ne peut donc m'aymer
Et quand il changeroit, le pourrois-je estimer?
Pensant gagner mon coeur, il perdroit mon estime,
Et son amour
pour moy me paroistroit un crime,
Cependant il se jette en un mortel
danger;
Ai-je à m'en réjouïr? ai-je à m'en affliger?
Si ce Prince est
vaincu, ce Prince perd sa gloire,
Et je doi faire ainsi des voeux pour
sa victoire;
Mais sa victoire aussi luy donnera ma soeur,
Et je doi
craindre ainsi de le revoir vainqueur,
L'un & l'autre succez favorable
ou contraire,
S'oppose égallement à tout ce que j'espere;
Ou plustost
je crains tout, & je n'espere rien,
Est-il un desespoir plus juste que le
mien?
CLARICE.
Mais Amintas lassé d'aimer qui le méprise,
Peut un jour vous offrir ce
que refuse Elize.
ALCIONNE.
Apres les sentimens d'une noble fierté,
Où mon coeur contre luy s'est
tantost emporté,
Apres avoir promis à ma soeur qui m'est chere,
De
resister comme elle aux volontez d'un Pere,
Lasche puis-je trahir la
fierté de mon coeur,
Et plus lasche manquer de parolle à ma soeur?
CLARICE.
Il sçauroit mon amour si j'estois Alcionne.
ALCIONNE.
Que pourroit-il penser d'une ame qui se donne?
Ha! si de là dépend
tout l'heur de mon Destin,
Resoluons nous plustost d'en avancer la fin,
Craignons l'état honteux d'une amante qui prie,
Mais à quoy
songe-tu, mon aveugle furie?
He n'ayje pas voulu dans ce mesme
moment,
Luy découvrir ma flâme, & mon cruel tourment,
Et
découvrir sa flâme à celuy qui la cause?
Si ce n'est le prier, il s'en faut
peu de chose.
O Dieux! quand je reproche à mon esprit confus,
Que
je vien de courir le danger d'un refus;
Qu'il n'est rien de plus bas
qu'une inutile plainte,
Qu'aysement je m'engage aux loix de la
contrainte,
A ne croire jamais mes desirs trop ardens;
A deffendre à
mon coeur ses soûpirs imprudens.
Mais en vain on le cache; un air
triste au visage,
Une langueur aux yeux, sont un muet langage,
Qui
trahit le secret d'un soûpir retenu,
Et le feu de l'amour tost ou tard est
connu.
Non non, triste Princesse, il faut cesser de vivre,
C'est le
meilleur conseil que tu peux jamais suivre.
Choisis, choisis la mort
plustost que de rougir;
Laisse à ton desespoir la liberté d'agir,
Et
soit que ton Amant vainque, ou perde la vie,
Meurs de ton déplaisir,
ou de ta jalousie.
Fin du second Acte.
ACTE III.
SCENE PREMIERE.
NICANOR, CRITON.
NICANOR.
Le Corsaire Orosmane a donc pris terre ainsi?
CRITON.
Et renvoyé sa barque & ses Soldats aussi,
NICANOR.
Et mon fils?
CRITON.
Et le Prince a de la mesme sorte,
Renvoyé les Soldats qui luy
servoient d'escorte.
Ils se sont allé battre au pied d'un grand rocher,
Où sans se faire voir on ne peut approcher:
Mais Seigneur, consentir
à ce combat funeste....
NICANOR.
J'ay fait ce que j'ay dû, les Dieux feront le reste.
La victoire en
dépend, & non pas nostre coeur,
Qui doit estre invincible en cedant
au vainqueur,
Mais la flotte Corsaire à nostre rade ancrée,
S'est à
l'aube du jour en deux parts separée.
CRITON.
Dont l'une, vent en pouppe a pris la haute mer,
Pendant qu'on a veu
l'autre en bonne ordre ramer,
Vers l'Occident de l'Isle où l'abord est
facile,
Et qui n'est deffendu ny de Fort ny de Ville.
NICANOR.
Ils ont quelque dessein qui nous est
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