du nord-ouest réalisaient d'énormes bénéfices, malgré la
concurrence des sociétés américaines et russes qui s'étaient fondées,
entre autres la «Compagnie américaine des pelleteries», créée en 1809
avec un capital d'un million de dollars, et qui exploitait l'ouest des
Montagnes-Rocheuses.
Mais de toutes ces sociétés, la Compagnie de la baie d'Hudson était la
plus menacée, quand, en 1821, à la suite de traités longuement débattus,
elle absorba son ancienne rivale, la Compagnie du nord-ouest, et prit la
dénomination générale de: Hudson's bay fur Company.
Aujourd'hui, cette importante association n'a plus d'autre rivale que «la
Compagnie américaine des pelleteries de Saint-Louis.» Elle possède
des établissements nombreux dispersés sur un domaine qui compte
trois millions sept cent mille milles carrés. Ses principales factoreries
sont situées sur la baie James, à l'embouchure de la rivière de Severn,
dans la partie sud et vers les frontières du Haut-Canada, sur les lacs
Athapeskow, Winnipeg, Supérieur, Methye, Buffalo, près des rivières
Colombia, Mackenzie, Saskatchawan, Assinipoil, etc. Le Fort York,
qui commande le cours du fleuve Nelson, tributaire de la baie d'Hudson,
forme le quartier général de la Compagnie, et c'est là qu'est établi son
principal dépôt de fourrures. De plus, en 1842, elle a pris à bail,
moyennant une rétribution annuelle de deux cent mille francs, les
établissements russes de l'Amérique du Nord. Elle exploite ainsi, et
pour son propre compte, les terrains immenses compris entre le
Mississipi et l'océan Pacifique. Elle a lancé dans toutes les directions
des voyageurs intrépides, Hearn vers la mer polaire, à la découverte de
la Coppernicie en 1770; Franklin, de 1819 à 1822, sur cinq mille cinq
cent cinquante milles du littoral américain; Mackenzie, qui, après avoir
découvert le fleuve auquel il a donné son nom, atteignit les bords du
Pacifique par 52024 de latitude nord. En 1833-34, elle expédiait en
Europe les quantités suivantes de peaux et fourrures, quantités qui
donneront un état exact de son trafic:
Castors: 1, 074 Parchemins et jeunes castors: 92, 288 Rats musqués:
694, 092 Blaireaux 1, 069 Ours: 7, 451 Hermines: 491 Pêcheurs: 5, 296
Renards: 9, 937 Lynx: 14, 255 Martres: 64, 490 Putois: 25, 100 Loutres:
22, 303 Ratons: 713 Cygnes: 7, 918 Loups: 8, 484 Wolwérènes: 1, 571
Une telle production devait donc assurer à la Compagnie de la baie
d'Hudson des bénéfices très considérables; mais, malheureusement
pour elle, ces chiffres ne se maintinrent pas, et depuis vingt ans environ,
ils étaient en proportion décroissante.
À quoi tenait cette décadence, c'est ce que le capitaine Craventy
expliquait en ce moment à Mrs. Paulina Barnett.
«Jusqu'en 1837, madame, dit-il, on peut affirmer que la situation de la
Compagnie a été florissante. En cette année-là, l'exportation des peaux
s'était encore élevée au chiffre de deux millions trois cent
cinquante-huit mille. Mais depuis, il a toujours été en diminuant, et
maintenant ce chiffre s'est abaissé de moitié au moins.
-- Mais à quelle cause attribuez-vous cet abaissement notable dans
l'exportation des fourrures? demanda Mrs. Paulina Barnett.
-- Au dépeuplement que l'activité, et j'ajoute, l'incurie des chasseurs a
provoqué sur les territoires de chasse. On a traqué et tué sans relâche.
Ces massacres se sont faits sans discernement. Les petits, les femelles
pleines n'ont même pas été épargnés. De là, une rareté inévitable dans
le nombre des animaux à fourrures. La loutre a presque complètement
disparu et ne se retrouve guère que près des îles du Pacifique nord. Les
castors se sont réfugiés par petits détachements sur les rives des plus
lointaines rivières. De même pour tant d'autres animaux précieux qui
ont dû fuir devant l'invasion des chasseurs. Les trappes, qui
regorgeaient autrefois, sont vides maintenant. Le prix des peaux
augmente, et cela précisément à une époque où les fourrures sont très
recherchées. Aussi, les chasseurs se dégoûtent, et il ne reste plus que les
audacieux et les infatigables qui s'avancent maintenant jusqu'aux
limites du continent américain.
-- Je comprends maintenant, répondit Mrs. Paulina Barnett, l'intérêt que
la Compagnie attache à la création d'une factorerie sur les rives de
l'océan Arctique, puisque les animaux se sont réfugiés au-delà du cercle
polaire.
-- Oui, madame, répondit le capitaine. D'ailleurs, il fallait bien que la
Compagnie se décidât à reporter plus au nord le centre de ses
opérations, car, il y a deux ans, une décision du parlement britannique a
singulièrement réduit ses domaines.
-- Et qui a pu motiver cette réduction? demanda la voyageuse.
-- Une raison économique de haute importance, madame, et qui a dû
vivement frapper les hommes d'État de la Grande-Bretagne. En effet, la
mission de la Compagnie n'était pas civilisatrice. Au contraire. Dans
son propre intérêt, elle devait maintenir à l'état de terrains vagues son
immense domaine. Toute tentative de défrichement qui eût éloigné les
animaux à fourrures était impitoyablement arrêtée par elle. Son
monopole même est donc ennemi de tout esprit d'entreprise agricole.
De
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